Intervention de colonel Henri Sowa

Réunion du 23 mai 2013 à 11h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

colonel Henri Sowa, attaché de défense adjoint - attaché de l'air à Rome et attaché de défense non-résident pour l'Albanie :

Comme il en va pour toutes les relations bilatérales, les relations franco-italiennes en matière de défense présentent quelques spécificités, en raison d'héritages historiques différents de nos deux pays. Ainsi avons-nous eu un empire colonial alors que les possessions coloniales italiennes se limitaient à quelques pays autour de la Méditerranée. Par ailleurs, la débâcle du 8 septembre 1943 ayant profondément marqué les esprits, la Constitution, en son article 11, dispose que « l'Italie répudie la guerre ». Cette disposition oriente nombre de décisions en matière de défense. Enfin, à la suite du Plan Marshall, l'Italie a conservé un lien particulier avec les États-Unis – où vit par ailleurs une diaspora italienne très étendue, sur laquelle le pays s'appuie– et l'on y note un profond attachement à l'OTAN : pour l'Italie, l'Europe de la défense vient toujours après l'Alliance atlantique.

L'Italie tient à son rang et redoute de se voir écartée des coopérations internationales ; cela peut conduire à des réactions opportunistes. Avec la France, les relations sont ambivalentes : faute d'avoir elle-même une vision stratégique de long terme, l'Italie, quand il est question d'une coopération dans un domaine donné, s'interroge toujours sur ce que pourrait être notre stratégie « cachée », et il nous faut dissiper ces procès d'intention. D'une manière générale, l'Italie attend de la France une plus grande considération. Nos relations en matière de défense sont longtemps restées assez crispées ; une embellie a eu lieu à partir de 2010, à laquelle la crise libyenne a donné un coup d'arrêt. L'Italie a en effet considéré qu'en attaquant à la Libye on s'en prenait à son pré carré – un pays avec lequel elle avait signé un traité d'amitié et de coopération. Le sentiment de froissement s'estompe peu à peu, et depuis le dernier Sommet franco-italien de Lyon, les relations sont beaucoup plus constructives.

On constate généralement un manque de vision de long terme dans le domaine capacitaire et d'équipement des forces. L'Italie n'a pas de loi de programmation militaire et les seuls documents doctrinaux structurants émanent de l'état-major des armées. Ces documents ne procèdent pas cependant à une analyse aussi approfondie que celle de notre Livre blanc sur la défense. Le niveau d'ambition stratégique du pays est limité : l'Italie ne prévoit pas de s'engager seule, même s'il faut évacuer ses ressortissants. Elle souhaite toujours agir au sein d'une coalition, et en limitant ses interventions à la « Méditerranée élargie », pour reprendre le terme utilisé en Italie pour désigner le Proche-Orient jusqu'à l'Irak et l'Afghanistan, deux pays où elle a dépêché des forces aux côtés de l'allié américain.

Le corps des ingénieurs de l'armement n'existe pas en Italie. Ces fonctions sont occupées par des officiers des forces, qui peuvent être affectés au Secrétariat général de la défense – Direction nationale des armements (Segredifesa) avant de revenir dans les forces. Ces allers et retours créent des liens assez étroits entre l'industrie de l'armement et les officiers des forces, ce qui peut être un atout pour le soutien à l'exportation. L'interarmisation est encore balbutiante sinon dans quelques rares services de santé des armées. Enfin, l'organisation de Segredifesa rappelle celle de la direction générale de l'armement en France avant la création d'unités de management dotées d'un rôle transversal plus important.

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