Intervention de Damien Meslot

Réunion du 25 juin 2013 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Meslot :

Général, vos propos ont été assez percutants, ce qui n'étonnera pas ceux qui vous connaissent quelque peu.

Nous ne mettons pas en cause l'armée de terre, mais des gens ont bien pris des décisions qui se sont révélées pour le moins hasardeuses et malheureuses. Je suis d'accord avec vous, les réformes se sont succédé en tourbillon, les moyens mis en place au moment du basculement étaient insuffisants, les responsabilités avaient été émiettées. Mais le rapport Lapprend avait tout de même mis en évidence les faiblesses du calculateur et préconisé certaines mesures, qui n'ont pas toutes été prises. On a prétendu aussi que l'on fermait les CTAC parce que le calculateur PSIDI était obsolète. Or, ce n'était pas vrai puisque la gendarmerie continue de l'utiliser.

L'armée de terre n'est pas seule concernée. L'attaché de défense de l'ambassade de France à Londres, issu de la Marine, nous a expliqué, lorsque nous l'avons rencontré, qu'alors que jusqu'en janvier il n'avait rencontré aucun problème, tout a ensuite « disjoncté ».

On a prétendu aussi que les difficultés étaient imputables à l'accumulation de dossiers en souffrance mais qu'une fois ces 130 000 dossiers traités, tout rentrerait dans l'ordre. Or, le retard a été rattrapé mais, hélas, de nouveaux dysfonctionnements sont apparus.

Général, je partage votre avis : le problème ne provient pas de l'alimentation par les différents services – des erreurs sont certes toujours possibles, mais elles sont tout à fait marginales et pourraient être facilement rattrapées. Le problème provient du calculateur lui-même. La société qui l'a installé et que nous avons pu rencontrer, nous a expliqué qu'on ne lui avait laissé ni le temps ni les moyens de faire les tests qu'elle souhaitait. On l'a obligée à accélérer le déploiement alors qu'elle-même appelait l'attention de certains responsables sur les risques encourus. Chacun savait en outre que dès le basculement sur Louvois, il ne serait plus possible de faire machine arrière. Il n'existait pas de plan B. Si l'on voulait maintenant revenir en arrière, il faudrait deux à trois ans. Autant donc aller vers l'opérateur national de paye !

Les décisions ont été prises par de hauts responsables du complexe politico-militaire qui doivent aujourd'hui assumer la responsabilité de la catastrophe qui s'en est suivie. Je ne dis pas : « c'est l'armée de terre » mais : « c'est le système ». Et ce n'est pas la première fois que l'on relève des défaillances dans notre système de décision. Je pense par exemple aux retards et aux déboires qu'a connus notre avion de transport militaire.

Il est inadmissible que, dans un pays comme la France, on ne soit pas foutu, pardonnez-moi l'expression, de payer en temps et en heure des personnes qui vont risquer leur vie pour le pays et que des responsables osent nous dire qu'en gros, « ce n'est la faute à personne ».

Il ne s'agit pas de vilipender qui que ce soit, mais d'essayer de comprendre l'origine des dysfonctionnements afin d'éviter qu'ils ne se reproduisent demain.

Il est vrai, vous l'avez dit, que les militaires sont disciplinés, mais on leur a beaucoup demandé ces dernières années avec la succession des réformes. Tout cela va finir en une gabegie financière, d'ailleurs difficile à évaluer : on parle de 130 millions d'euros déjà dépensés, sans compter tous les moyens qu'il faut déployer pour opérer les retraitements nécessaires. Au final, cette affaire aura coûté des centaines de millions d'euros. J'aurais préféré que cette somme serve à équiper nos armées de ce qui leur fait aujourd'hui défaut.

Il ne s'agit pas d'imputer la responsabilité à untel plutôt qu'à untel. Mais il faudra bien qu'à un moment, certains reconnaissent avoir pris des décisions, alors même que des voyants rouges étaient allumés – nous aurons l'occasion de le dire, Geneviève Gosselin-Fleury et moi, dans notre rapport d'information.

Peut-être fallait-il impérativement réduire les effectifs et se lancer dans la réforme. Mais c'est bien l'aveuglement de ceux qui ont pris des décisions hasardeuses et malheureuses, en tout cas précipitées, qui a conduit à la situation actuelle, dont on n'est, hélas, pas près de sortir. Nous pensons en effet que le calculateur est en lui-même faussé et que tout cela va encore durer des mois, voire des années.

Je ne mets pas en cause l'armée de terre spécifiquement. Les répercussions y sont plus nombreuses de par l'importance de ses effectifs, mais la marine aussi a connu des problèmes, avec un décalage dans le temps. Et les erreurs perdurent. Dès qu'on en corrige une, le calculateur en refait de nouvelles, ce qui laisse à penser que c'est bien lui qui est en cause. Il faudra tirer les enseignements de ce que le ministre a qualifié de « catastrophe », qui ne donne une bonne image ni de notre pays ni de nos armées, et est désastreux pour le moral de nos troupes.

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