Nous sommes très sensibles à la qualité et au réalisme de vos propos, très éloignés de la caricature qui en a été faite parfois. Je reviendrai cependant sur le déclarations que vous avez faites quant à la fameuse règle des 90 % – énoncée par les professeurs Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff. Il me paraît en effet exister trois objections majeures à cette règle. La première consiste à rappeler que pendant le siècle d'or de l'économie britannique, soit entre 1750 et 1850, la dette publique de la Grande Bretagne n'a jamais été inférieure à 100 % de son PIB et a même atteint 250 %. Si l'on avait par conséquent appliqué cette règle à l'époque, sans doute la révolution industrielle britannique n'aurait-elle pas eu lieu. La deuxième objection a été formulée par trois chercheurs de l'Université du Massachusetts à Amherst qui ont souligné les erreurs méthodologiques commises dans l'élaboration de cette règle. Enfin, la troisième est qu'elle est fondée sur une confusion classique en économie – et souvent répétée – entre corrélation et causalité.
John Kenneth Galbraith affirmait que « Milton Friedman's misfortune is that his economic policies have been tried. » Ne pourrait-on en dire autant de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff ? Plutôt que d'entretenir une forme d'obsession normative portant sur des seuils et des ratios qui ne présentent pas véritablement de sens, ne devrions-nous pas plutôt nous attacher à promouvoir ce qui compte, c'est-à-dire la compétitivité et la flexibilité, au-delà de tous les dogmatismes – seul moyen d'assurer le retour à l'équilibre de nos finances publiques ainsi qu'une croissance durable ?