Intervention de Yves Blein

Réunion du 26 juin 2013 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Blein, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles est le premier texte mettant en oeuvre la réforme de la décentralisation et de l'action publique engagée par le Gouvernement. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait annoncé que la démocratie locale serait renforcée grâce à un nouvel acte de la décentralisation qui ferait l'objet d'une large consultation. Des États généraux de la démocratie territoriale ont été organisés par le Sénat en octobre 2012.

Deux autres projets de loi ont été déposés au Sénat le 10 avril dernier : le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi, et de promotion de l'égalité des territoires ; le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

Notre commission a souhaité se saisir pour avis des dispositions relatives aux compétences pour lesquelles les collectivités chefs de file exercent une mission de coordination (article 3) ; des dispositions relatives aux compétences des métropoles, notamment en matière d'énergie, de développement économique et de logement (articles 20, 30 et 31) ; de l'article 13 bis, introduit par le Sénat, qui prévoit la fusion des quatre établissements publics fonciers de l'État en Île-de-France ; des dispositions relatives aux compétences obligatoires des communautés urbaines (article 42).

L'objectif principal du projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique est l'affirmation des métropoles, par une évolution de leur statut et l'introduction de dispositions particulières pour les métropoles de Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence.

Je rappelle que la possibilité pour les communes de se regrouper sous le statut de métropole existait déjà. La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales avait en effet institué la métropole en tant que nouvelle catégorie d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Celui-ci visait à apporter une réponse plus adaptée aux réalités que les communautés urbaines créées par la loi du 31 décembre 1966. Instituées sur une base volontaire, les métropoles au sens de la loi de 2010 visent à regrouper les communes membres d'un ensemble d'un seul tenant et comptant plus de 500 000 habitants. Elles disposent de larges compétences en matière d'infrastructures, de voirie, de développement économique.

Je tiens à souligner à ce stade l'importance de la reconnaissance du rôle moteur joué par les grandes métropoles françaises au plan économique, ainsi que de la prise en compte des spécificités de certaines d'entre elles.

L'article 3 rétablit la notion de chef de file, supprimée en 2010, lorsque la mise en oeuvre de compétences nécessite l'intervention de collectivités territoriales de différents niveaux. Le Sénat a notamment élargi les compétences pour lesquelles la région exerce le rôle de chef de file à la transition énergétique, à l'internationalisation des entreprises et à la complémentarité des modes de transport.

Concernant Paris, le projet de loi initial prévoyait la création obligatoire à compter du 1er janvier 2016 de la Métropole de Paris, établissement public ad hoc regroupant la ville de Paris et les EPCI à fiscalité propre de l'unité urbaine de Paris (au sens de l'INSEE). Comme vous le savez, le Sénat a rejeté les articles 10 à 13 relatifs à l'achèvement de la carte intercommunale, à la création de la métropole de Paris et à l'établissement d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement en Île-de-France.

J'ai procédé à plusieurs auditions sur la situation en Île-de-France. Je considère cependant qu'il ne nous appartient pas aujourd'hui de rétablir les articles supprimés au Sénat car leur champ dépasse largement celui de notre saisine pour avis. Des amendements de rétablissement seront probablement examinés en commission des lois à partir du 1er juillet. Je me limiterai donc à quelques commentaires sur les dispositions du projet de loi initial.

Celui-ci prévoyait que la Métropole de Paris disposerait des compétences suivantes : élaboration d'un projet métropolitain comprenant notamment un plan climat énergie métropolitain ; soutien à la mise en oeuvre de programmes d'aménagement et de logements ; soutien des programmes d'action des collectivités locales et de leurs groupements en faveur de la transition énergétique ; mise en place de programmes d'action pour mieux répondre aux urgences sociales sur son territoire. La Métropole pourrait également décider de mettre en oeuvre des opérations d'aménagement d'intérêt métropolitain.

Concernant le logement, l'article 12 prévoyait que la Métropole de Paris aurait à élaborer, dans un délai d'un an après sa création, un plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement. Ce plan devait être compatible avec les dispositions du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) et prendre en compte les orientations du schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH) créé par l'article 13. Les programmes locaux de l'habitat (PLH), les contrats de développement territorial (CDT), les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d'urbanisme (PLU), les cartes communales ou les documents en tenant lieu devaient être compatibles avec ce plan.

L'article 12 disposait par ailleurs que la Métropole de Paris pouvait recevoir de l'État délégation de certaines compétences dans le domaine du logement. Ces compétences concernaient : l'attribution d'aides à la pierre ; la gestion de tout ou partie des réservations de logements dont l'État bénéficie pour le logement des personnes prioritaires ; la gestion de la garantie du droit à un logement décent et indépendant – droit reconnu par la loi DALO ; la mise en oeuvre des procédures de réquisition ; la gestion de la veille sociale, de l'accueil, de l'hébergement et de l'accompagnement au logement.

L'article 13 prévoyait que le conseil régional de la région Île-de-France devrait élaborer le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH) dans un délai de dix-huit mois après son renouvellement. Ce schéma devait traduire les orientations du SDRIF dans les domaines de l'urbanisme et du logement.

Je souligne en premier lieu l'importance de l'achèvement de la carte intercommunale en petite couronne car la future métropole doit pouvoir s'appuyer sur des intercommunalités couvrant tout le territoire. Le seuil de 300 000 habitants qui avait été proposé par le Gouvernement pour la création des EPCI dans les trois départements concernés – Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne – me paraît propre à assurer la mixité nécessaire entre les communes.

Je souhaite en deuxième lieu insister sur l'enjeu du renforcement de la gouvernance du logement car il est nécessaire de répondre à la grave crise du logement en Île-de-France. La loi sur le Grand Paris fixe un objectif de construction de 70 000 logements par an, ce qui suppose un quasi-doublement du rythme de construction, tandis que le SDRIF définit un objectif de 30 % de logement social à l'horizon 2030. Actuellement, le nombre de demandes de logement social s'élève à 500 000 par an pour seulement 80 000 attributions.

Les dispositions du projet de loi initial représentaient une première avancée, même si plusieurs questions pouvaient se poser : l'articulation entre le plan métropolitain et le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement ; la portée de ces documents, du fait de l'absence de caractère contraignant ; la compétence déléguée de l'État en matière d'hébergement et de droit au logement opposable, qui a fait l'objet de débats au Sénat, la commission des lois ayant souhaité supprimer cette possibilité considérant que l'État ne devait pas se défausser de ses responsabilités en la matière.

Concernant les outils de la politique du logement, le Sénat a introduit un article 13 bis, par la voie d'un amendement proposé par M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, amendement tendant à fusionner les quatre établissements publics fonciers de l'État en Île-de-France au sein de celui ayant le périmètre d'action le plus large, c'est-à-dire l'EPF Île-de-France. Les trois autres EPF existants ont une compétence départementale.

Je suis favorable à ce regroupement : l'échelon régional est en effet le plus approprié en matière de logement et d'aménagement, et le regroupement des EPF devrait permettre une plus grande cohérence et une plus grande efficacité des actions.

J'en viens maintenant à la Métropole de Lyon, dont la création est prévue à l'article 20, sous la forme d'une nouvelle catégorie de collectivités territoriales à partir du 1er avril 2015.

La Métropole de Lyon remplacera la communauté urbaine de Lyon. Elle exercera de plein droit les compétences des communes situées dans son territoire en matière d'aménagement économique, social et culturel, d'aménagement de l'espace métropolitain, de politique locale de l'habitat, de politique de la ville, de gestion des services d'intérêt collectif, et de protection et de mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie. Elle exercera également l'ensemble des compétences du département du Rhône au sein de l'aire métropolitaine. Cette avancée institutionnelle majeure, qui va dans le sens de l'allégement du millefeuille territorial, témoigne de l'audace et du courage des acteurs locaux : espérons que cet exemple ouvrira la voie à de nombreux autres.

La création de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a suscité de fortes oppositions sur le terrain, puisque 109 maires sur 119 la contestent. Les raisons de cette opposition devraient à mon sens être analysées, car ce texte reste à l'évidence fondamentalement bon, et les acteurs locaux pourraient se l'approprier progressivement. En effet, j'estime que cette initiative relève de l'intérêt général car elle repose sur la volonté de porter le développement social et économique de l'agglomération en remédiant au morcellement des lieux de décision, ainsi que de développer la solidarité financière dans des territoires qui connaissent de forts écarts de richesse.

La métropole d'Aix-Marseille-Provence qui serait créée au 1er janvier 2016, le Sénat ayant repoussé le délai d'un an, relèverait de la catégorie des EPCI à fiscalité propre soumis au régime de droit commun, mais disposerait de particularités visant à prendre en compte son caractère polycentrique. La métropole serait constituée en territoires, avec des conseils composés d'élus de territoire.

Les six intercommunalités existantes seraient fusionnées et la métropole exercerait l'ensemble des compétences communales en matière de développement et d'aménagement économique, ainsi que certaines compétences départementales déléguées par convention.

Je terminerai par l'évolution du statut de métropole de droit commun. Tandis que la métropole telle qu'instituée par la loi de 2010 est créée sur une base volontaire, la métropole au sens du présent projet de loi sera créée par décret lorsque l'EPCI forme un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Ce dernier seuil était fixé à 500 000 dans le projet de loi initial ; le Sénat a adopté un amendement le portant à 650 000.

Le nouveau régime se distingue par des modifications du format des compétences métropolitaines.

D'abord, il est prévu un élargissement des compétences transférées par les communes dans le bloc de compétence « Protection et mise en valeur de l'environnement ».

Ensuite, est prévue la faculté d'avoir des compétences transférées des régions et des départements par voie conventionnelle. Pour certaines compétences départementales, un transfert obligatoire est prévu au 1er janvier 2017. En revanche, les compétences régionales ne pourront être exercées que par délégation.

Enfin, l'État offrira la faculté aux métropoles d'exercer par délégation un bloc insécable de cinq attributions liées au domaine du logement.

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