Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui de deux textes. L'un porte sur le projet de loi de règlement de 2012, l'autre concerne l'orientation à donner aux finances publiques. L'un s'inscrit dans le passé, l'autre est résolument tourné vers l'avenir. L'un et l'autre sont bien évidemment liés, mais il ne faudrait pas les confondre.
Il ne faudrait pas tomber dans ce qui est tant redouté par les historiens, une analyse anachronique de la situation passée. On peut, et l'on doit, apprendre du passé, mais on ne saurait juger les décisions prises sans se remémorer le contexte dans lequel elles sont intervenues : une inquiétude sur les marchés financiers, une spéculation sur la fin de la zone euro, un doute quant à la capacité de la France à se réformer. Il fallait agir, et vite.
Le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité ont décidé de maintenir coûte que coûte, quelles qu'en soient les conséquences, une réduction du déficit structurel supérieure à un point de PIB. Y sommes-nous parvenus ? Oui. L'effort structurel a été de 1,1 point du PIB, le déficit nominal est descendu en dessous de 5 %, alors qu'il avait explosé les années précédentes : 7,5 % en 2009, 7,1 % en 2010. La dépense de l'État a reculé de 300 millions d'euros si l'on exclut les mesures exceptionnelles.
Certains nous disent que l'on aurait pu faire mieux, mais ce n'est pas la maîtrise de la dépense qui a fait défaut, contrairement à ce que peuvent laisser entendre ces derniers. Ce sont les moindres rendements de l'impôt, dus notamment à une faible croissance, qui expliquent que le déficit soit supérieur à l'objectif de la loi de finances initiale poursuivi par l'ancienne majorité.
Les taux d'intérêt ont fortement baissé, et nous avons économisé 2,5 milliards sur la charge de la dette par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale.
Les efforts budgétaires n'expliquent pas à eux seuls l'accalmie constatée pendant près d'un an sur les marchés financiers, mais ils y ont contribué, notamment en rendant la dette française plus attractive par rapport à d'autres dettes souveraines. La même logique a amené le Gouvernement à prévoir pour 2013 un effort structurel de 1,9 point de PIB, ce qui est considérable.
Il nous est aisé aujourd'hui de regretter cette politique, une politique qui a entraîné des effets récessifs supérieurs à toutes les prévisions, une politique qui a eu de graves conséquences sur la croissance, l'emploi, bref, sur nos vies. Le FMI le reconnaît et vient de faire son mea culpa. La Commission européenne, sans l'avouer explicitement, en convient également.
Nous le voyons depuis plusieurs semaines, un changement de paradigme économique plane sur l'Europe, et nous allons très certainement acter ce changement de cap aujourd'hui pour la France.
L'environnement change rapidement, les solutions préconisées pour dépasser la crise économique tout autant. L'action du Gouvernement et de la majorité doit pouvoir évoluer. Elle ne doit pas rester enfermée dans un dogme vers lequel certains continuent de nous pousser.
Que nous ont appris l'année 2012 et le premier semestre de 2013 ? Je crois d'ailleurs qu'on ne peut pas séparer le second semestre de 2012 et le premier semestre de 2013 car ils ont été réalisés dans une même logique, celle que je viens de rappeler. Nous avons appris qu'il nous fallait sortir du cercle vicieux entre, d'un côté, un rythme de restriction budgétaire excessif dans le but de diminuer le déficit et, de l'autre, le résultat, c'est-à-dire une dégradation des recettes du budget de l'État, donc une aggravation du déficit.
Quelles ont été, en effet, les conséquences de la politique menée non seulement par la majorité actuelle, mais aussi et surtout par ses prédécesseurs ? Une chute de la croissance et un risque de récession. La demande intérieure, qui était jusqu'alors dynamique, a chuté.
À court terme, les Français ont compensé la baisse de leur pouvoir d'achat en puisant dans leur épargne mais, à moyen terme, l'épargne de précaution augmente et vient handicaper la consommation, pourtant l'un des piliers de la croissance française. Alors que le CICE compense les hausses d'impôts pour les entreprises, les ménages, eux, n'ont pas bénéficié d'un tel dispositif.
On le sait très bien, cette baisse de la croissance entraîne un moindre rendement de l'impôt. Les moins-values de TVA, d'impôts sur le revenu ou d'impôts sur les sociétés se comptent en milliards et le déficit se creuse. Si rien n'est fait à moyen terme, nous nous retrouverons avec des prélèvements obligatoires élevés et un déficit public tout aussi élevé. Nous aurions alors totalement manqué notre cible.
Nous ne croyons pas qu'il faille attendre la fin de l'année 2013 pour sortir de cette spirale infernale. Il nous reste encore la seconde moitié de l'année. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure lors du débat d'orientation des finances publiques.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, les députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste avaient mis en garde le Gouvernement contre une maîtrise des déficits trop axée sur l'augmentation des impôts et trop peu sur la réduction des dépenses.
On peut comprendre qu'un nouveau gouvernement, issu d'une nouvelle majorité, ait dû avoir recours à l'impôt pour compenser rapidement le moindre rendement des recettes fiscales. Il aurait été illusoire de baisser drastiquement et de façon superficielle la dépense.
Au contraire, on ne peut que s'indigner que la précédente majorité, qui a gouverné le pays pendant dix ans, ait tant augmenté l'impôt ces dernières années. N'oublions pas qu'en loi de finances initiale pour 2012, l'effort structurel en dépenses était de 0,3 point de PIB tandis qu'il était de 1,1 point de PIB en recettes. Dès lors, comment accuser la nouvelle majorité de matraquage fiscal ?