Intervention de Gérard Araud

Réunion du 12 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Gérard Araud, représentant permanent de la France auprès des Nations Unies :

Le Conseil de sécurité est paralysé. La Russie a opposé trois vetos sur des textes qui ne prévoyaient que des menaces de sanctions, et qui plus est contre les deux forces en présence, et nullement de sanctions contre le seul Assad. Le soutien russe au régime n'a absolument pas fléchi. Nous avons fait en sorte de présenter des textes se limitant à l'aspect humanitaire du conflit, mais nous avons dû nous battre virgule après virgule pour les faire accepter, les Russes refusant tout ce qui pourrait apparaître comme le début d'une condamnation du régime.

Le rapport de la commission d'enquête sera remis au Secrétaire général et transmis au Conseil de sécurité, mais celui-ci ne pourra absolument rien faire sur cette base.

Je vais à présent répondre aux différentes questions que vous m'avez posées, mesdames et messieurs les députés.

En ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité, la France et la Grande-Bretagne sont les deux seuls membres permanents favorables à cette réforme, chacune pour des raisons liées à son intérêt national. S'il n'est pas réformé, le Conseil de sécurité deviendra de moins en moins légitime. La France a intérêt à ce que le Conseil soit étendu aux pays du G-4 – Japon, Inde, Brésil et Allemagne –. C'est pourquoi nous soutenons leur candidature, souhaitant en outre que l'Afrique soit représentée au Conseil.

Nous sommes très loin d'une réforme du Conseil de sécurité, d'abord en raison de l'opposition acharnée des États-Unis, de la Russie et de la Chine, qui vont jusqu'à entreprendre des démarches communes sans en avertir les Français et les Britanniques – ce qui, convenez-en, est assez savoureux… Il faut également compter avec l'opposition de tous les pays « moyens » – Canada, Turquie, Indonésie, Thaïlande – qui n'ont aucun intérêt à voir certains de leurs collègues reconnus, et avec le blocage des pays africains qui ne souhaitent pas voir reconnue l'hégémonie de l'un d'entre eux, l'Afrique du Sud en particulier. À ces divisions s'ajoute celle qui résulte du fait que certains pays sont francophones et d'autres anglophones, sans oublier les ambitions du Nigeria, de l'Égypte, voire de l'Éthiopie.

La réforme du Conseil de sécurité est au point mort. Il y a quelques années, la France avait proposé une réforme intérimaire consistant à créer une nouvelle catégorie de pays, qui seraient membres non permanents pour 5 ou 7 ans – actuellement, les membres non permanents sont désignés pour deux ans. Cette idée circule, mais aucun pays ne l'a vraiment proposée, craignant de se faire atomiser par tous les autres…

J'en viens à la question très délicate de la légitime défense en cas de cyber attaque. La semaine dernière s'est tenue aux Nations Unies une réunion de spécialistes qui avaient pour mission de mettre en place un code de conduite. La discussion a été bloquée trois jours durant simplement parce que la représentante de la Chine refusait que ce code relève du droit international, celui-ci prévoyant la légitime défense. La Chine ne veut pas qu'un pays victime d'une cyber attaque puisse invoquer la légitime défense. La question n'est pas résolue et après trois jours de négociations, les membres de la réunion ont fini par inscrire à la dernière phrase de leurs conclusions une simple phrase indiquant que le droit international s'appliquerait.

L'intervention de nos entrepreneurs au Mali se heurte à un problème franco-français. Pour ne pas perdre du temps, les Nations Unies, lorsqu'elles lancent des appels d'offre, signent un accord avec tel ou tel État, à charge pour lui de traiter avec les entreprises. Tous les États acceptent ce schéma, sauf la France. Le ministère des Finances refuse de signer la lettre d'intention, car on considère à Bercy que cette procédure est une violation du code des marchés publics et une manière d'accorder la garantie de l'État à des entreprises – ce qui passe nécessairement par une loi de finances – or celle-ci ne sera débattue qu'en novembre prochain. Le ministère des Affaires étrangères essaie désespérément de trouver des solutions. En attendant, les Nations Unies ne comprennent pas notre attitude. Depuis deux mois, nous allons d'arbitrage en arbitrage.

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