Intervention de Elisabeth Pochon

Séance en hémicycle du 3 juillet 2013 à 21h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur -interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au parlement européen — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon :

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui sur le non cumul des mandats répond à une question essentielle de nos concitoyens : qui seront les élus de demain ?

L'abstention est là pour nous rappeler, scrutin après scrutin, qu'un fossé se creuse entre les Français et leurs représentants.

La République est en chantier permanent et comme nous y sommes tous très attachés, cette responsabilité de la maintenir vivante et ardente incombe à chacun d'entre nous, élu ou citoyen. Il nous faut la revisiter de façon permanente et perpétuelle.

Je propose que chacun d'entre nous adopte une approche positive de cette redéfinition des parlementaires de demain.

À quoi cela servirait-il d'alimenter la suspicion des citoyens à l'encontre des parlementaires en abordant ce texte par le petit bout de la lorgnette, en ne montrant que des réticences à en parler ou à changer ?

Il convient d'abord de ne pas abonder dans le sens populiste qui tendrait à rejeter sur les seuls élus la totale responsabilité de la situation de la représentation nationale.

C'est vrai, beaucoup de députés et de sénateurs cumulent leur mandat avec un autre. Cette tendance n'a fait qu'augmenter au fil des Républiques pour constituer une exception bien française. Ce n'est pas la seule et notre pays adore les cultiver.

Cette inclination a suscité peu de réactions citoyennes en période de prospérité. Les Français doivent assumer dans leur ensemble ce paradoxe d'avoir privilégié, recherché et voté la pluralité des mandats pour un seul et même élu dans le passé, de continuer de nos jours à les élire tout en dénonçant le phénomène à grands cris tant qu'il ne s'agit pas de leur propre maire.

Sans doute les électeurs pensent-ils garantir ou renforcer les pouvoirs de leurs élus locaux en les portant également vers les mandats parlementaires, censés permettre de déjouer la concentration des pouvoirs à Paris, favoriser la proximité avec le pouvoir central, et développer le réseau relationnel pour espérer des retombées favorables pour la collectivité. Une vraie stratégie d'électeurs en somme. La pratique s'est installée au fil du temps en accréditant l'idée que pour peser, voire être considéré, il n'était point d'autre voie que celle du cumul des mandats.

Guy Carcassonne, lors de son audition ici même quelques jours avant sa disparition, l'exprimait par cette phrase : « Aussi longtemps que le cumul des mandats n'est pas interdit, il est politiquement obligatoire ».

Il est bon de rappeler que les élus qui cumulent ne sont pas hors la loi, qu'ils sont régulièrement élus, donc légitimes.

Le cumul, c'est à la fois notre originalité et un tabou, que nous devons lever si nous voulons que les citoyens qui s'expriment encore démocratiquement et ceux qui s'éloignent de cette nécessité démocratique nous écoutent. C'est en changeant les mentalités de tous que nous avancerons vers un renouveau démocratique.

Ce débat n'est pas si récent mais aujourd'hui, le cumul cristallise les reproches et les méfiances que le peuple nous faits.

Militants en veine de s'ouvrir des perspectives légitimes ou citoyens ayant seulement envie d'élus qui leur ressemblent davantage, à l'heure de tous ses changements pour nos concitoyens, il paraîtrait indécent que seule la classe politique s'accroche à des pratiques sans accepter d'en changer.

Le temps est fini où le choix majeur des électeurs se portait sur des notables locaux auxquels il était réclamé peu de comptes. Dès la campagne présidentielle, le quarante-huitième engagement de François Hollande s'est hissé comme le flambeau de la recherche de la République exemplaire et nul ne pouvait ignorer que le débat aurait lieu dans cette législature.

Mon très cher collègue Bernard Roman écrivait déjà dans son rapport sur ce thème, il y a quinze ans : « L'opinion est portée par une puissante aspiration à la transparence, à l'égalité, à l'ouverture du monde politique à la société civile et à l'instauration d'un lien d'une nature nouvelle entre les élus et les citoyens. Il n'est que temps de faire entrer notre pays dans la modernité politique ». Il n'y a pas un mot à changer quinze ans plus tard !

Il est plus que temps de s'attaquer au cumul et non pas à ceux qui cumulent. Que les Français ne doutent pas une seconde de l'attachement affectif profond de leurs maires à leurs communes et des dilemmes qu'engendrera l'application de cette loi qui va décider du non cumul des mandats.

Mais la chose publique est en jeu, faisons fi des situations personnelles.

Il ne s'agit pas de s'aligner sur une vindicte populaire qui fait son lit des malheurs et des difficultés sociales, mais bien de réfléchir et de proposer de nouvelles façons de travailler pour tous, qui se révèlent indispensables avec les compétences nouvelles et accrues des élus.

Les missions se professionnalisent indubitablement.

Nos rêvons tous ici de revaloriser le rôle et le travail du Parlement, nous y sommes ! Il convient de réaffirmer que les parlementaires ont en charge les intérêts de la nation et non une multitude d'intérêts locaux.

Cette loi permettra de redéfinir des circuits de décisions et de compétences claires entre les différents échelons de notre organisation politique, de donner plus de lisibilité à l'action politique pour nos concitoyens qui doivent être à même d'identifier et d'apprécier la part de travail de ses élus, d'ouvrir le champ politique à de nouveaux élus, d'y faire entrer sans doute plus de diversité, de couper court aux procès qui sont faits autour des conflits d'intérêts supposés d'une société politique fermée sur elle-même.

Regardons l'avenir de notre démocratie avec confiance et sortons des idées reçues.

Certains craignent qu'il soit impossible d'être élu député sans être maire, beaucoup d'exemples dans cette assemblée prouvent le contraire et plaident pour une autre forme d'investissement local.

Le mandat de maire est très encouragé par les électeurs mais des études montrent que la prime électorale au mandat de maire est nulle. Ce n'est pas le mandat, mais la popularité qui fait gagner l'élection. Et là encore, de nombreux parlementaires parmi nous ne doivent qu'à leur popularité, leur notoriété, leur célébrité pour des raisons parfois autres que politiques ou même à leur nom seulement d'être là, mais pas à leur mandat local.

Ce sera aussi le bouleversement de tous les us et coutumes fréquents dans le monde politique. Il faudra également que les partis revoient leurs habitudes d'investiture.

Ce texte est une avancée majeure pour la transformation du paysage politique. Il ne réglera pas d'un coup de baguette la distance avec nos concitoyens mais il rétablira le dialogue.

Certains d'entre nous ont envisagé un cumul des mandats dans le temps pour aller au bout de la rénovation. C'est une proposition sans doute encore trop révolutionnaire qui devra cheminer encore.

Il s'agissait d'avancer, non pas de bouleverser le paysage politique. Réjouissons-nous nous du gué franchi par la gauche.

Ce sujet éminemment politique est devenu sujet de société et la gauche est au rendez-vous pour porter le changement.

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