Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 1er juillet 2013 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'état, de la décentralisation et de la fonction publique :

Je suis heureuse de vous présenter avec Anne-Marie Escoffier le premier des trois projets de loi qui constituent la réforme de l'action publique territoriale et de la décentralisation : le présent projet de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles sera en effet complété par un projet de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires, puis par un projet de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

J'aurai l'occasion de revenir en séance publique sur la philosophie générale de cet ensemble et je me bornerai pour l'heure à rappeler succinctement les principales dispositions de ce premier texte.

Pour l'élaborer, nous nous sommes fondés sur une déclaration du président de la République faite lors des États généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus au Sénat avant de s'achever le 5 octobre 2012 à la Sorbonne : c'est ainsi que le projet rétablit la clause générale de compétence des départements et des régions, comme le demandaient les associations d'élus et le Sénat. Nous avons toutefois veillé à éviter tout risque de doublons dans les politiques publiques – deux collectivités proposant des services publics non pas complémentaires mais concurrents – et cherché à rendre l'action des collectivités locales plus lisible pour nos concitoyens. J'espère que nous pourrons, dans cet esprit, mettre un terme aux financements croisés dans le cas où les collectivités territoriales ne s'entendraient pas sur la gouvernance des compétences transférées, en particulier de celles qui ont trait au développement économique. C'est en tout cas à cette fin que nous avons souhaité préciser la notion de chef de file, laissée en l'état depuis qu'elle a été introduite dans la Constitution, en 2003.

Plusieurs parlementaires nous ont demandé pourquoi nous n'avons pas ouvert aux régions de France volontaires la possibilité d'expérimenter des transferts de compétences. La réponse se trouve dans la Constitution : en cas d'échec de cette expérimentation, la compétence concernée doit être retirée à la collectivité qui en a fait l'essai ; en cas de succès, elle doit être étendue à toutes les collectivités de même niveau. Après avoir rencontré le Conseil constitutionnel, nous avons préféré à cette procédure trop contraignante celle des délégations de compétence.

Nous avons donc institué une conférence territoriale de l'action publique, héritière de la conférence régionale des exécutifs. Elle sera composée, dans chaque région, des présidents de l'exécutif régional, des exécutifs départementaux, des communautés d'agglomération et des communautés de communes et chargée d'élaborer un « pacte de gouvernance territoriale » dont la dénomination, assez compliquée, n'a pas eu l'heur de plaire aux sénateurs mais qui vise précisément à déterminer qui fera quoi.

Le projet dote d'autre part les métropoles d'un statut afin de renforcer leur compétence en matière de développement économique, d'innovation et de création de services aux particuliers et aux entreprises. Il leur confère aussi une compétence nouvelle, sur la transition énergétique. Le président de la République a en effet souhaité que cette compétence, dont relèvent aussi bien l'isolation des logements privés que l'organisation des transports, s'exerce au plus près des citoyens. J'ajoute que le dernier texte qui sera examiné l'étendra aux autres intercommunalités.

La discussion que nous avons eue au Sénat s'est inscrite, au fond, dans la lignée des propositions du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Édouard Balladur. La métropolisation avait alors fait l'objet d'un bel accord, le fait urbain ayant été reconnu comme majeur et non plus envisagé sous l'angle de la concurrence entre villes et monde rural. Je sais que le seuil de population que nous avons retenu pour la définition de ces métropoles dites de droit commun sera âprement discuté, mais j'espère que nous parviendrons à trouver un accord aussi satisfaisant que possible sur le sujet.

Nous avons également reçu mission de créer une aire urbaine Aix-Marseille-Provence, qui a suscité bien des passions. Avec le Premier ministre et Anne-Marie Escoffier, nous avons pris cette décision après avoir constaté sur place combien cette grande aire urbaine dotée de nombreux atouts souffre de ses problèmes de transport et de logement ainsi que d'un manque de coordination en matière de développement économique. Nous avons pris le parti de faire rayonner cette métropole sur l'ensemble du sud de l'Europe et du bassin méditerranéen. J'étais d'ailleurs hier à Alger et j'ai pu mesurer tout ce que les autorités algéroises et algériennes attendaient de cette porte d'entrée vers la France et vers l'Europe.

Les médias ayant largement commenté les dispositions se rapportant à la métropole lyonnaise, je me bornerai à rappeler que sa création nous permettra d'expérimenter la constitution d'un lien fort entre une grande aire urbaine et un département – de 450 000 habitants ; on oublie trop souvent qu'il subsistera –, les élus lyonnais étant à la fois des élus de la métropole et du conseil général.

Après des débats compliqués au Sénat qui se sont conclus par le rejet de cette partie du texte, j'ai indiqué au président Urvoas que le Gouvernement souhaitait réécrire – à la marge ou substantiellement – les dispositions consacrées à la Métropole de Paris : le résultat de ce travail vous sera communiqué mercredi matin. Cependant, le projet Grand Paris Express, pour s'en tenir à lui, est maintenant sorti de l'ornière financière ; il ne pourra faire l'économie d'une organisation ad hoc à ses côtés en particulier afin de gérer au mieux les dossiers du logement et de l'habitat.

J'y insiste : la conférence territoriale de l'action publique constituera un élément fort de la modernisation de notre action publique au niveau régional. À travers ce dispositif, le Gouvernement reconnaît la diversité des régions de France. Nous n'avons plus généralement aucun intérêt à imposer à nos collectivités territoriales les mêmes transferts et les mêmes modes de fonctionnement et la perspective que nous traçons vise à passer, à cet égard, d'une société d'ordre à une société du contrat. Un document devra en effet être discuté et signé entre régions, départements, agglomérations et communautés de communes. Les uns et les autres ont des appréciations différentes, parfois enthousiastes, parfois réservées, sur le fait qu'ils pourront demander en exclusivité des délégations de compétences de l'État, mais nous croyons pour notre part qu'il y a là une avancée notable et nous faisons confiance aux élus pour réussir cette société du contrat ouvrant droit à des cofinancements publics. Faute de contrat de ce type, il conviendra évidemment d'éviter les cofinancements aboutissant à des doublons.

Enfin, les sénateurs s'étant inquiétés de la mise en place de plans locaux d'urbanisme intercommunaux, je précise que la question sera traitée dans le projet de loi, soutenu par Mme la ministre Cécile Duflot, visant à réformer les règles d'urbanisme.

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