Si ce projet, appelé à être le premier volet d'un triptyque, ne comporte aucun de ces transferts de compétences de l'État qui définissent traditionnellement la décentralisation, il est en revanche porteur d'une véritable modernisation de l'action publique, d'une réelle ambition pour les territoires et, de ce fait, d'un véritable élan décentralisateur.
Il porte également la marque d'une confiance réaffirmée dans les élus locaux, dans l'intelligence des territoires et dans la capacité de ces derniers à s'organiser par la voie de contrats. Plutôt que de conforter une vision uniforme de la réalité territoriale, il consacre le principe de spécificité – l'unité de la République n'est pas l'uniformité ! – et il renforce de manière notable la coopération entre collectivités, gage d'efficacité.
Il nous appartient de conforter les grandes orientations de ce texte – et le groupe SRC s'y emploiera pleinement – tout en écoutant les remarques souvent légitimes formulées par nos collègues sénateurs en première lecture.
En ce qui concerne le titre Ier, nous serons attentifs aux réponses que vous apporterez à M. le rapporteur sur la clarification de la composition et du rôle des conférences territoriales de l'action publique, mais aussi sur le rétablissement, sous la forme de conventions, de procédures contractuelles et, enfin, sur les dispositions, y compris sous forme de sanctions, qui pourraient être adoptées pour inciter chacun à jouer le jeu du partenariat local. Ce principe de responsabilité constitue sans doute le corollaire utile de la clause de compétence générale rétablie par le projet de loi, conformément à la volonté du président de la République.
La place faite au dialogue et aux partenariats dans le cadre de la région doit être complétée par une place équivalente donnée au dialogue entre l'État et les collectivités, qui participent pleinement à la mise en oeuvre des priorités nationales. Seriez-vous favorables à la réintroduction du Haut conseil des territoires (HCT) dans ce premier volet législatif ? L'institution d'un tel cadre de discussion entre les pouvoirs publics locaux et nationaux nous paraît d'autant plus urgente que nous allons adopter des dispositions, par ailleurs salutaires, pour interdire le cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale.
Le titre II et l'affirmation des métropoles témoignent de la reconnaissance du fait urbain et de son rôle déterminant, certes en matière de développement et de création de richesses, mais aussi de cohésion sociale. N'en déplaise à certains commentateurs, les métropoles ne constituent aucunement une couche supplémentaire ajoutée au millefeuille territorial. En revanche, elles permettront aux territoires déjà organisés de le faire mieux encore sans pour autant se désolidariser des schémas régionaux, complémentaires et nécessaires à un aménagement équilibré du territoire. N'en doutons pas : les métropoles de Paris, Lyon, Marseille sont des fleurons nationaux à dimension européenne qui sortiront renforcés de l'adoption de ce texte.
La formation de la métropole de Lyon a d'ailleurs largement précédé la volonté du législateur et constitue en ce sens un modèle et une anticipation. Tout en tenant compte d'une histoire institutionnelle et de réalités spatiales différentes, pouvez-vous confirmer votre volonté de porter une ambition semblable pour Paris, le projet répondant déjà à la question pour ce qui est de Marseille ?
Si nous comprenons la nécessité de limiter le nombre de métropoles de droit commun pour ne pas galvauder leurs spécificités, seriez-vous disposées à ne pas faire de la démographie le seul critère commandant leur création ? Nous pensons qu'une communauté d'agglomération comme celle de Montpellier, chef-lieu de la région Languedoc-Roussillon, devrait figurer parmi ces métropoles bien qu'elle n'atteigne pas le seuil de population fixé à l'article 31. D'autres communautés urbaines, très intégrées, qui exercent depuis longtemps des fonctions métropolitaines – je pense par exemple à Brest Métropole Océane – ne pourraient-elle également accéder à ce statut, à leur demande et moyennant peut-être l'organisation d'un système de majorité qualifiée en leur sein ? Nous serons en effet tous d'accord pour admettre que la recherche du territoire pertinent peut ne pas avoir de fin, que figer les choses n'a pas de sens et que, de toute évidence, la situation ne sera jamais comparable d'une collectivité à l'autre. Dès lors, pourquoi ne pas prendre en compte des critères qualitatifs, comme nous y invite d'ailleurs l'étude d'impact ?
L'enjeu démocratique est également important. La récente loi sur les modes de scrutin et sur l'élection au suffrage universel direct par voie de fléchage des délégués communautaires ne constitue sans doute qu'une première étape, qui nous paraît d'ailleurs relativement insuffisante s'agissant des métropoles. Le Gouvernement est-il disposé à présenter des dispositions – qui nécessiteraient sans doute un texte spécifique – permettant d'élire une partie des conseillers métropolitains au suffrage universel direct, dans le cadre d'une circonscription unique, étant entendu qu'il faudrait alors préciser le mode de répartition entre ceux-ci et les délégués des communes ?
Enfin, la ruralité n'est pas absente de ce texte grâce aux dispositions relatives aux pôles ruraux d'aménagement et de coopération introduites par les sénateurs. L'amendement proposé par M. Boudié vise à substituer à ces pôles des « pôles de développement et d'équilibre des territoires ». Ce dispositif, que nous soutenons, aurait le mérite de mettre un terme à l'opposition stérile entre les villes et la campagne pour, au contraire, favoriser et organiser dans ce cas également les coopérations.