Le projet de loi qui vous est soumis a été réécrit par le Sénat, même si le texte initial tenait déjà compte de certaines propositions, en particulier sur les chefs de file et sur la clarification des compétences. À cet égard, monsieur le rapporteur, la conférence territoriale de l'action publique est un élément essentiel car l'expérience montre que la dévolution des compétences doit impérativement être adaptée aux besoins de chaque région. Cette conférence permettra de clarifier la répartition des rôles, par exemple en matière de développement économique, à travers un accord durable qui peut au demeurant être assorti d'une clause de revoyure. Tous les citoyens, à commencer par les entrepreneurs, sauront ainsi à quel interlocuteur s'adresser en fonction de leurs préoccupations. Il s'agit, à défaut d'un guichet unique qui relève de l'utopie, d'une porte d'entrée unique, à charge pour la région d'affirmer, par exemple, sa compétence exclusive pour les aides directes et de déléguer celle qui a trait à l'immobilier d'entreprise via un contrat passé avec une collectivité.
Avant sa réécriture au Sénat, monsieur Dolez, le projet de loi prévoyait que l'État participait à la conférence territoriale de l'action publique et ce, pour deux raisons. La première est qu'il est le garant de l'unité de l'action publique et que sa responsabilité, in fine, est toujours engagée si une compétence n'est pas exercée ou mal exercée ; la seconde est qu'ayant délégué une compétence à la demande d'une collectivité, en général d'une région, il peut être amené à préciser le périmètre ou les conditions de cette délégation. Le Gouvernement espère donc que, sur ce point, l'Assemblée nationale rétablira le texte initial.
Sur les pôles ruraux, l'amendement du Sénat traduit un souci de parallélisme avec les pôles métropolitains qui s'était fait jour en commission. Le Gouvernement approuve avec enthousiasme la substitution de tels pôles aux pays et aux structures similaires où sont débattues les priorités, par exemple en matière de contrats de plan ou de projet ; il lui semble en revanche difficile de donner à terme à ces pôles le statut d'EPCI ou de collectivités territoriales : Mme Escoffier et moi souhaiterions plutôt qu'ils reposent sur un principe de libre association. Si les intercommunalités d'un pays ou d'un pôle estiment utile de mutualiser des services, il sera toujours possible d'envisager la création d'un EPCI unique sur le territoire concerné. En tout état de cause, ces pôles de développement et d'équilibre territorial nous semblent être un outil de cohésion important, surtout dans un contexte de rareté des deniers publics et ce, même s'il peut être utile de tolérer dans leur constitution une certaine discontinuité territoriale, comme pour les pôles métropolitains.
Quant au Grand Paris, le chemin était semé d'embûches. M. Gaymard a fort bien exposé la position du groupe UMP mais, si le Gouvernement a pris le temps d'écouter les uns et les autres – y compris, monsieur Dolez, le syndicat Paris Métropole présidé par Philippe Laurent –, la définition du bon outil, en particulier pour Paris et la petite couronne, fait encore l'objet de débats transpartisans. Nous aurons à trouver la meilleure solution d'ici au 15 juillet, date du débat en séance : le Premier ministre, avant d'arbitrer, est bien entendu soucieux de tenir compte de certains arguments de qualité formulés ce matin par des élus franciliens, y compris de l'opposition. Je comprends votre désarroi, monsieur Gaymard, sans toutefois le partager ; au demeurant, le Gouvernement n'en est pas le seul responsable.
La clarification que vous appelez de vos voeux, madame Appéré, sera assurée par la conférence territoriale, où siégeront des représentants de la région, des départements et des agglomérations ; reste à trouver une juste représentation des communautés de communes rurales, point que le Gouvernement proposera de régler par décret – il reviendra bien entendu à votre assemblée d'en décider.
Il existe aujourd'hui plus de quarante schémas, auxquels viendront s'ajouter les contrats que nous proposons, ce dont les sénateurs se sont à juste raison émus. Le Gouvernement soutiendra donc toute mesure de simplification en ce domaine. On peut imaginer que subsistent des schémas différenciés, par exemple pour l'énergie, mais si nous parvenions à terme à nous en tenir à un schéma de cohérence territoriale (SCoT) et à un plan local d'urbanisme (PLU), ce serait déjà un gros gain de temps pour les élus et un gage d'efficacité accrue pour nos collectivités.
Le Gouvernement ne verrait bien entendu que des avantages à ce que l'Assemblée insère dans ce texte la disposition instituant le Haut conseil des territoires, comme l'avait suggéré votre collègue Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF).
Vous avez raison, madame Appéré, en ce qui concerne le critère démographique. Le texte du Gouvernement n'organise nullement une métropolisation qui s'inscrive dans la stratégie de Lisbonne : ces métropoles doivent être des têtes de réseau, ayant certainement des droits, mais aussi et surtout des responsabilités dans la mesure où les fonctions qu'elles assument sont essentielles à la vie de beaucoup de régions. Si la démographie n'est donc pas le seul critère recevable, il a le mérite de la simplicité et permet d'éviter une métropolisation quelque peu anarchique, certaines missions, y compris de l'État, pouvant être exercées en l'absence de vraies métropoles. C'est pourquoi le Gouvernement a retenu ce critère qui figurait dans les rapports rédigés par Pierre Veltz et par Laurent Davezies pour la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Cela étant, je rappelle aussi que, comme l'ont souligné plusieurs études universitaires, les Français, attachés au nom de leur ville, n'aiment guère le terme générique de « métropole ». Il ne s'agit donc pour nous, avant tout, que de reconnaître le fait urbain.
Quant à la réforme des modes de scrutin, elle ne constitue en effet qu'une première étape, mais je n'ai pas de mandat pour aller au-delà, même si la question ne peut manquer de se poser pour les intercommunalités habilitées à lever l'impôt pour 80 % des compétences qu'elles exercent. Cette situation fait problème aux yeux de l'AMF, car l'intercommunalité devient alors une collectivité de plein exercice ; mais ce statut, me semble-t-il, lui est déjà acquis à travers l'introduction du fléchage au sein d'une élection au suffrage universel.
Ce que j'ai dit au sujet de la stratégie de Lisbonne, monsieur Dolez, doit également être de nature à vous rassurer.
Lors des États généraux de la démocratie territoriale, les élus ont exprimé le désir qu'on leur fasse confiance, ce qui est précisément le principe de la contractualisation. Reste que la clause de compétence générale, dont 85 % d'entre eux demandaient le rétablissement, vaut consolidation du rôle des communes – au grand dam de certains.
Vous avez parlé, monsieur Dolez, d'un chamboulement à caractère technocratique ; mais je n'ai jamais assimilé les fonctionnaires français à des technocrates : porteurs des valeurs républicaines, ils rendent à la collectivité un service à la demande des élus. C'est plutôt dans l'éloignement de ces derniers par rapport à leur territoire que pourrait résider le danger.
Le projet de loi ne prévoit que très peu de transferts de compétences de l'État mais, si le Parlement l'accepte, celui-ci pourra en déléguer aux collectivités qui en éprouvent le besoin, étant entendu qu'il pourra toujours revenir sur ces délégations qui n'ont pas vocation à être généralisées. En ce sens, on pourrait davantage parler d'un filet de sécurité pour l'État que d'une avancée intrépide !
Quant aux quatorze propositions du syndicat Paris Métropole, elles n'ont pas eu l'heur de convaincre les sénateurs, ni de gauche, ni – encore moins – de l'UMP, monsieur Dolez. Je suppose donc qu'elles ne permettront pas davantage de trancher le débat à l'Assemblée.
Je vous remercie de votre compassion, monsieur Gaymard, mais je n'ai aucun embarras à soutenir ce texte.
Je vous mets au défi de dresser l'inventaire des compétences nécessaires pour assurer le développement économique. En revanche, il est sans doute nécessaire de clarifier la répartition des responsabilités s'agissant des stratégies de filières, des pôles de compétitivité et d'excellence, du choix des zones d'activité ou encore du soutien apporté à telle ou telle innovation technologique, afin de permettre aux entrepreneurs de trouver les bons interlocuteurs, notamment pour obtenir des aides directes. Le cofinancement passera par une contractualisation entre la région, chef de file, et les autres intervenants ; il faut engager les collectivités territoriales à la mutualisation. Bien que l'on me dise parfois le contraire, je suis convaincue que les élus comprendront les bénéfices de cette clarification dès lors qu'elle leur sera expliquée.
Vous avez rappelé, à juste titre, que la loi du 16 décembre 2010 avait déjà défini les métropoles. Comme vous, nous reconnaissons le fait urbain : il faut d'ailleurs se féliciter de cette continuité républicaine que nous assumons totalement. Mais la confiance faisait défaut aux métropoles telles que définies en 2010 et très peu ont été créées, essentiellement à cause de l'obligation qui leur était faite d'exercer des compétences auparavant dévolues à la région et au département. La tension qui en résultait entre les parties était telle qu'en dehors de celle de Nice, dont il faut saluer la réalisation puisqu'elle inclut jusqu'aux stations de sport d'hiver voisines, nulle part on ne s'est accordé pour déterminer qui s'occuperait des transports scolaires, de la voirie, de la promotion à l'étranger, du développement économique territorial…, tous éléments qui figuraient dans le texte et qui, à notre sens, ont freiné l'application de la loi. Ce que nous proposons sera plus simple à mettre en oeuvre. Nul doute néanmoins que dans quelques endroits, subsisteront des débats complexes entre régions et métropoles – il faudra les assumer.
Pour le reste, la loi dispose qu'un référendum doit être organisé préalablement à toute éventuelle fusion entre des départements et une région. En Alsace, nous n'avons donc fait qu'appliquer la loi : il n'y a là aucun paradoxe.
Vous n'êtes pas « sympa », si je puis m'exprimer ainsi, avec le président du conseil général du Rhône, Michel Mercier, car il a organisé un débat au sein de son assemblée départementale, y compris sur le périmètre de la métropole.