Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 1er juillet 2013 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

La France est une merveilleuse mosaïque de territoires. L'unité n'est pas l'uniformité, avez-vous affirmé, madame la ministre, devant le Sénat, et vous aviez raison.

Évoquer les particularismes locaux provoque, à l'Assemblée nationale et ailleurs, tantôt quelque curiosité, tantôt de l'indifférence, parfois du mépris. Nous avons pourtant en France la passion des territoires et faisons en cela figure d'exception auprès de nos voisins européens. 36 700 communes, 101 départements, 27 régions, 2 600 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, 4 000 cantons et 370 pays : voilà le paysage français. Malgré cette surabondance et cette diversité de formes d'organisation territoriale, une certaine défiance n'a jamais cessé de se manifester depuis la Révolution française : la revendication territoriale serait porteuse de division de la nation et il y aurait contradiction entre la passion de l'égalité et le sentiment d'appartenance territoriale. Or rien n'est plus inexact.

Pour la première fois de notre histoire, le président de la République a créé un ministère de l'Égalité des territoires mêlant ces deux notions qui ont historiquement été opposées. L'égalité des territoires possède des fondements juridiques anciens mais, sans remonter plus loin, l'actuelle Constitution consacre trois formes d'égalité – entre les citoyens, entre les hommes et les femmes et entre les collectivités territoriales. C'est là le fruit de la révision introduite par la loi constitutionnelle du 29 octobre 2002 : l'alinéa 5 de l'article 72-2 de la Constitution nous assigne désormais l'ambition de « favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

Ce principe d'égalité se justifie par le souci de préserver une application uniforme des droits fondamentaux sur l'ensemble du territoire national. Il est intéressant de remarquer, comme le fait d'ailleurs un très récent rapport d'information du Sénat, qu'il ne constitue ni un commandement d'uniformité, ni un obstacle à l'adaptation des statuts aux spécificités locales. Selon la formule employée par le Conseil constitutionnel, ce principe « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

Cette ambition apparaît également fondée politiquement, reliée qu'elle est à la tradition d'aménagement du territoire à la française d'après-guerre.

La France a certes besoin de locomotives, mais il faut aussi, dans le même temps, mettre tous les territoires en capacité de production, d'accueil et d'ouverture sur le monde. Dans son magnifique ouvrage, Mona Ozouf opposait deux conceptions de l'identité nationale : celle, traditionnelle, d'une France unitaire et celle qui reconnaît les différences, valorise la diversité et promeut l'enrichissement par le métissage des cultures.

Élue d'un territoire – le Pays basque – qui est pionnier pour la valorisation de ses spécificités et qui demande à être reconnu et à exercer des compétences dans un cadre strictement républicain, je considère qu'en notre qualité de représentants de la nation, nous avons le devoir, à l'occasion de ce projet de loi, d'interroger la relation entre l'universel et le particulier et de comprendre pourquoi la France se montre toujours aussi réservée à l'égard des particularités. Demandons-nous pourquoi nous avons tant de difficultés à poser un véritable acte de décentralisation. Ma question est donc la suivante : jusqu'où pouvons-nous aller dans cette reconnaissance des particularités ?

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