En revanche, avec la meilleure volonté du monde, quel que soit notre territoire et quels que soient nos mandats passés, présents et à venir, nous n'avons pas le don d'ubiquité de l'héroïne de Marcel Aymé, dans la nouvelle Les Sabines du recueil Le Passe-muraille, qui pouvait « à son gré se multiplier et se trouver en même temps, de corps et d'esprit, en autant de lieux qu'il lui plaisait souhaiter. » La décentralisation et la dernière réforme constitutionnelle n'ont fait que renforcer cette vérité : la disponibilité et l'efficacité ont partie liée.
Nous allons également restaurer la place centrale du Parlement dans la pratique institutionnelle. Nous, parlementaires, disposons de capacités d'action renouvelées grâce au renforcement du rôle des commissions, de l'initiative parlementaire, du contrôle de l'action du Gouvernement et de l'évaluation des politiques publiques. Combinées à la légitimité du suffrage universel, ces capacités d'actions impliquent de notre part une mobilisation redoublée. Encore faut-il penser le Parlement de l'après-cumul, c'est-à-dire repenser et anticiper nos missions et les conditions de leur exercice.
Le président Bartolone plaide, à juste titre, pour la suppression de certains comités Théodule et autres commissions ad hoc. On en recense près de sept cents. Leur empilement a un coût et leur éparpillement dépossède l'Assemblée nationale d'une partie de sa fonction de contrôle, d'évaluation et de prospective. Je crois que le non-cumul est l'un des plus sûrs moyens d'éviter que, peu à peu, une « adhocratie » rivalise avec la démocratie représentative, que des experts se substituent aux élus, et que la gouvernance des choses l'emporte peu à peu sur le gouvernement des hommes.
Mes chers collègues, la volonté politique de limiter le cumul des mandats répond à une attente civique. Cette avancée ne dépend que de nous. Je le dis à mes collègues réticents : le non-cumul n'est pas un châtiment, c'est une chance pour le Parlement, pour les territoires, et pour la démocratie.