Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 21h30
Ratification du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxelle Lemaire :

Analysé de manière littérale, il impose un objectif d'équilibre budgétaire uniforme à l'ensemble des États signataires. Il apparaît comme la victoire d'une idéologie conservatrice et néolibérale, prônant l'austérité.

En réalité, il me semble que le traité ne peut être compris qu'en tenant compte de la conjoncture politique plus globale dans laquelle intervient l'exercice de ratification.

À l'évidence, le texte est le fruit d'un compromis. Il part du principe selon lequel des finances publiques saines sont d'une importance essentielle pour préserver la stabilité de la zone euro. La raison d'être de ce traité est de répondre aux turbulences dans la zone euro, et il ne faut pas s'en offusquer. Car l'imprévisibilité et le chaos qui ont trop longtemps régné depuis l'éclatement de la crise économique et financière en Europe ont un impact direct sur les peuples. Ce sont ces peuples qui, aujourd'hui, paient le prix de la dette, ce sont les citoyens qui subissent l'imposition des politiques d'austérité lorsque les États sont au bord du gouffre.

L'addition des crises de la dette a aggravé le phénomène de concurrence et de spéculation entre les dix-sept marchés obligataires de la zone euro, laissant les États à la merci de la fixation de taux d'intérêts d'emprunt toujours plus fluctuants et plus pénalisants. C'est un cercle vicieux : le poids de la dette alourdit le risque de solvabilité qui, lui-même, alourdit le poids de la dette. C'est ainsi que, sur le marché secondaire, les intérêts d'emprunt appliqués à la Grèce sont passés de 5 % en 2009 à 32 % en février 2012.

C'est cette dette-là, la dette non contrôlée, objet de toutes les spéculations, incompressible, qui est devenue l'ennemie des peuples. C'est elle qui forme la véritable atteinte à la souveraineté lorsque les gouvernements se retrouvent démunis et sans plus aucune marge de manoeuvre budgétaire. Nous ne parlons pas ici d'un endettement qui sert l'investissement public, qui promeut les emplois et les services publics, mais d'une dette nocive qui plonge les États dans des spirales sans fin.

Le traité contribue à rétablir une certaine confiance. Il ne doit pas être vu comme une fin en soi ; il est un outil, parmi d'autres, pour parvenir à une autre fin qui est celle de la sortie du désendettement et du retour de la croissance à l'échelle du continent.

Il a été dit, pendant le débat, que « la France est un pays du nord et du sud, une passerelle ». C'est vrai. Notre continent est guetté par un risque croissant de fracture entre les pays du nord et ceux du sud. Les économies nordiques – Suède, Finlande, Norvège, Danemark, auxquels on peut ajouter l'Allemagne et les Pays-Bas – enregistrent de bons bilans et semblent faire preuve d'une capacité de résilience face à la crise plus importante que celle des États du Sud.

Or on peut lire dans le traité l'empreinte de ces pays marqués par leur histoire économique et leur tradition politique. Les pays scandinaves, en particulier, ont, dans les années 1990, traversé des crises aiguës, qui ont abouti à des efforts de consolidation budgétaire très marqués et très douloureux, avec des résultats en termes d'assainissement des finances publiques assez spectaculaires aux dires de l'OCDE.

Ces pays prêteurs, aux économies très ouvertes, et donc directement exposés aux problèmes de la zone euro, réclament une discipline budgétaire. Attention : le sentiment de payer pour les irresponsables, les non-vertueux, les cigales insouciantes et laxistes se développe dans le Nord de l'Europe. Ce clivage est inquiétant, car il ouvre la porte à toutes les formes possibles de démagogie et de populisme. La crise actuelle menace – j'en suis persuadée, car je l'ai vu et entendu dans ma circonscription – la cohésion même du projet européen.

Non, tout ne s'est pas joué les 28 et 29 juin derniers, et tout n'est pas encore joué, mais des progrès ont été accomplis, qui vont dans le bon sens et doivent donc être accueillis par tous ceux qui défendent l'intérêt général européen et l'intérêt national de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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