Mes chers collègues, nous allons parler d'un projet qui fait consensus aujourd'hui : le projet du Grand Paris. C'est un projet, comme nous l'indiquons dans la note d'étape, d'une complexité inédite. Je commence par un rappel historique : il y a eu la promulgation de la loi du 3 juin 2010, puis le 16 janvier 2011 l'accord, qualifié à l'époque d' « historique », entre l'État et la région Ile-de-France, et enfin les arbitrages rendus par le Gouvernement et annoncés le 6 mars dernier à la cité Descartes par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui arrêtent définitivement et concrétisent le projet « Grand Paris Express », rebaptisé « Nouveau Grand Paris ».
Pour cette infrastructure de transport, on est parti d'une vision centralisée pour arriver aujourd'hui à une vision décentralisée. Le projet de réseau a beaucoup évolué, passant de 155 kilomètres pour 45 gares à un réseau de 202 kilomètres et 72 gares. Le législateur avait souhaité que ce réseau soit interconnecté au réseau existant, et on est allé plus loin puisque dans ses annonces du 6 mars, le Premier ministre a indiqué que 6 milliards d'euros seraient injectés pour l'amélioration du réseau francilien existant d'ici 2017, au titre du « plan de mobilisation ».
Le réseau du Nouveau Grand Paris, c'est d'une part un métro en rocade de 100 kilomètres, la ligne 15, avec des quais de 120 mètres et des trains à forte capacité d'emport, et sur les 100 autres kilomètres un métro à capacité adaptée, avec des quais de 60 mètres et des trains à moins grande capacité. Une fois que l'Autorité environnementale aura rendu son avis sur le premier tronçon, l'arc sud de la ligne 15 allant de Pont de Sèvres à Noisy-Champs, la réalisation de ce tronçon de 33 kilomètres commencera en 2015. L'avis de l'Autorité devrait être connu dans quelques jours.
Concernant le financement, le coût global a été évalué à 26,5 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les 6 milliards d'euros du plan de mobilisation pour la période 2013-2017 uniquement. En ce qui concerne les recettes de la Société du Grand Paris, qui a été constituée en son temps pour mettre en place l'infrastructure de transport et acquérir le matériel avant de remettre le tout au STIF qui gèrera le réseau en tant qu'AOT, ces recettes devraient se stabiliser, à hauteur de 535 millions d'euros par an, en 2014 et 2015, lorsque le prélèvement au profit de l'ANRU aura pris fin. En novembre dernier, le Premier ministre a annoncé que seraient ajoutés 150 millions d'euros supplémentaires de recettes pour permettre à terme à la SGP de voir sa capacité annuelle de remboursement passer à 2,5 milliards d'euros.
S'agissant de la liaison vers les aéroports, on peut regretter que le séquençage qui a été opéré suite au rapport Auzannet n'en fasse pas une priorité. L'aéroport d'Orly sera relié à Paris par la ligne 14 prolongée, épine dorsale de la rocade. Mais l'aéroport international Roissy-Charles de Gaulle ne sera relié qu'en 2027. On peut le déplorer car le territoire du Grand Roissy est un territoire en développement, avec un potentiel important en termes de création d'emplois et de recettes fiscales. Pour autant, le projet d'une ligne de transport directe et dédiée, le « CDG Express », n'est pas abandonné : même si le Premier ministre a été très clair pour indiquer qu'il n'y aura pas un centime d'argent de l'État dans son financement, il en a confirmé l'existence. Il faut donc faire preuve d'imagination, pour que la première destination touristique du monde, la France, et le deuxième aéroport d'Europe, disposent de ce moyen de transport. Aujourd'hui les passagers n'ont le choix qu'entre le RER B avec de nombreux arrêts et correspondances, ou l'autoroute A1 saturée.
Le projet « Charles de Gaulle Express » peut être réalisé par un partenariat, soit privé, soit public-privé. Fervent défenseur de ce projet, je pense qu'il pourrait prendre la forme d'un EPIC, porté par Aéroports de Paris dont le président, M. Augustin de Romanet, est favorable à cette liaison directe. Une taxation de 2 euros par billet d'avion pour les passagers de l'aéroport de Roissy (40 millions de passagers par an, hors passagers en correspondance) permettrait d'abonder le financement dédié à cette infrastructure.
La question de l'interopérabilité et de l'intermodalité du réseau du Grand Paris est importante puisque de 45 gares, nous sommes passés à 72 gares, avec l'obligation posée par le législateur d'assurer l'interconnexion des réseaux. Pour chaque gare, il faudra réaliser une analyse fine en matière de desserte du territoire, pour ne pas faire de ces gares des culs-de-sac. C'est un sujet qui a été souvent abordé au cours de nos auditions. Nous avons noté que les présidents de conseils généraux sont très attentifs à la question de l'interopérabilité, car les futures gares sont d'une complexité sans précédent, en particulier la gare de Saint-Denis-Pleyel sur laquelle on ne disposera des études nécessaires qu'en septembre 2013.
En matière de coordination entre le STIF et la SGP, question qui a été abordée à plusieurs reprises pendant nos auditions, nous avons constaté qu'il faudrait mettre un peu d'huile dans les rouages. Le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles comporte des dispositions, dans ses articles 16 et 17, qui permettront une meilleure coordination entre ces deux acteurs.
Enfin, pour aborder le volet environnemental, il ne faut pas, à travers ce projet d'intérêt national, se priver – puisqu'on parle beaucoup de transition énergétique – de l'opportunité d'exploiter les ressources géothermiques, là où c'est possible, pour chauffer à la fois les gares du réseau et les logements qui seront construits dans le cadre des CDT.
Un autre aspect lié à l'environnement est lié aux déblais : 60 millions de tonnes qu'il faudra évacuer. Aujourd'hui l'Ile-de-France n'a pas les capacités nécessaires : il faudra forcément de nouvelles installations de stockage, ou bien combler les carrières de gypse de la région. De plus, l'on va extraire de la bentonite polluée : il faudra être vigilant sur son évacuation et son stockage.
Un dernier point : à l'occasion du premier rapport sur l'application de la loi de 2010, que j'avais présenté avec Mme Annick Lepetit sous la précédente législature, nous avions fait un certain nombre de remarques pertinentes, sur la compatibilité avec la révision du SDRIF et sur la nécessité de prolonger le délai prévu par la loi pour l'élaboration des CDT : le délai pour la prise des décisions d'ouverture des enquêtes publiques était fixé au 31 décembre 2012 par la loi de 2010 ; il a ensuite été reporté au 31 décembre 2013, mais à ce jour seuls 6 projets de CDT sur 21 sont formalisés. Il sera nécessaire de prolonger de nouveau ce délai.