Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 3 juillet 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Je suis heureuse de vous présenter les dispositions du projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public. Ce texte répond à l'engagement pris par le Président de la République devant les Français de conforter l'indépendance de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Qualifiée d'« hypocrisie » en 2008, la désignation des dirigeants de l'audiovisuel public par le CSA me semble au contraire une garantie républicaine fondamentale. Or, comme vous le savez, le mode de désignation actuel de ces dirigeants est empreint de suspicion et rend plus difficile l'exercice de leurs missions. Le texte que je vous présente permet de rétablir une garantie républicaine en confiant cette nomination à l'autorité indépendante de régulation.

Cette garantie sera d'autant mieux assurée que l'instance chargée des nominations verra son indépendance accrue. La procédure de nomination des membres du collège du CSA renforce en effet le rôle du Parlement, en particulier celui des Commissions des affaires culturelles des deux assemblées, et associe l'opposition parlementaire à cette décision.

Le collège du CSA passera de neuf à sept membres, dont le Président de la République ne nommera plus que le président. Les six autres membres, désignés par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, le seront désormais après avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des Commissions des affaires culturelles de chacune de ces chambres.

Cette avancée démocratique majeure, inédite pour une autorité indépendante, témoigne de l'esprit de confiance qui nous anime. Le renforcement du rôle du Parlement donnera une plus grande légitimité démocratique à l'instance de régulation et permettra d'empêcher toute nomination partisane. La présente réforme marque en ce sens notre attachement au secteur audiovisuel et à son indépendance.

Certains craignent des blocages dans le processus de nomination, mais ce mécanisme, certes inédit dans les institutions de la Ve République, existe dans plusieurs pays européens et constitue une garantie nouvelle et forte ; il est la marque d'une démocratie moderne, où majorité et opposition peuvent s'entendre en se fondant sur le critère objectif de la compétence, au service de l'intérêt général. Le succès de cette procédure, dont je ne doute pas, sera une preuve de la maturité de nos institutions.

Le projet de loi ordinaire, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, s'accompagne d'un projet de loi organique tendant à supprimer les fonctions de présidents de l'audiovisuel public de la liste des emplois pour lesquels le Président de la République exerce un pouvoir de nomination dans les conditions prévues à l'article 13 de la Constitution.

Enfin, le projet de loi modifie la procédure de sanction suivie par le CSA afin de satisfaire aux exigences d'impartialité applicables aux autorités administratives en la matière, conformément à l'évolution récente des jurisprudences constitutionnelle et européenne. Ainsi, un rapporteur sera désormais chargé de la poursuite et de l'instruction, le prononcé de la sanction demeurant l'apanage exclusif des membres du collège : les deux fonctions seront clairement séparées.

Ce projet de loi constitue une réforme majeure de l'audiovisuel. Il était en effet prioritaire de restaurer et d'approfondir toutes les garanties d'indépendance de l'audiovisuel public avant toute autre chose. Elle constitue un socle, une première étape essentielle d'une profonde réforme du cadre juridique d'ensemble du secteur audiovisuel pour l'adapter aux mutations du secteur et notamment au développement du numérique. La seconde étape sera donc une refonte de la législation : plusieurs travaux de réflexion ont été entrepris à ce sujet. Le gouvernement considère en effet, avec le Président de la République, que les enjeux qui se posent à l'audiovisuel appellent des décisions mûrement réfléchies et concertées, notamment avec les parlementaires, et non des effets d'annonce. Sur l'éventualité d'un rapprochement entre le CSA et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), une analyse a été engagée l'an dernier, à la demande du Premier ministre, sous l'égide du ministre du redressement productif, de la ministre en charge de l'économie numérique et de moi-même. Elle a permis de déterminer les mesures à mettre en oeuvre pour répondre au phénomène de convergence des infrastructures numériques, des services et des contenus qu'elles acheminent. Cette évolution majeure du secteur de la communication nous a conduit à nous interroger sur le meilleur moyen de réguler des contenus accessibles à partir de supports de diffusion multiples.

De ce travail, auquel furent évidemment associés les professionnels de la communication et les parlementaires, est ressorti le constat unanime que les bouleversements en cours n'appellent pas une réponse strictement institutionnelle, mais bel et bien une réforme de fond. La mission Lescure sur l' « acte II de l'exception culturelle » partage elle aussi cette analyse : elle propose, dans son rapport, des pistes au sujet desquelles le gouvernement recueille l'opinion des acteurs concernés. C'est dans cet esprit que j'ai ouvert les Assises de l'audiovisuel au début du mois de juin. Elles ont révélé le besoin d'une réforme globale et partagée et permis d'identifier les mesures envisageables : des expertises et des concertations ont ainsi été engagées afin d'adapter le cadre juridique de la régulation audiovisuelle aux mutations profondes du secteur, liées notamment à l'essor des terminaux connectés à internet. Il nous faudra, dans un second projet de loi, réfléchir à la régulation des contenus audiovisuels sur internet, au soutien à la création sur tous les supports de diffusion ou encore à l'organisation du partage de l'espace hertzien entre la télévision et la téléphonie mobile. Afin de préparer ce texte, je mènerai de nombreuses concertations au début de l'année prochaine, auxquelles vous serez bien entendu associés.

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