Heureusement que nous avons de la sympathie pour vous, madame la ministre… Le projet de loi, qui détricote une fois de plus un texte de la précédente majorité, ne nous inspire en effet pas le même enthousiasme qu'à M. le rapporteur.
Parler de l'indépendance de l'audiovisuel public sans évoquer son financement nous semble être une erreur. La procédure de nomination des présidents que nous avions instituée, et sur laquelle vous vous êtes focalisée, était au demeurant légitime. L'article 13 de la Constitution précise en effet que le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce pour les emplois et fonctions revêtant une « importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation », ce qui est bien le cas en l'occurrence. Ce pouvoir est d'ailleurs encadré, puisque le CSA participe à la décision et que la nomination n'intervient qu'après avis public des commissions compétentes de chaque assemblée, lesquelles peuvent s'y opposer par un veto à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres.
Le mécanisme proposé remet cet équilibre en cause, en dépit de louables intentions quant à la modernisation et aux garanties d'indépendance : il sera en réalité moins transparent, puisque les présidents des chaînes nationales seront nommés par le collège du CSA, dont le président restera lui-même nommé par le Président de la République. Cette procédure n'empêchera donc pas les soupçons d'une intervention de l'Élysée. La présomption de dépendance à l'égard de l'exécutif n'est d'ailleurs pas liée au mode de nomination des présidents de chaîne : si l'exécutif veut faire pression sur eux, il pourra toujours le faire, même après avoir transféré son pouvoir de nomination au CSA.
Le projet de loi fera également régresser les droits du Parlement, qui exerçait jusqu'à présent un contrôle sur la nomination par le Président de la République, de surcroît co-décidée par le CSA : désormais, ce dernier décidera seul des nominations, sans que les deux commissions compétentes du Parlement, qui jusqu'alors pouvaient statuer à la majorité des trois cinquièmes, n'aient leur mot à dire, de sorte que les droits de l'opposition s'en trouveront eux aussi diminués.
Enfin, vous entendez baisser la voilure sur la procédure de sanction du CSA.
Comme nous l'avions par ailleurs souligné lors de la dernière réforme, l'indépendance de l'audiovisuel public passe par son financement. Sur ce point, vous avez été contrainte à des manoeuvres dilatoires après l'adoption du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, passant le rabot budgétaire par deux fois au mépris des engagements. Quelles garanties le texte peut-il offrir pour éviter cette situation à l'avenir ? Pourquoi ne proroge-t-il pas la publicité en journée, qu'un amendement voté en 2010 au Sénat prévoit de supprimer à partir de 2016 ? Le temps me semble venu d'affirmer la volonté du Parlement de pérenniser cette ressource indispensable pour le groupe et son indépendance.