Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 25 septembre 2012 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Bernard Cazeneuve sait l'estime que m'inspirent ses qualités intellectuelles, ses qualités de bretteur et de pédagogue, mais je dois lui dire avec solennité que notre économie va mal, que la compétitivité de la France se dégrade de jour en jour et que le chômage ne cesse d'augmenter. On peut croire que la situation est due à la politique européenne et à ce qu'on appelle la « rigueur », ou considérer, au contraire, qu'elle s'est imposée parce que nous avons vécu à crédit et accumulé les déficits. C'est parce que certains pays s'étaient affranchis de la discipline budgétaire européenne, c'est parce que nous sommes tous en déficit excessif que, pour sauver la zone euro, nous avons dû nous doter de règles encadrant un peu plus les déficits publics. La rigueur n'est pas antinomique de la croissance. Au contraire, elle est la condition d'une politique de croissance.

Monsieur le Ministre, vous êtes obligé de manger votre chapeau, après avoir promis aux Français une politique économique aux antipodes de la politique budgétaire dans laquelle vous allez vous engager en ratifiant ce traité. Le pays a besoin de clarté : dites-lui donc que le traité est conforme à l'intérêt national et que, pour maîtriser nos déficits, il nous faut mener une politique économique de relance, provoquer un choc de compétitivité. Après avoir combattu ce traité, vous le faites vôtre et invitez les députés de la majorité à le voter. Mais, dans le même temps, vous déclarez que ce n'est pas « un horizon indépassable », que vous allez continuer à dépenser, que vous ne voulez pas inscrire la « règle d'or » dans la Constitution. La vraie solution, dites-vous, c'est le plan de relance. Or il n'y a en pas !

J'ai occupé votre poste, je sais ce qu'est l'utilisation des fonds structurels, je connais la BEI et ses lourdeurs. Vous aurez de la chance si vous parvenez à dégager 7 ou 8 milliards de plus sur quelques années ! Comme vous, j'ai fait le tour des régions : non seulement elles sont parfois mal outillées pour tirer profit de la machinerie européenne, mais celle-ci fait en sorte qu'elles ne soient même pas éligibles aux fonds structurels, qui, jusqu'à présent, étaient réservés aux régions les plus pauvres.

Nous avons négocié ce traité en pensant qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'État d'en finir avec les dépenses excessives et qu'il fallait faire des économies. Si vous voulez être cohérent, annoncez donc vos économies ! Le vrai test de la ratification du traité, ce sera la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Si vous prévoyez des économies et une fiscalité susceptible de nous rendre des parts de compétitivité, alors nous serons dans un Standort Frankreich, parallèle au Standort Deutschland. Mais si l'économie allemande tournée vers l'exportation et la compétitivité, continue de faire face à l'économie française qui continue à emprunter, ce n'est pas seulement avec les Verts et les communistes que vous serez en contradiction, mais avec l'esprit du traité, qui exige davantage de discipline, d'investissements et de compétitivité.

En matière européenne, le parti socialiste a une histoire chaotique : à l'époque de François Mitterrand, il parlait d'une seule voix, mais il y a eu ensuite l'épisode de 2005, puis le MES. Je suis content qu'il nous rejoigne aujourd'hui, mais il n'a fait que la moitié du chemin. Encore un effort ! Optez pour une politique économique cohérente avec les engagements du traité ! Sinon, nous allons au-devant de graves difficultés.

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