Le troisième ensemble de propositions requerra de l'État qu'il se forge une doctrine en matière d'accompagnement international. Dans la mesure où ses moyens sont limités, où le monde compte 170 pays et où les exportateurs exigent de lui davantage de professionnalisme, de présence et d'efficacité, l'État ne peut être présent partout avec la même offre et le même catalogue de produits. Soit on part du principe que le fondement de la mission régalienne de l'État consiste à concentrer son effort sur les pays émergents et par conséquent les plus à risque, c'est-à-dire les pays où les acteurs privés ne peuvent être présents ; soit on considère, à l'inverse, qu'il lui faut être présent là où il y a le plus de flux, de marchés et de réalité commerciale, au détriment des zones où la prise de risque est plus importante. Compte tenu du contexte actuel de contraction budgétaire ainsi que des disponibilités et de la compétence des uns et des autres, l'État ne saurait répondre à ces deux objectifs. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, nos avis divergent sur ce point.
Le premier scénario s'appuie sur l'idée que la mission régalienne de l'État consiste à être présent là où l'offre privée ne peut s'implanter et où l'argent public a davantage de sens, et par conséquent à laisser à l'offre privée le soin de reprendre position dans les pays d'exportation assez classiques. J'en veux pour exemples la force de la chambre de commerce franco-allemande, véritable organisation privée qui a pris toute sa place dans l'accueil des exportateurs français en Allemagne ou encore la récente prise en charge par l'acteur consulaire de la délégation de service public au Maroc, qui a permis à Ubifrance de redéployer ses moyens dans d'autres pays ou dans d'autres zones. Cette méthode présente l'avantage de ne pas évincer l'offre privée, ce qui serait dangereux sachant que sa présence nous permet d'améliorer nos positions dans différentes zones du monde. Ce premier scénario est, en outre, cohérent avec les arbitrages budgétaires en cours qui conduiront progressivement l'État – Ubifrance en l'occurrence – à concentrer ses moyens là où ils s'avèrent les plus efficaces.
Un autre avantage d'une telle démarche est illustré par la situation en Russie, où il semblerait que tous les acteurs impliqués dans le soutien à l'export – qu'ils soient publics ou privés, qu'il s'agisse des chambres consulaires, d'Ubifrance ou de la mission économique – soient présents à Moscou uniquement, au détriment des exportateurs qui ont besoin de prospecter dans les autres villes. La pertinence voudrait qu'on déploie intelligemment l'ensemble des acteurs publics et privés, parapublics ou consulaires, ce qui pourrait se faire si l'État déterminait où il se positionne en priorité, de façon à mieux s'accorder avec les autres acteurs et à mieux déployer une offre d'accompagnement français à l'international.
Deux questions devront alors être tranchées : faire en sorte que chaque entreprise se voie offrir un catalogue de services à peu près équivalent chez tous les opérateurs ; éviter les divergences tarifaires entre les opérateurs servant d'intermédiaire aux exportateurs. Il conviendra non seulement de lisser ces tarifs, mais aussi de garantir leur neutralité du fait de l'éligibilité de ces prestations à d'assurance-prospection, soit une sorte de ticket modérateur pour tous les intervenants.
Si je suis partisan de ce premier scénario, Patrice Prat soutiendra plutôt le second.