Intervention de Jean-Paul Bailly

Réunion du 3 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe la Poste :

Des discussions ont bien eu lieu sur ce sujet avec les pouvoirs publics et les actionnaires. Comme le conseil d'administration de La Poste doit se réunir demain, vous comprendrez que je lui réserve la primeur de toute communication à cet égard. L'article que vous évoquez contient des éléments concernant une éventuelle succession : il va de soi que celle-ci n'est absolument pas du ressort de l'entreprise, et que ce sont les pouvoirs publics qui prendront leur décision.

Le contrat d'entreprise 2013-2017 qui vient d'être signé par les cinq ministres concernés est bel et bien un contrat de service public puisqu'il fixe pour cinq ans les missions de service public de La Poste, à savoir leur périmètre, leurs objectifs de qualité, leur coût et les modalités de leur financement.

Ce contrat fait suite à celui établi pour la période 2008-2012. Celui-ci a été marqué par la progression de la qualité du service. En effet, alors que nous avions fixé à 85 % notre objectif de distribuer le courrier dans un délai J+1, celui-ci est passé de 83,9 à 87,9 % sur l'ensemble de la période. Nous avons donc largement tenu nos engagements.

Nous nous étions également fixé pour objectif d'améliorer la qualité de service dans les bureaux de poste, en particulier en réduisant le temps d'attente. Sur ce plan, nous avons accompli une véritable révolution, puisque nous avons procédé à la rénovation de plus de 1 500 bureaux et fait quasiment disparaître les files d'attente. Le taux de satisfaction globale du public à la sortie des bureaux se situe entre 90 et 95 %.

Le contrat 2008-2012 a été caractérisé par le ralentissement du rythme de transformation des bureaux de poste en relais de poste et en agences postales communales, dont le nombre annuel est passé de 500 au début de la période à moins de 200 au cours des dernières années, ainsi que par l'exécution dans de bonnes conditions de l'accord tripartite passé entre l'État, les éditeurs de presse et La Poste pour la période 2008-2015 : l'État s'est engagé sur un certain niveau de compensations, d'ailleurs légèrement décroissant, les éditeurs ont accepté un rattrapage des tarifs, et La Poste a accepté de réduire les coûts et d'améliorer la qualité et la productivité. Telle était la situation à la fin de l'année 2012.

J'en viens au nouveau contrat d'entreprise, qui poursuit les quatre missions de service public de La Poste, les approfondit et prend un certain nombre d'engagements citoyens qui vont au-delà des exigences de la mission de service public elle-même.

Le contrat d'entreprise a été mis en place dans un contexte économique difficile, marqué par une croissance en berne, et dans une société de plus en plus engagée dans la mutation numérique. Or le numérique est à la fois porteur de formidables innovations et de véritables menaces. Si les premières sont à créer, les secondes sont bien réelles : le volume du courrier a décru de 20 % depuis 2008 et le phénomène s'accélère – il a diminué de 5,6 % en 2012 et de presque 7 % en 2013. La France se situe dans la moyenne des pays européens, mais il est inquiétant de constater que ceux qui connaissent la plus forte décroissance sont les pays d'Europe du Nord, qui sont très en avance dans le domaine numérique. Le Danemark, par exemple, enregistre une décroissance annuelle du courrier à deux chiffres.

Nous présenterons demain au conseil d'administration du groupe un projet stratégique tenant compte de nos hypothèses de décroissance et confirmant que la décroissance du courrier est égale au PIB moins 6 %. Lorsque je suis arrivé à La Poste, il y a onze ans, la progression était égale au PIB plus 1 %. Ces chiffres traduisent l'extraordinaire mutation de notre modèle économique.

Cette mutation crée aussi de nombreuses opportunités, tels le développement du colis et de l'express et la généralisation du e-commerce. La Poste pourrait devenir un acteur important de la logistique urbaine en distribuant de nouveaux services à domicile. On peut chiffrer à 25 000 le nombre de lieux de présence de La Poste sur le territoire, avec 17 000 points de contact et 7 000 relais Pickup Services, sans oublier les centres dédiés au courrier. Le développement du numérique permettra de faire converger les réseaux : les bureaux seront équipés de tablettes, les facteurs seront dotés d'un smartphone et les domiciles seront connectés. Ces perspectives de convergence, d'amélioration et d'innovation seront l'une des principales ambitions du groupe dans les années qui viennent.

Le contrat d'entreprise prend en compte les enjeux que représente La Banque Postale. Il s'agit d'une banque à part entière, qui peut offrir aux ménages la totalité des services proposés par les autres établissements, mais c'est également une banque citoyenne, qui accompagne les Français les plus modestes, et, depuis un an et demi, la banque du développement économique des territoires, qui finance les personnes morales – TPE, artisans, commerçants – et les collectivités territoriales.

Dans le contexte financier que nous connaissons, chacun devra faire en sorte que l'entreprise conserve une bonne santé économique et obtienne des résultats suffisants pour financer sans s'endetter ses investissements courants et régler les intérêts de sa dette, les taxes et les dividendes. Cet objectif a été atteint par La Poste, puisque, depuis 2008, son résultat d'exploitation avoisine les 700 millions d'euros.

J'en viens aux quatre missions de service public que l'État a confiées à La Poste.

La première consiste à assurer le service universel postal, qui maintient l'objectif de distribution du courrier prioritaire à J+1. L'objectif de 93 % que nous avions fixé pour la Lettre verte, distribuée dans un délai J+2, est d'ores et déjà atteint : nous devrions arriver à 95 % à l'horizon 2015. Nous pensons que, à la fin de cette année, le taux de bascule entre la Lettre rouge, prioritaire, et la Lettre verte sera de l'ordre de 50 % : une enquête réalisée auprès de 60 000 clients montre que les deux tiers privilégient la fiabilité de la distribution et qu'un tiers choisit la rapidité.

Nous avons également des objectifs d'amélioration de la qualité concernant la distribution de la lettre recommandée, les programmes de réexpédition et l'information des consommateurs. Nous proposerons prochainement une application pour les smartphones qui indiquera au public la position des boîtes aux lettres sur l'ensemble du territoire ainsi que les heures de levée du courrier.

Nous envisageons également de développer l'usage de la Lettre en ligne, qui peut être envoyée depuis un ordinateur avant dix-neuf heures pour être distribuée par le facteur le lendemain matin.

Nous avons également pris des engagements pour harmoniser, d'ici à 2015, la gamme des petits colis.

La deuxième mission de service public de La Poste a trait à l'aménagement du territoire. Le groupe compte 7 200 points de contact gérés en partenariat avec des municipalités ou des commerçants. Si ce dispositif connaît un léger ralentissement, de récentes enquêtes évaluent à 90 % le taux de satisfaction de la part de la population, des élus et des commerçants.

La présence postale territoriale fait l'objet d'un autre contrat qui engage pour trois ans l'État, La Poste et les élus locaux, représentés par l'Association des maires de France. Nous préparons actuellement le contrat 2014-2016 en prenant en compte les propositions des présidents des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) et des membres de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP). Le coût de ce dispositif s'élève à 247 millions d'euros, selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), et donne lieu à une contribution de l'État de 170 millions d'euros.

Le nouveau contrat traduira l'attention particulière que nous portons aux zones urbaines sensibles et aux départements d'outre-mer, et, s'agissant de l'amélioration de la qualité du service, il tiendra compte non plus seulement du temps d'attente dans les bureaux de poste, mais de la satisfaction globale du public.

La troisième mission de service public concerne l'accessibilité bancaire que La Banque Postale met en oeuvre par le biais du livret A, dont je rappelle les principales caractéristiques : le montant minimal des mouvements est de 1,50 euro, il s'adresse à tous les publics, y compris aux personnes sans domicile fixe ou qui vivent de façon transitoire sur le territoire, et on peut y domicilier le versement de certaines allocations.

Cette mission fait l'objet d'une compensation qui a obtenu l'accord de la Commission européenne, qui la juge parfaitement justifiée et ne la considère pas comme une aide d'État. Cette compensation s'élève à 235 millions d'euros en 2013 ; elle sera de 210 millions en 2014 et devra être renégociée pour les années suivantes.

Notre mission d'accessibilité bancaire nous a amenés à prendre des engagements supplémentaires. Nous avons réuni autour d'une table les huit principales organisations humanitaires pour réfléchir à la manière dont nous pourrions aider les populations fragiles, avec des produits plus adaptés ou l'accompagnement des personnes surendettées. Nous sommes également très engagés dans le domaine du microcrédit.

La quatrième mission de service public a trait au transport et à la distribution de la presse. Cette mission, définie dans les accords Schwartz pour la période 2008-2015, fait l'objet d'une contribution budgétaire de l'État, mais celle-ci ne cesse de décroître et devrait passer de 217 millions en début de période à 180 millions d'euros en 2015. L'État envisage une remise en cause partielle de cette contribution. C'est une évolution possible, à laquelle nous sommes très attentifs.

Le contrat d'entreprise prévoit cinq nouveaux engagements citoyens du groupe La Poste. Le groupe devra contribuer plus étroitement au développement des territoires et des entreprises, en poursuivant sa politique en matière d'achats responsables, agir en faveur des plus démunis et développer la société numérique.

Il devra également agir dans le domaine du développement durable. Nous nous sommes engagés à réduire nos émissions de CO2 en optimisant les parcours et en multipliant le nombre de véhicules électriques. À l'horizon 2015, La Poste disposera de 10 000 véhicules électriques, ce qui en fera la plus grande flotte propre de France, sinon d'Europe. Nous nous sommes par ailleurs engagés non seulement à limiter nos émissions de CO2, mais également à les compenser en finançant des projets comme le renouvellement de la mangrove en Afrique, si bien que l'ensemble des activités colis de La Poste a un bilan carbone neutre.

Enfin, nous mènerons des actions dans le domaine de la responsabilité sociale de l'entreprise. Ainsi, le 22 janvier dernier, nous avons signé avec les organisations syndicales un accord sur la qualité de vie au travail. Ces actions concernent l'égalité des chances, le handicap et l'accessibilité des bureaux de poste, à laquelle la loi nous oblige à partir de 2015. Nous serons au rendez-vous, du moins en ce qui concerne les bureaux de poste dont nous sommes propriétaires.

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