Intervention de Geneviève Fioraso

Séance en hémicycle du 9 juillet 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Discussion générale

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

J'ajouterai : un suivi plus personnalisé, grâce à une priorité d'affectation de 1 000 créations de postes par an pendant cinq ans pour la réussite en licence, et la simplification des intitulés de formation de la licence au master. En effet, 10 000 intitulés et 11 000 formations proposées à l'élève par le système Admission post-bac, c'est tout simplement inadmissible et absolument incompréhensible, en particulier pour les jeunes issus de milieux modestes qui ne disposent pas dans leur entourage des « décrypteurs » nécessaires.

Ce texte prévoit par ailleurs : l'amélioration de l'insertion professionnelle grâce à l'intégration, dans le temps de formation lui-même, des expériences dans l'entreprise, soit par l'alternance, que je veux doubler d'ici à 2020 – le Premier ministre vient de réaffirmer son souhait de développer davantage l'alternance à tous les niveaux de la formation – soit par des stages davantage encadrés et intégrés dès le premier cycle dans les formations, car le stage sert aussi à découvrir un milieu professionnel, et non de test de première embauche. Ce type de stage permettra soit de confirmer une vocation, soit, au contraire, de préparer une réorientation en douceur, sans redoublement, grâce à la spécialisation progressive au cours du premier cycle de licence.

L'autre priorité consiste à redonner ambition et cohérence à la recherche. Vous avez conforté l'existence et le rôle d'une stratégie nationale de la recherche, déclinée en neuf défis sociétaux, compréhensible par le plus grand nombre et mise en oeuvre par les cinq alliances thématiques qui regroupent les organismes de recherche et un conseil d'experts diversifié placé auprès du Premier ministre. Tout cela en cohérence avec la stratégie européenne et avec les priorités du grand programme européen Horizon 2020.

Vous avez également approuvé la double exigence définie par le Gouvernement. La première est de préserver et renforcer la recherche fondamentale – toute la recherche fondamentale, des humanités aux sciences dites sociales en passant par les sciences humaines et sociales – dont la qualité est reconnue dans le monde entier et grâce à laquelle nous sommes placés au sixième rang mondial, le CNRS étant le premier « publiant » scientifique mondial, et de très loin. De l'autre côté, il s'agit d'améliorer notre capacité à transformer les résultats de cette recherche en innovations dans tous les domaines, économique, industriel, sociétal, culturel et environnemental, car nous ne figurons plus, à cette étape, qu'entre le vingtième et vingt-cinquième rang mondial. Au moment où 25 % de notre jeunesse est au chômage, cela devient un impératif de mission de service public.

Il s'agit donc de transformer ce que l'on appelle « vallée de la mort » en « vallée de la vie » et en emplois nous permettant aussi de monter en gamme notre industrie et nos services, qui en ont bien besoin.

Vous nous avez également soutenus dans notre engagement pour la simplification du système d'enseignement supérieur et de recherche, le fameux mikado si souvent décrié lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, cela en simplifiant l'accréditation des établissements et des intitulés pour donner davantage de lisibilité à notre offre de formation et en simplifiant aussi des strates structurelles et des statuts d'établissements – certains les ont appelées des couches géologiques stratifiées – que les trop nombreux appels à projets ont multipliés au cours du dernier quinquennat sans jamais en supprimer.

Vous avez souhaité et encouragé l'amélioration de la gouvernance des universités, mais surtout de la gouvernance territoriale de l'enseignement supérieur et de la recherche, gouvernance fédérale ou confédérale des regroupements d'établissements, sous forme de fusions, de communautés ou d'associations. Nous avons laissé une grande liberté d'organisation aux sites car nous considérons que c'est la base de l'autonomie. Nous n'avons pas voulu, comme par le passé, imposer des fusions, y compris entre les deux tours de l'élection présidentielle, car ce n'est pas notre conception de l'autonomie.

La gouvernance est donc mise au service d'une stratégie de site avec toutes ses composantes, avec une ouverture sur le monde socio-économique. Au lieu d'être une fin en soi, la gouvernance s'adapte enfin à l'intérêt général des étudiants, des enseignants, des chercheurs, à l'objectif d'une ouverture des universités sur leurs écosystèmes. Ce n'est plus une fin en soi comme c'était le cas dans la loi LRU : nous voulons des universités ouvertes sur leur environnement, ouvertes au monde.

En outre, l'Assemblée a également amélioré et renforcé le texte de loi, notamment sur quatre points importants.

D'abord, vous avez apporté des compléments indispensables à la formulation de l'élargissement des dérogations à la loi Toubon à l'article 2 : nous avons su ensemble en expliciter les conditions et faire en sorte que cette mesure donne une nouvelle impulsion à l'expansion de la francophonie tout en accueillant les étudiants venus des pays émergents aujourd'hui freinés par l'obstacle de la langue.

Ensuite, vous avez renforcé le principe de la tutelle conjointe du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, ce qui donne tout son sens au rôle de coordination de la stratégie nationale d'enseignement supérieur.

Par ailleurs, vous avez réuni les deux stratégies nationales de la recherche et de l'enseignement supérieur en un seul Livre blanc, en les complétant notamment par une programmation des moyens.

Enfin, vous avez amélioré les possibilités et les modalités d'accès des docteurs à la haute fonction publique, et cela va contribuer à valoriser la formation universitaire de plus haut niveau qui soit en France, celle des docteurs, que nous voulons aussi faire reconnaître dans toutes les branches de notre économie et de notre industrie – ce n'est pas le cas aujourd'hui. Une négociation est engagée par mon ministère, à laquelle je participe moi-même, et nous avons préservé le budget des CIFRE, doctorats en alternance, qui sont favorables aux PME-PMI à fort potentiel d'innovation. Nous avons élargi le dispositif aux entreprises de taille intermédiaire, en les favorisant tout comme les PMI et les PME.

Le Sénat a ensuite apporté plusieurs compléments et enrichi à son tour le texte. Il a également introduit plusieurs garanties supplémentaires dans la gouvernance territoriale, des garanties en matière de collégialité mais aussi des garanties pour que les établissements puissent affirmer, davantage qu'aujourd'hui, leur autonomie au sein des regroupements.

Les missions de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été complétées, en faisant la place aux interactions entre science et société. Je sais que nombre d'entre vous teniez à ce point important. Cela pouvait se lire dans l'exposé des motifs, et c'est désormais inscrit, grâce aux parlementaires, dans le texte de loi lui-même.

Un statut « d'établissement privé à but non lucratif concourant au service public » a été établi. Ce statut inscrit dans la loi de bonnes pratiques qui existaient déjà, en matière de diplômes et de contrats pluriannuels, et n'en ajoute aucune autre. Il permet surtout de protéger les diplômes et grades nationaux et de garantir les étudiants contre des pratiques abusives, révélées dans le cas Pessoa, à Béziers et Toulon. Je rappelle que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a porté plainte contre ces abus inacceptables, par la voie des deux recteurs concernés. L'instruction est en cours et l'affaire est entre les mains du tribunal correctionnel, ce qui prouve que nous avions bien raison de déposer ces plaintes.

Le Sénat a souhaité introduire davantage d'égalité entre les établissements regroupés par associations, et cette réécriture de l'article 38 sera de nature à faciliter la décision des universités ou des écoles au moment de choisir entre une intégration dans la communauté ou une simple association. Les dispositions concernant les régions ont été renforcées, notamment par leur association obligatoire au processus de contractualisation entre les regroupements de site et l'État. Le texte a été voté par le Sénat à une large majorité qui comprenait alors les écologistes et l'UDI, laissant en suspens quelques points décisifs.

Lors des travaux de la commission mixte paritaire, les représentants de l'Assemblée ont obtenu le rétablissement des articles supprimés au Sénat, ce qui redonne au texte sa cohérence d'ensemble. Que les députés en soient remerciés. Elle a rétabli les articles 25, 40 et 41 qui définissent notamment les modalités de l'élection du président du conseil d'administration et du conseil académique, en cohérence avec l'ensemble de l'article 38 réécrit et adopté au Sénat.

Pour éviter des tensions inutiles dans des gouvernances souvent sensibles, le président du conseil d'administration pourra soit présider lui-même le conseil académique, soit en proposer le président, que son conseil d'administration aura à valider.

Par ailleurs, deux décisions du Sénat, proposées par amendement, contre l'avis du Gouvernement, avaient immédiatement soulevé l'émotion des communautés universitaires : la suppression de la qualification préalable des candidats aux fonctions d'enseignant-chercheur et la régionalisation de l'examen classant pour l'internat de médecine. Ces deux propositions n'émanaient pas du groupe socialiste.

La commission mixte paritaire a fait preuve de sagesse en rétablissant dans le processus de recrutement des enseignants-chercheurs la qualification par le CNU. Elle a aussi rétabli le caractère national de l'examen classant pour l'internat de médecine, sachant que je me suis engagée à trouver des solutions plus efficaces pour remédier aux déserts médicaux constatés dans certains territoires, qui sont un vrai problème.

La commission mixte paritaire a également abouti à plusieurs équilibres, qui s'inscrivent dans les priorités du projet de loi.

Elle améliore l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, en prévoyant notamment des visas pluriannuels et un statut particulier pour les docteurs formés en France qui participent à la richesse culturelle de notre pays et à qui sera accordé un droit de visite permanent. Ces mesures seront complétées par un projet de loi porté dans les mois qui viennent par Manuel Valls, mais vous teniez, à juste titre, à affirmer dès le présent projet notre volonté d'ouvrir grand nos portes. C'était indispensable après l'infamante circulaire Guéant, même si nous l'avions supprimée. C'est ça aussi, la francophonie !

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