Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a un objet précis : l'arrêté, prévu à l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, par lequel le président du conseil général procède à l'admission d'un enfant en qualité de pupille de l'État.
Pour les parents de l'enfant ou les personnes présentant un lien avec lui qui demandent à assumer la charge de l'enfant, cet article ouvre une voie de recours contre l'arrêté, dans un délai de trente jours, devant le tribunal de grande instance.
Nous devons réexaminer cet article en raison d'une décision du Conseil constitutionnel prise sur le fondement d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Lors d'une affaire dans laquelle un recours avait été rejeté comme tardif, la requérante n'avait pas été mise à même de connaître le point de départ du délai qui lui était opposé.
L'article L. 224-8 ne prévoit en effet pas de mesure de publicité ou de notification de l'arrêté et ne fixe pas de point de départ du délai de recours. Ceci porte atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Il revient donc au législateur de mieux préciser les cas et les modalités de recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État.
C'est l'objet de l'article 1er du présent projet de loi.
Sont admis en qualité de pupilles de l'État des enfants que le service de l'aide sociale à l'enfance et des conseils généraux ont recueillis parce qu'ils se trouvent privés de liens familiaux : ils sont dans une situation d'abandon du fait de la volonté, de la carence ou de l'absence de leurs parents. L'admission en qualité de pupille de l'État leur apporte la sécurité d'une tutelle spécifique et rend possible leur adoption.
Or il est dans l'intérêt de l'enfant de s'assurer que les services de l'aide sociale à l'enfance tiennent pleinement compte des aides auxquelles il peut être fait appel dans l'environnement de l'enfant avant son admission comme pupille de l'État.
Le recours juridictionnel offre une possibilité supplémentaire de faire bénéficier l'enfant du maintien de liens familiaux, si le tribunal le juge conforme à son intérêt. Et le recours devant le juge constitue, en tout état de cause, un droit pour tout citoyen visé par une décision de l'administration.
Un recours spécifique a donc été institué par l'article 1er de la loi du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l'enfance, et au statut des pupilles de l'État. La compétence exclusive du recours a été attribuée au tribunal de grande instance dans l'intérêt de l'enfant.
De nombreuses dispositions figurant à l'article L. 224-8 dans sa rédaction actuelle ne sont pas remises en cause par la décision du Conseil constitutionnel, comme l'absence de publication générale de l'arrêté d'admission, la durée réduite à trente jours du délai de recours, ou le fait que le recours est subordonné à une demande d'assumer la charge de l'enfant.
Mais le Conseil constitutionnel a indiqué de façon précise que le législateur ne saurait s'abstenir – je cite – « de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l'enfant sont effectivement mises à même d'exercer ce recours ».
L'article 1er répond à cette exigence sans supprimer les spécificités du recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État. Il fait également figurer dans la loi des précisions nécessaires.
En premier lieu, l'article 1er permet d'établir sans conteste la distinction entre la phase de recueil de l'enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance et la phase d'admission en qualité de pupille de l'État.
À l'exception de l'admission immédiate des enfants confiés sur décision de justice, l'admission doit être réalisée en deux étapes. Pendant une période transitoire de deux mois ou de six mois, selon les cas, l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État ne saurait être pris. Or il semble que certains départements prennent parfois un arrêté d'admission dès la phase de recueil de l'enfant, non un simple procès-verbal de déclaration provisoire.
L'article 1er précise les titulaires d'un droit au recours. La plupart d'entre eux sont déjà expressément mentionnés dans la rédaction actuelle, tels les parents de l'enfant ou toute personne ayant assuré sa garde de droit ou de fait.
La rédaction est améliorée pour ce qui concerne les « membres de la famille de l'enfant » et la qualité pour agir est accordée expressément au « père de naissance » et aux « membres de la famille de la mère ou du père de naissance » dans les cas où la filiation est inconnue. Elle l'est déjà par la jurisprudence et cette disposition ne porte pas atteinte au secret protégé par la loi qui autorise la mère à effectuer un accouchement « sous X ».
L'article 1er satisfait l'obligation, énoncée par le Conseil constitutionnel, de notification aux « personnes qui présentent un lien plus étroit avec l'enfant ». Il s'agira des personnes ayant qualité pour agir qui, avant la date de l'arrêté, ont manifesté un intérêt pour l'enfant auprès du service de l'aide sociale à l'enfance.
Ainsi, la loi assigne aux conseils généraux une obligation nouvelle de notification, mais en prenant bien soin de ne pas la rendre impossible à satisfaire : l'arrêté ne devra être notifié qu'à des personnes qu'il sera aisé d'identifier.
Ceci est en outre dans l'intérêt de l'enfant : à court terme, la notification ouvrira le délai de recours et permettra de stabiliser au plus vite la situation juridique du pupille. À long terme, le jeune adulte, ancien pupille de l'État, qu'il ait été adopté ou non, ne sera pas confronté à la situation, douloureuse et encore trop fréquente, de découvrir dans son dossier que des demandes émanant de tiers qui ont manifesté un intérêt pour lui sont restées sans réponse.
L'article 1er prévoit expressément que la date de réception de la notification constitue le point de départ du délai de trente jours au terme duquel le délai de recours est expiré.
Il en résulte a contrario une absence de délai de recours pour les personnes ayant un intérêt à agir et auxquelles l'arrêté n'a pas été notifié, qu'elles aient été éligibles ou non à une telle notification.
Ce recours restera cependant bien privé d'effet en cas de placement de l'enfant en vue de l'adoption, car celui-ci met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine et fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance, conformément à l'article 352 du code civil.
Mes chers collègues, il me semble que nous pouvons tous nous accorder sur ce texte qui vise à sécuriser les modalités d'admission en qualité de pupille de l'État. Je me félicite d'ailleurs de l'adoption unanime de ces articles en commission des affaires sociales et j'en remercie l'ensemble des commissaires.
Ces enfants sans famille doivent bénéficier d'une situation stable, soit en tant que pupilles de l'État, avec un statut protecteur qui leur permettra, le cas échéant, d'être adoptés, soit en étant confiés, sur décision du juge, à la personne qui a introduit utilement un recours.