Intervention de Sylviane Bulteau

Séance en hémicycle du 9 juillet 2013 à 15h00
Admission en qualité de pupille de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylviane Bulteau :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente Lemorton, madame la rapporteure, chers collègues, le statut de pupille de l'État a été créé dans un souci de protection de l'enfant et concerne des enfants sans filiation établie, remis par leurs parents ou l'un d'eux au service de l'aide sociale à l'enfance, orphelins ou admis à la suite d'une décision judiciaire, de retrait d'autorité parentale ou les déclarant judiciairement abandonnés.

Ce statut permet de prendre en charge ces enfants qui n'ont pas ou plus de famille susceptible d'en assumer la charge et, notamment, de garantir leur droit à une vie familiale, en les plaçant aux fins d'adoption.

Une réforme de la législation dans ce domaine était impérative, compte tenu du flou induit par des textes complexes aboutissant à une application peu rigoureuse de la loi et à des négligences quant à l'intérêt même de l'enfant.

En effet, alors qu'une procédure précise est définie par les textes actuels, les conseils généraux appliquent la loi avec souplesse et adoptent des pratiques divergentes.

De surcroît, l'absence de fondement légal de certaines dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives à l'admission d'enfants en qualité de pupille de l'État rend une révision des textes nécessaire et incontournable.

Dans sa décision du 27 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a en effet considéré que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 224-8 ne permettaient pas aux personnes ayant qualité pour ce faire d'exercer pleinement leur droit de recours juridictionnel contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions, en ne prévoyant aucune notification obligatoire de l'arrêté d'admission aux personnes ayant un lien de proximité avec l'enfant, n'établissaient pas les conditions propres à exercer un recours juridictionnel effectif et, par conséquent, qu'elles étaient contraires à la Constitution.

Ce projet de loi vise donc à remédier à l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles en rétablissant la possibilité d'un recours effectif contre un arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État. Il a également pour objet d'apporter des éclaircissements importants quant aux modalités de la procédure d'admission et quant aux personnes jugées capables de s'opposer à l'admission d'un enfant en tant que pupille de l'État. En cela, il cherche à concilier le droit des proches à exercer un recours et l'intérêt même de l'enfant, notamment son droit à une vie familiale et à une situation stable à partir de laquelle il puisse se construire.

La proximité affective est mieux prise en compte dans la définition des personnes ayant qualité pour agir contre l'arrêté d'admission – en dehors des situations où la remise de l'enfant résulte d'une décision judiciaire – et dont la liste n'est pas limitative. L'ouverture du recours aux parents de l'enfant, aux membres de la famille de l'enfant, au père de naissance et aux membres de la famille de la mère ou du père de naissance dans la situation d'une naissance sous X, et à toute personne ayant assuré la garde de l'enfant, de droit ou de fait, fait ainsi reposer le lien de proximité avec l'enfant soit sur un lien de parenté, soit sur sa prise en charge. Faciliter l'accès au recours au père de naissance ainsi qu'aux membres de la famille de la mère ou du père de naissance de l'enfant né sous X ou sans filiation déclarée à l'état civil permet de valoriser le droit de ces personnes à reconnaître et à élever l'enfant.

Ce projet de loi apporte plus de clarté quant à la procédure d'admission de l'enfant en tant que pupille de l'État, ce qui permettra une harmonisation des pratiques aujourd'hui divergentes des conseils généraux et, au-delà du respect formel de la loi, un plus grand respect de l'intérêt de l'enfant. En effet, le respect strict des différentes phases d'admission et des délais de recours pour les admissions autres que celles faisant suite à une décision judiciaire permettra de préserver au mieux le lien de proximité qui peut exister au sein de la famille de l'enfant ou entre ses proches en leur donnant le temps et l'opportunité réelle de revendiquer leur lien avec l'enfant.

L'instauration d'une obligation de notification de l'arrêté aux seules personnes qualifiées pour émettre un recours et qui auront manifesté un intérêt pour l'enfant auprès du service de l'aide sociale à l'enfance avant la date de prise de l'arrêté – ces personnes étant ainsi connus des services de l'ASE – répond à un tel souci. Il lève ainsi l'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel.

La nouvelle législation s'efforce encore de maintenir et de conserver le mieux possible les attaches affectives ou liens de proximité avec l'enfant en supprimant le délai de recours pour les personnes auxquelles l'admission de l'enfant en tant que pupille de l'État n'aurait pas été notifiée, écartant ainsi la menace d'irrecevabilité du recours déposé hors délais.

En définitive, une telle réforme témoigne de la volonté du législateur de renforcer la protection des enfants admis en tant que pupilles de l'État en leur apportant plus de sécurité juridique. Cette nouvelle loi permettra de clarifier la procédure d'admission, sans impact financier, et de créer les meilleures conditions possibles pour que cette situation instable et parfois difficilement vécue par l'enfant soit résolue avec humanité et le plus rapidement possible dans l'intérêt même de ce dernier.

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