Intervention de Sébastien Denaja

Réunion du 9 juillet 2013 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Au préalable, je voudrais dire combien il est difficile de mener un travail parlementaire satisfaisant dans des délais aussi serrés. Comme vous, monsieur le président, je regrette qu'il soit accordé si peu de considération au travail parlementaire et, in fine, au droit que nous sommes censés élaborer.

Sur le fond, ce texte était en cohérence avec le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui défendait une conception indépendante de la justice, à l'opposé de la position traditionnelle de la droite, qui considère comme normale la soumission de la justice au pouvoir politique. Je déplore que le Sénat n'ait pas voté cette réforme dans des termes proches de ceux de l'Assemblée nationale. Son report est un mauvais coup porté à l'institution judiciaire, à son indépendance et, plus généralement, à la démocratie. Une fois de plus, la Haute assemblée semble être le théâtre d'une basse politique.

Je considère cependant que le présent texte possède une cohérence propre et mérite d'être voté, moyennant les modifications que nous y apporterons en deuxième lecture.

Il est en effet indispensable de modifier plusieurs points de ce projet de loi, d'abord en consacrant l'interdiction, pour le ministre de la Justice, de donner des instructions au parquet dans des affaires individuelles. Nous constatons, chaque jour, le flot incessant de ces affaires que la justice doit pouvoir traiter avec sérénité et sans faire l'objet d'une pression quelconque de la part du pouvoir politique. Il est vital que les Français retrouvent confiance dans leur justice à cet égard.

Il convient également de clarifier la définition de la politique pénale. En 2011, les tribunaux recevaient près d'une circulaire générale de politique pénale tous les trois jours. Une telle frénésie n'incite pas à la sérénité dans l'administration de la justice !

Bref, nous devons revenir aux fondamentaux d'une politique déterminée par le garde de Sceaux et appliquée par les parquets dans le sens de l'intérêt général.

Il faut aussi oeuvrer à la sécurisation de notre droit vis-à-vis des règles européennes. Il suffit de relire l'arrêt Medvedyev rendu par la Cour européenne des droits de l'homme en 2010, pour comprendre qu'une grande partie de nos procédures judiciaires pourraient être mises en péril, si nous ne précisons pas la place du parquet comme entité hiérarchisée, certes, mais exempte de toutes pressions dans les affaires individuelles.

Je rejoins le rapporteur sur la nécessité de travailler à la transparence et à la publicité des instructions générales, même si je ne souscris pas aux dérogations à la publicité que prévoit son amendement CL 1.

Notre assemblée doit également revenir sur la nécessaire information du Parlement. Je ne partage pas les craintes constitutionnelles émises par le Sénat. L'instauration d'un débat annuel au Parlement sur la politique pénale de notre pays serait une marque importante de transparence vis-à-vis de nos concitoyens.

Le Sénat apporte souvent d'utiles précisions légistiques et des amendements de sagesse, mais il a procédé, en l'espèce, à un écrémage complet du texte que nous avons voté en première lecture. Nous ne pouvons évidemment pas nous en satisfaire. Il est de notre responsabilité de parlementaires et de législateurs de rétablir le texte dans l'équilibre que nous avions trouvé à l'issue de la première lecture. Au nom du groupe SRC, je réaffirme donc notre attachement à une définition claire de la politique pénale générale, à la transparence et au respect de l'intérêt général, à une évaluation des politiques ressort par ressort. Nous soutiendrons plusieurs des amendements déposés par le rapporteur en ce sens.

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