Intervention de Georges Fenech

Réunion du 9 juillet 2013 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

Il est un peu agaçant, je le dis sans agressivité, d'entendre les représentants de la majorité donner sans cesse des leçons de morale. L'expression de « basse politique », appliquée à la Haute assemblée, ne laisse pas de me choquer. Toutes les opinions sont respectables : celles de l'opposition méritent, comme les autres, d'être considérées sans encourir la suspicion de protéger je ne sais quels intérêts.

Le titre de procureur de la République marque bien que celle-ci est une et indivisible. Comment, de ce point de vue, entendez-vous assurer l'égalité des justiciables face à des procureurs qui, s'agissant de l'opportunité des poursuites, n'auront plus de comptes à rendre qu'à eux-mêmes ? Ils deviendront plutôt des roitelets de la République ayant le pouvoir de décider, chacun dans son ressort, de la politique pénale, puisque les circulaires générales ne sont pas juridiquement contraignantes. L'article 20 de la Constitution dispose pourtant que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », dont la politique pénale est un volet essentiel. Quelle légitimité le procureur de la République aurait-il pour en décider ? La seule légitimité que je connaisse est celle que l'on tire du suffrage universel : responsable de la politique pénale, le garde des Sceaux doit avoir la possibilité d'adresser au parquet des instructions individuelles écrites et versées au dossier – comme l'avait voulu la réforme « Méhaignerie » – afin d'harmoniser l'action publique sur l'ensemble du territoire.

La majorité, avec ce texte comme avec d'autres, ne cesse de jeter la suspicion. En quoi le garde des Sceaux serait-il suspect d'exprimer, en toute transparence, le point de vue du Gouvernement de la nation ? Au demeurant, la suppression des instructions individuelles écrites n'empêchera jamais les appels téléphoniques ou les rencontres dans les couloirs de la chancellerie et des parquets généraux, d'autant que le garde des Sceaux conserve un pouvoir de proposition pour la nomination de ces magistrats, même si elle requiert l'avis conforme du CSM.

L'article 30 du code de procédure pénale, je le rappelle, dispose que le garde des Sceaux peut donner des instructions de poursuite, mais non de classement. Les instructions individuelles, qui sont et doivent rester rarissimes, peuvent s'avérer utiles, par exemple lors de conflits syndicaux sans lien avec la situation particulière du ressort et susceptibles de troubler l'ordre public. Comment entendez-vous, après les avoir supprimées, assurer l'égalité des justiciables sur l'ensemble du territoire ?

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