Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 2 juillet 2013 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Nous souhaitons renforcer notre partenariat avec la Pologne et nous avons entrepris depuis un an avec ce pays des relations de rapprochement très significatives. À titre d'exemple, depuis septembre dernier, j'ai rencontré mon collègue polonais six fois, ce qui est plus que mes collègues allemand ou britannique. Même si cela ne s'est pas encore manifesté par des projets, il y a une série d'échanges notamment bilatéraux qui paraissent très prometteurs. Les Polonais manifestent une volonté capacitaire en matière d'hélicoptères. Nous sommes également en pourparlers en matière de sous-marins, mais en concurrence avec l'Allemagne. Sans que ce soit de la coopération, nous sommes dans une phase de rapprochement politique et stratégique.

Dans le domaine de la coopération, la Pologne s'interroge positivement sur son éventuelle entrée à l'OCCAR. Ce pays envisage également de solliciter l'Agence européenne de Défense (AED) pour la définition et éventuellement ensuite le partage des avions ravitailleurs. Il y a également avec la Pologne un champ de coopération potentiel en matière de défense sol-air qui s'inscrit dans un programme de modernisation des forces armées très ambitieux. La Pologne est l'un des rares pays à augmenter de manière significative son budget de la défense. Nous avons avec cet État des relations étroites qui devraient se traduire, je pense rapidement, par des décisions fortes. Toute aide de la part de la diplomatie parlementaire sera bienvenue.

La chaîne entre l'OCCAR et l'Agence européenne de défense s'amorce. Mais l'AED est handicapée par la modicité de ses moyens. En effet, les Britanniques refusent toute hausse de son budget, même pour compenser les effets de l'inflation. L'Agence joue pourtant son rôle sur la définition des concepts, des projets et des modèles de mutualisation. Ainsi, elle travaille à l'élaboration conceptuelle en matière de surveillance maritime ou de lutte contre les engins explosifs improvisés (IED). Le processus aboutit ensuite à la conceptualisation d'un projet qui peut être présenté à l'OCCAR. La différence majeure entre ces deux structures réside dans le fait que l'AED regroupe les futurs utilisateurs alors que l'OCCAR rassemble les futurs producteurs. Et il peut parfois y avoir contradiction entre les deux. Les grands pays producteurs d'armements participent à l'OCCAR, alors que l'AED compte quasiment tous les pays donc ceux ne disposant pas d'industrie d'armement. Il est donc nécessaire de créer la bonne articulation entre les deux outils, ce qui suppose un volontarisme fort.

La décision que j'ai prise d'inscrire dans le projet de loi de programmation militaire le missile anti-navire léger (ANL) répond d'abord à une préoccupation politique. En effet, les accords de Lancaster House prévoyaient des coopérations dans plusieurs domaines, y compris nucléaire ; cela se met en oeuvre. Dans le domaine des capacités classiques, le projet qui devait aboutir à l'intégration de MBDA UK et de MBDA France nécessitait une mutualisation des potentialités de chacune des entités pour constituer One MBDA. Cela nous a conduits à accélérer la mise en oeuvre d'un programme de missile anti-navire léger. Il s'agit d'un armement qui s'installe sous hélicoptère et peut être utilisé dans la lutte contre la piraterie contre des embarcations de taille moyenne. Bien qu'étant moins pressés que nos alliés, nous avons voulu montrer notre attachement à la coopération franco-britannique en réalisant un acte politique et en incluant ce programme dans l'accord de Lancaster House. À charge de revanche. Dans la lutte contre les mines mise en oeuvre par drone naval et inscrite dans ce même accord, nous attendons un acte de la part de notre partenaire britannique.

Nous avançons également en matière capacitaire : nous menons chaque année entre nos deux pays un exercice important dans ce domaine et nous prévoyons, en 2016, la constitution d'un corps expéditionnaire conjoint. Nous effectuons également des exercices maritimes, terrestres et aériens. Cette collaboration se déroule bien et n'est pas contradictoire avec la coopération que nous menons avec les Allemands ou les Polonais.

En matière de drone, je considère que les actes que nous avons posés en juillet dernier avec les Britanniques sont anticipateurs de ce qui pourra se produire demain pour une vraie collaboration dans cette nouvelle capacité qui est essentielle à notre sécurité.

En ce qui concerne le NH 90, sans doute avez-vous raison : lorsqu'un programme est trop diversifié, cela peut induire du retard et des aléas techniques. C'est l'inconvénient d'engager un programme d'armement qui ne correspond pas à des principes simples, à commencer par une homogénéité de calendrier et de demande capacitaire. Je considère que les pays désireux de participer à un programme déjà engagé doivent se plier aux spécificités qui ont été retenues. Si l'on multiplie les variantes, cela entraîne des retards et, inévitablement, des surcoûts.

Dans l'immédiat, à l'exception des drones, il n'y a pas d'apparition de nouveaux programmes capacitaires. Dans la loi de programmation qui sera soumise au Parlement, je vais donc poursuivre les engagements de mes prédécesseurs dont certains remontent à plusieurs décennies (Tigre, NH 90, A 400 M). En revanche, s'ouvrent à nous et à nos partenaires d'importantes possibilités de mutualisation capacitaires en matière de ravitaillement en vol, de transport ou de communications satellitaires. Dans les autres domaines, un travail prospectif reste à faire dès maintenant, sous peine d'aboutir ultérieurement à une concurrence intra-européenne suicidaire, dans l'aéronautique par exemple. Dans les domaines naval ou terrestre, les champs de coopération sont quasiment vierges.

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