Intervention de Marc Le Fur

Réunion du 3 octobre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur :

Je suis heureux et très honoré de vous présenter cette proposition de loi qui, bien que restreinte, pourrait nous amener à évoquer des sujets majeurs. L'objectif est d'étendre aux services la mention « made in France » qui ne s'applique actuellement qu'aux biens, pour assurer une parfaite transparence en matière de délocalisation.

Les centres d'appels ne représentent pas une branche professionnelle précise, pourtant ils emploient 275 000 personnes en France, dont 25 % dans des entreprises de services. Les trois quarts de ces centres sont internes à une entreprise. Le dernier quart, externalisé, emploie près de 70 000 personnes en France et l'on estime par ailleurs à 60 000 le nombre de salariés qui travaillent à l'étranger pour des entreprises françaises gestionnaires de centres d'appels.

À titre de comparaison, le nombre de personnes travaillant dans de tels centres est deux fois plus important en Allemagne et trois fois plus en Angleterre, où il est même estimé à près d'un million.

Les centres d'appel offshore permettent de délocaliser les appels dans des pays étrangers, principalement le Maroc, la Tunisie, la Roumanie, l'Ile Maurice, et plus récemment le Portugal et l'Espagne. La généralisation de cette pratique s'explique par le coût deux à trois fois moins élevé de la main-d'oeuvre dans ces pays et la souplesse de la réglementation relative au temps de travail qui permet à ces centres d'appels de fonctionner la nuit et le week end.

La délocalisation a en outre des raisons spécifiques dont la plus inquiétante est l'absence de toute protection matérielle. D'une part, la main d'oeuvre représente 90 % du coût d'un centre d'appels ; d'autre part, ce secteur ne bénéficie pas des protections qui existent pour l'achat de biens, comme par exemple le coût et le délai de transport.

Les entreprises implantées à l'étranger sont des entreprises françaises qui, nées en France, ont été délocalisées après des arbitrages avec leurs donneurs d'ordre.

Ce secteur s'est développé essentiellement dans le domaine de la téléphonie mobile, qui a créé le besoin et le modèle, et a même généré la délocalisation. Il est à craindre que, pour faire face à l'arrivée du quatrième opérateur, les opérateurs de téléphonie ne soient dans l'obligation de faire appel à une main-d'oeuvre meilleur marché à l'étranger.

Autre raison qui explique le développement de la délocalisation : nous vivons en France dans la logique, d'ailleurs renforcée par la loi, de la gratuité et du service compris, et cette logique conduit les entreprises à pratiquer des coûts de plus en plus bas.

Ce secteur risque d'atteindre son niveau de développement maximum, car les gens passent maintenant plutôt par internet, ce qui pose d'autres problèmes de délocalisations. La SNCF, par exemple, recourt à des services informatiques implantés à l'étranger. En outre, on assiste à un phénomène nouveau : c'est maintenant une communauté qui répond. Free et Apple ont ainsi ouvert des forums permettant aux usagers de dialoguer entre eux.

Le risque de voir les délocalisations s'étendre est considérable. Il me semble donc indispensable de prendre des mesures de protection. D'autant que la délocalisation est l'affaire non seulement des entreprises, mais également des services publics. Notre pays a été traumatisé par l'affaire du STIF, service public de la région Ile-de-France, qui a entrepris au début de l'été de délocaliser des services d'appels situés en Moselle et en Vendée pour les confier à une entreprise assurant l'essentiel de ses services au Maroc.

Nos grands services publics font encore appel à des services localisés en France, mais qu'en sera-t-il demain dès lors qu'ils seront soumis à d'importantes contraintes de coût ? Comment réagiront les grands utilisateurs de contacts téléphoniques que sont Pôle Emploi ou l'URSSAF ?

Face à ce problème, les pouvoirs publics ont répondu sous forme d'accords cadres, de labels de responsabilité sociale, d'exigences de qualité destinées à conforter les entreprises françaises – la liste Pacitel est destinée à protéger le consommateur contre le démarchage téléphonique abusif – au détriment d'une réponse normative ou d'une interdiction.

Ce que je vous propose dans ce texte, ce n'est pas d'instaurer un droit de douane ou une interdiction. Il s'agit simplement de faire en sorte que les usagers aient connaissance, dans le message délivré par le répondeur téléphonique, de la localisation du centre d'appels. Il ne s'agit nullement de stigmatiser qui que ce soit.

Ce texte à l'ambition limitée pose la question de la menace de délocalisation qui pèse sur certains services et vise à promouvoir la transparence à destination du consommateur pour que puisse jouer le patriotisme économique prôné par le Gouvernement.

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