Intervention de Corinne Erhel

Réunion du 3 octobre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Erhel :

Monsieur le rapporteur, dans le contexte économique actuel, nous partageons naturellement votre ambition de favoriser la création d'emplois. Néanmoins, nous décelons un paradoxe dans votre démarche. Certes, votre proposition de loi est censée favoriser la création d'emplois et éviter les délocalisations, voire inciter à des relocalisations, mais son principal objectif étant de rendre l'information plus transparente, vous vous placez uniquement sous l'angle des consommateurs, et non sous celui de l'emploi.

En outre, malgré un affichage ambitieux, vous ne proposez aucune mesure contraignante ou incitative sur le plan économique ou fiscal, aucune disposition visant à améliorer la régulation de secteurs qui ont recours à ces services dans le cadre de la gestion de leurs clients.

En réalité, ce texte qui se voudrait consensuel soulève un certain nombre de problèmes. D'après l'exposé des motifs, la mauvaise maîtrise de la langue française par certains interlocuteurs à l'étranger serait l'une des raisons ayant motivé le dépôt de cette proposition de loi, ce qui me paraît ambiguë.

Par ailleurs, le mécanisme que vous proposez pourrait détériorer la relation avec le client ex ante puisque le consommateur n'aura pas le choix de raccrocher lorsqu'il entendra l'annonce. Le texte ne permet pas non plus de prendre en compte l'évolution du secteur de la relation client – d'autres canaux sont maintenant utilisés. Surtout, vous occultez le fait que le secteur des télécommunications est concerné à hauteur de 60 % par ces centres d'appel, ce qui explique ces délocalisations de services.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? La première raison en est la dérégulation du secteur au cours des dix dernières années et l'arrivée d'un quatrième opérateur de téléphonie mobile. Je vous renvoie aux nombreux débats que nous avons eus en séance publique depuis 2009. À l'époque, un certain nombre de députés du groupe socialiste avaient demandé au Gouvernement s'il était prudent de permettre l'arrivée d'un nouvel opérateur sans avoir réalisé la moindre étude d'impact sur l'emploi. Nous en subissons aujourd'hui les conséquences car lorsque les prix de la téléphonie baissent, les marges des opérateurs diminuent, ce qui se traduit par une réduction des coûts pour l'ensemble des prestataires, tant ceux chargés des relations client que les équipementiers.

Votre proposition de loi nous invite certes à nous interroger sur l'évolution de la relation client, mais elle met en lumière les errements de la majorité de l'époque. Elle n'apporte aucun élément nouveau sur la façon d'aborder les phénomènes du low cost et du low price. Comment faites-vous, concrètement, pour relocaliser les emplois perdus ou empêcher que d'autres partent à l'étranger ? Enfin, vous ne répondez pas à la question de la régulation dans ces secteurs stratégiques. Sur ce point, nous devons réfléchir en termes de filière.

Toutes les éléments que je viens d'évoquer seront examinés dans le cadre de la mission d'information sur les coûts de production en France, présidée par Bernard Accoyer et dont le rapporteur est Daniel Goldberg. Le rapport sur la compétitivité qui sera remis au Premier ministre par Louis Gallois préconisera aussi certaines mesures. L'ensemble de ces propositions doit faire l'objet d'un débat. La question de la délocalisation des centres d'appels doit en effet être traitée dans le cadre global de l'économie de la filière, et non sous le seul angle du consommateur. Il faut légiférer de façon efficace pour arrêter les délocalisations et éviter qu'elles ne se reproduisent. Ce texte ne permettra pas d'atteindre cet objectif, c'est pourquoi nous ne le soutiendrons pas.

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