Ce projet de loi arrive à point nommé : les territoires d'outre-mer ont été plus durement frappés que l'Hexagone par la crise économique ; ils sont secoués depuis 2009 par des revendications sociales fortes, et les résultats des dernières élections présidentielle et législatives ont suscité un vif espoir. Les « Trente engagements pour les outre-mer » du candidat François Hollande ont témoigné de sa ferme volonté d'inscrire durablement les collectivités ultramarines dans la République, loin des stigmatisations et des préjugés dont elles souffrent trop souvent. Votre rapporteure ne peut que se réjouir de voir le chef de l'État tenir dès aujourd'hui ses promesses.
Le présent texte répond à l'urgence ressentie sur nos territoires face à la vie chère – thème qui a déjà occupé cette Commission sous la précédente législature, notamment à propos des carburants –, et il va doter les pouvoirs publics d'armes efficaces contre ce phénomène. Il opère un changement profond, en abandonnant les ressorts habituels de l'action publique, centrés sur l'encadrement systématique des prix de détail, au profit d'outils novateurs permettant de modifier les processus de formation des prix. En somme, l'amont sera privilégié sur l'aval.
Je limiterai mon exposé aux dispositions qui me paraissent les plus importantes.
Le projet de loi vise à réguler la vie économique outre-mer. Cette régulation revêt deux aspects. Il s'agit d'abord d'agir sur l'environnement concurrentiel qui s'attache à la formation des prix. Cela passe par la lutte contre les dysfonctionnements des marchés de gros, objet de l'article 1er, et par l'interdiction des exclusivités d'importation, comme y tend l'article 2.
Il convient aussi d'agir sur le fonctionnement actuel des marchés. Pour ce faire, l'article 4 permet de mieux encadrer les opérations de concentration. L'article 5, quant à lui, renforce notablement les attributions de l'Autorité de la concurrence en la dotant d'un nouveau pouvoir d'injonction structurelle, qui lui permettrait de remettre en cause les situations acquises afin de protéger les intérêts des consommateurs.
Par ailleurs, je me réjouis de l'introduction au Sénat d'un bouclier « qualité-prix » destiné à protéger nos concitoyens de hausses continues de prix affectant certains produits de consommation courante. En attendant que les mesures structurelles portent leurs fruits, il était en effet essentiel de répondre à l'urgence ; c'est même une condition nécessaire à la réussite des réformes de fond. La mise en oeuvre d'un tel bouclier était un engagement du Président de la République ; elle pose le principe d'une négociation annuelle devant aboutir à un accord de modération des prix pour une liste de produits de consommation courante. En cas d'échec, le représentant de l'État pourra lui-même fixer, par arrêté, un niveau de prix. Cependant, si, comme je l'ai dit, je me félicite de cette mesure, j'en proposerai une nouvelle rédaction afin de clarifier le dispositif.
Je souhaite d'autre part appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le sujet essentiel des observatoires des prix et des revenus (OPR). Mis en place dix ans après leur création par le législateur, ces organismes n'ont malheureusement ni les moyens humains, ni les moyens financiers de mener à bien les missions qui leur sont confiées. Ils souffrent en outre d'un manque de visibilité en raison de dispositifs juridiques éclatés. Je proposerai donc un amendement pour renforcer leur rôle et mieux consacrer leur existence dans le code de commerce. Toutefois, l'initiative parlementaire est bien faible au regard des règles de l'irrecevabilité financière : il nous est impossible de doter ces OPR de davantage de moyens, tant humains que financiers. Aussi je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de soutenir mon initiative, partagée, je pense, par les parlementaires de tous bords.
Bien entendu, ce texte ne suffira pas à répondre à l'ensemble des enjeux auxquels nos territoires sont confrontés : il ne s'agit que d'une première étape.
Pouvez-vous enfin, monsieur le ministre, nous donner de plus amples informations sur le calendrier et sur les modalités d'organisation de la Conférence économique et sociale de l'outre-mer ?
Ce projet de loi engage le processus législatif en faveur des outre-mer, qui ne demandent pas à bénéficier d'un statut privilégié mais seulement d'évoluer dans un cadre juridique adapté à leurs difficultés structurelles, afin de tendre vers un développement dynamique et harmonieux.