Intervention de Philippe Gomes

Réunion du 2 octobre 2012 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Je félicite le ministre des outre-mer et le Gouvernement d'avoir déposé ce projet de loi afin de s'attaquer au « noyau dur » de la cherté de la vie outre-mer. Les facteurs économiques de cette cherté sont les mêmes quel que soit le territoire observé, que l'on se trouve dans le Pacifique, aux Antilles ou ailleurs : on a affaire à des micromarchés, à une clientèle captive, à une faible production locale, à un éloignement des sources d'approvisionnement et à une concentration locale des acteurs, souvent constitués en duopoles ou en monopoles. Le mélange de ces ingrédients sur un territoire donné aboutit à des niveaux de prix de 50 à 100 % plus élevés qu'en métropole.

Une enquête de l'UFC-Que Choisir a ainsi démontré que les prix moyens étaient deux fois plus élevés en Nouvelle-Calédonie que dans l'Hexagone. De même, une enquête réalisée en 2008 dans une cinquantaine de pays développés a conclu que le Big Mac calédonien venait au cinquième rang des Big Mac les plus chers de la planète, le Big Mac polynésien suivant immédiatement. Or ce produit combine tous les éléments qui nous intéressent en termes de formation des prix : c'est en effet un produit à la fois manufacturé, utilisant des produits agricoles, et supportant tout un ensemble de sujétions connexes, qu'il s'agisse du fret, de l'acconage, de l'organisation de l'immobilier commercial ou du coût de l'énergie..

Ces prix seraient peut-être acceptables si le niveau de vie était exceptionnellement élevé dans ces territoires, mais ce n'est pas le cas : 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, qui s'établit à 600 euros par mois en Nouvelle-Calédonie, alors que le salaire minimum brut est de 1 250 euros. Cela signifie qu'une partie de la population est frappée de plein fouet par la cherté de la vie. Si les choses ne se passent pas plus mal encore, on le doit à la persistance, dans ces sociétés où le collectif prime encore sur l'individu, de solidarités traditionnelles qui font fonction d'amortisseur social.

La population de Nouvelle-Calédonie a pourtant fini par manifester son mécontentement. Une intersyndicale « vie chère » s'est créée et a obtenu des pouvoirs publics la signature, il y a quelques mois, d'accords économiques et sociaux prévoyant des mesures de lutte contre la cherté de la vie. Au nombre de ces mesures figurent l'adoption d'une loi antitrust et l'institution d'un « gendarme » chargé de veiller à l'application de la loi, en l'occurrence une autorité locale de la concurrence disposant d'un pouvoir autonome d'enquête et de sanction, et indépendante des lobbies politiques et économiques, qui bien souvent s'interpénètrent dans nos îles. J'espère que le comité des signataires de l'accord de Nouméa prendra l'initiative, à la fin de l'année, de modifier la loi organique afin que prenne corps cette autorité locale de la concurrence.

Le rapport de l'Autorité de la concurrence, évoqué par M. le ministre, est effectivement extrêmement instructif en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie. On y apprend que, rapportées à l'assiette métropolitaine, les marges réalisées par les commerces de détail comme par les importateurs grossistes sont de 30 à 50 % supérieures à ce qu'elles sont en métropole. L'une des mesures préconisées par l'Autorité de la concurrence pour remédier à cette situation, que je vous proposerai d'inscrire dans ce texte, consiste à mettre sous surveillance les entreprises qui dépassent 30 % de parts de marché dans la zone de chalandise. Je crois en effet que nous avons le devoir de réfléchir, dans le respect du principe constitutionnel de liberté du commerce et de l'industrie, aux moyens de renforcer les armes prévues par ce projet de loi pour revivifier la concurrence là où elle tend à se réduire comme peau de chagrin. Si, dans cinq à dix ans – c'est le temps nécessaire pour qu'une telle réforme structurelle porte ses fruits –, on constate une réduction du coût de la vie outre-mer, c'est à cette loi que nous le devrons.

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