Intervention de Marie-Béatrice Levaux

Réunion du 25 juin 2013 à 17h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marie-Béatrice Levaux :

Mesdames, je suis en effet présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France. Je suis également membre du Conseil économique, social et environnemental, dans la section « travail et emploi », laquelle mène actuellement une étude sur le temps partiel en France. Je suis enfin membre du Conseil d'orientation pour l'emploi. Les sujets que vous avez évoqués sont mon quotidien depuis de très nombreuses années. Ils me tiennent particulièrement à coeur en tant que présidente de la FEPEM et représentante de la société civile. Je suis donc ravie de pouvoir vous en parler.

La Fédération des particuliers employeurs de France représente les particuliers qui emploient à domicile leurs salariés. Ils sont aujourd'hui 3,6 millions et emploient 1,7 million de salariés. Ce secteur génère à lui seul près de 11 milliards d'euros de salaires versés tous les ans par ces particuliers, et quelque 6 millions d'euros de cotisations qui sont reportées dans les caisses de l'État – pour accompagner la mise en oeuvre des obligations légales, salariales et patronales. Il est aujourd'hui prioritaire dans les services à la personne, en ce sens que ce modèle d'emploi entre particuliers est celui qui est utilisé majoritairement par les ménages et les familles pour répondre à leurs besoins de vie. Nous parlons d'ailleurs d'« emplois de la famille et des ménages », et non de « services à la personne ».

Le secteur des emplois de la famille et des ménages répond donc aux besoins de vie de nos concitoyens. Ces besoins de vie sont nécessairement encadrés par leurs obligations de conciliation de vie. Pour les jeunes actifs, c'est d'abord la garde des enfants. Aujourd'hui, 1,1 million de parents emploient une assistante maternelle ou une garde d'enfant – 339 000 assistantes maternelles et 103 000 gardes d'enfant. Mais l'accompagnement des personnes vieillissantes à domicile est également un volet important de notre activité, puisqu'il concerne près d'1,1 million de personnes âgées de plus de soixante ans, et va jusqu'à l'accompagnement de la grande dépendance à domicile. Enfin, entre la petite enfance et les personnes âgées, il y a toutes les activités dites « de conciliation » : accompagnement ménager, jardinage, soutien scolaire, etc.

Tout cet environnement finit par créer un emploi à partir d'un besoin de vie. Dans l'emploi direct entre particuliers, le ménage qui crée un emploi le fait pour répondre à ce besoin de vie. Mais il ne peut pas utiliser cet emploi pour créer un profit. Il ne peut pas revendre sa main-d'oeuvre, ce qui constitue un premier élément de la singularité de notre secteur.

J'observe que c'est surtout pour les femmes que ces emplois constituent un enjeu important. Dans notre secteur, ce sont essentiellement des femmes qui emploient des femmes. Ces femmes employeurs décident de l'orientation du budget familial, dont elles flèchent une partie vers la création d'un emploi déclaré – les chiffres que je vous ai donnés portant, évidemment, sur des emplois déclarés. Cela constitue un autre élément de singularité dans le champ des services à la personne.

Évidemment, nous ne créons pas d'emplois à temps plein. Il est très rare que des familles en aient besoin, sauf aux deux limites de la vie : la toute petite enfance et la grande dépendance. Certaines activités auprès de personnes en situation de handicap se font 24 heures sur 24 et sont assurées par plusieurs salariés. Je note enfin que le nombre des particuliers employeurs en situation de handicap à domicile est en augmentation. Vous trouverez les chiffres dans les rapports de branche qui viennent d'être validés par les partenaires sociaux.

La multi activité est une autre particularité de notre secteur. En effet, la plupart de nos salariés ont plusieurs employeurs. C'est l'inverse de tous les autres modèles économiques actuels qui créent de l'emploi, où une seule structure emploie plusieurs salariés. Dans notre secteur, la moyenne nationale est aujourd'hui de 2,3 employeurs particuliers par salarié – cf. le rapport de branche. Or ce temps partiel en multi activité n'est pas drainé par les statistiques. À l'Urssaf et à l'ACOSS, notamment, on ne peut pas déterminer combien le salarié a de contrats de travail.

On peut avoir une situation de temps partiel avec plusieurs particuliers employeurs et une situation de temps partiel avec plusieurs activités sur un territoire donné. Ainsi, un certain nombre de nos salariés travaillent dans la grande distribution. Mais si le salarié combine une activité dans la grande distribution et un complément d'activité auprès d'un particulier, cela ne se traduit pas par des statistiques stabilisées. J'attire votre attention sur un point : pour avoir de vraies statistiques, il faudrait pouvoir recouper les informations grâce au numéro de sécurité sociale des salariés, et non pas par le biais de l'employeur. Comme notre situation est à l'inverse de celle des autres, il nous reste beaucoup à faire pour obtenir de la part des politiques publiques, de l'ACOSS et de tous les acteurs qui travaillent autour de notre secteur, les moyens d'identifier mieux la réalité de nos salariés et de nos employeurs.

Le meilleur élément d'information dont nous disposons est le chèque emploi service universel (CESU), avec la partie qui tient lieu de déclaration trimestrielle à l'Urssaf. Mais le CESU ne donne pas toutes les indications dont nous aurions besoin pour faire évoluer les statistiques et les affiner. Il est donc toujours très compliqué d'avoir des résultats précis et fiables dans notre secteur.

Pour faire nos rapports de branche et nos études, nous utilisons les enquêtes emploi qui sont faites régulièrement. Malheureusement, la notion même de temps partiel diffère selon les salariés, ce qui pose problème. Par exemple, un tiers des assistantes maternelles se déclarent à temps partiel, et la plupart d'entre elles considèrent qu'elles travaillent moins de 35 heures. Il faut dire que la durée conventionnelle des assistantes maternelles en France est de 45 heures hebdomadaires.

Nous disposons également des données de l'ACOSS et de l'IRCEM, notre caisse de protection sociale – caisse de retraite et caisse de prévoyance obligatoire. Mais celles-ci ne permettent pas de saisir la diversité des professions occupées par les salariés des particuliers employeurs dans d'autres secteurs d'activité : elles regroupent uniquement les cotisations payées par les particuliers. Si notre salarié travaille dans un autre secteur d'activité, il leur échappe.

Nous pouvons utiliser les données issues des enquêtes nationales, comme celles de la DREES, qui nous permettent aujourd'hui d'apprécier les temps travaillés par les salariés des particuliers employeurs. Enfin, les enquêtes que nous avons réalisées au sein de notre Observatoire national apportent un certain nombre d'éléments complémentaires.

Ainsi, nous sommes dans un secteur atypique, qui est parfois amalgamé dans les enquêtes et ne nous permet pas toujours de donner des éléments fiables. Malgré tout, de nombreuses études sociologiques peuvent également aider à comprendre si ce temps partiel est choisi, subi, ou si notre secteur est une variable d'ajustement d'autres temps partiels dans d'autres secteurs d'activité.

Je terminerai sur le temps partiel des personnes retraitées. Nous avons aujourd'hui dans notre secteur un pourcentage non négligeable de salariés en retraite, qui complètent leur revenu de retraite par une activité qu'ils ne veulent surtout pas exercer à temps plein – activité auprès des enfants, auprès de seniors ou jardinage. J'observe que le jardinage, l'accompagnement des personnes âgées vieillissantes et des personnes en situation de handicap sont les trois champs où l'activité des hommes progresse – 1 % l'année dernière.

La réalité de nos secteurs est complexe et difficile à appréhender : formes particulières de gestion de l'activité, avec plusieurs emplois au domicile de particuliers employeurs ; 55 % des salariés ayant plusieurs particuliers employeurs ; des salariés pour qui l'activité au domicile des particuliers employeurs n'est pas toujours la source principale de leurs revenus ; une difficulté à collecter la totalité des revenus multi activités, et pas uniquement dans notre champ ; une organisation du travail qui fait que c'est le besoin de vie de nos concitoyens qui crée l'emploi et qui fabrique le temps – quand on n'a pas besoin de 35 heures par semaine mais de 15, on crée un contrat de travail de 15 heures. La complexité de cette réalité est telle qu'il faut se garder de toute position doctrinale en la matière.

Je vous répondrai ensuite, Madame la présidente, que le minimum de 24 heures prévu par l'ANI ne concerne pas le particulier employeur. Celui-ci n'est d'ailleurs pas non plus concerné par les 35 heures. Nous ne rentrons pas dans le champ des entreprises de services à la personne, et nous ne sommes pas prestataires. Pour autant, nous sommes exigeants, s'agissant de l'accompagnement de nos salariés.

Deux conventions collectives couvrent la totalité des salariés du particulier employeur en France. La première concerne les salariés du particulier employeur. Elle a été signée en 1999 et étendue en 2000 après avoir été modifiée. La seconde est la convention collective des assistantes maternelles, qui n'exercent pas de façon totalement indépendante, comme on a tendance à le penser. Nos 339 000 assistantes maternelles sont salariées par des parents employeurs dans le cadre d'un contrat de travail qui est géré à la fois par le statut et la convention collective des assistantes maternelles, laquelle a été signée et étendue en 2005.

Nous avons attaché à ces deux conventions collectives un accord de prévoyance obligatoire, qui est traité par notre caisse professionnelle, l'IRCEM.

Nous avons également passé deux accords de formation professionnelle très innovants, « co construits » à partir du plan de formation et du droit individuel à la formation – ou DIF. Chaque salarié de notre secteur a droit à 20 heures de formation par an, gratuites, à l'initiative de l'employeur et à l'initiative du salarié. Trois titres professionnels sont inscrits au répertoire national de la certification professionnelle de niveau V : « assistant maternelgarde d'enfants », pour les deux publics ; « assistant de viedépendance » et « employé familial ».

Nous travaillons actuellement sur un accord inter branches « santé au travail » pour les salariés et les assistants maternels du particulier employeur. C'est un accord très engageant pour l'avenir. Nous avons par ailleurs terminé la mise au point, dans les deux branches, d'un accord de dialogue social territorial, complété par la mise en place du Conseil national du dialogue social dans notre secteur. Ces accords viennent d'être signés par l'ensemble des partenaires sociaux.

Nous avons beaucoup travaillé, par le dialogue social, à la création de droits et devoirs dans notre secteur, la loi nous excluant souvent d'un certain nombre de règles : soit celles-ci ne s'appliquaient pas et ne pouvaient pas s'appliquer au domicile privé et au statut de particulier employeur ; soit elles ne renvoyaient pas à la notion de particulier employeur, mais plutôt à celle de structure et d'entreprise.

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