Effectivement. Au moment de la retraite, on procède à une reconstitution de leur carrière. Voilà d'ailleurs pourquoi il faudrait que, pour nos études, nous puissions avoir accès au seul endroit où sont rassemblés tous les éléments de la carrière du salarié, à savoir la caisse de retraite. Le problème est que nous ne pouvons pas interpeller les caisses de retraite ou utiliser les données dont elles disposent à d'autres fins que celle de la retraite.
J'observe, pour ma part, que derrière toutes vos questions, s'en cache une autre : comment concilier les temps des femmes, sachant que pour y parvenir, celles-ci ont accès à d'autres temps de femmes ? On améliorera globalement la situation quand la femme qui emploie une autre femme se demandera comment est gardé l'enfant de la femme qu'elle emploie. C'est un sujet qui me tient à coeur. Mais fermons la parenthèse…
Près d'un tiers de nos 339 000 assistants maternels, qui constituent le premier mode de garde d'enfants en France, seront à la retraite en 2020, soit demain matin ! Que faire ?
Nous rencontrons deux sortes de difficultés. D'abord, l'assistante maternelle doit avoir un logement agréé pour pouvoir accueillir des enfants à son domicile. Mais les problématiques de logement – en particulier le fait que les jeunes générations quittent de plus en plus tard leur famille – n'incitent pas les femmes – ou les hommes – à s'engager dans le métier d'assistant maternel. Ensuite, la moyenne d'âge des assistants maternels est aujourd'hui supérieure à 45 ans.
Comment accroître l'attractivité de ce secteur, surtout quand on sait que les pouvoirs publics prévoient d'augmenter le nombre des crèches ou des structures collectives ? Déjà, sur certains territoires, certaines assistantes maternelles sont au chômage.
De nouvelles formes d'accueil apparaissent. D'abord, les maisons d'assistants maternels, dont l'implantation est cependant difficile ; j'observe toutefois qu'elles ont plus de succès dans les régions de l'Ouest que de l'Est. Vous pourrez consulter la carte des maisons d'assistants maternels en France, qui figure dans le rapport d'activité que je vous ai apporté. Ensuite, la garde d'enfants partagée au domicile de deux employeurs. Vous constaterez, dans les rapports, que ce qui était un phénomène très urbain, très parisien, s'est beaucoup déplacé depuis plusieurs années. Aujourd'hui, en milieu rural, certaines salariées préfèrent garder des enfants au domicile de leurs parents plutôt que d'être assistante maternelle à leur domicile. Ainsi, de vraies mutations, que nous n'arrivons pas encore à appréhender, sont en train de se produire.
Je terminerai sur cette question : comment arriver à intégrer les activités des autres employeurs ?
C'est aussi une difficulté pour le particulier employeur. Je vous rappelle que l'Europe oblige à ne pas dépasser 45 heures de travail hebdomadaire. Or un particulier employeur ne sait pas s'il emploie au-delà du temps légal un salarié qui ne le tiendrait pas au courant, puisqu'il n'a pas accès à ses autres activités.
De notre côté, nous avons des faisceaux d'indicateurs, nous pouvons croiser certaines données – et l'Observatoire des emplois de la famille le fait en permanence – mais nous ne disposons pas d'éléments statistiques fiables et précis sur le « multi emploi ». Nous ne pouvons donc pas connaître le nombre d'heures cumulées par ces salariés.
Certains de nos salariés, qui travaillent uniquement dans notre secteur, dépassent les 45 heures. Quand on sait que la moyenne d'ancienneté y est de treize ans, on se dit qu'il faut y regarder à deux fois avant de parler de précarité. Travailler dans ce secteur est une bouée de sauvetage pour les personnes qui n'ont plus les moyens d'aller dans les entreprises ou dans la fonction publique ou, plus généralement, d'exercer des métiers où l'on demande de plus en plus de diplômes et de qualification professionnelle. N'oublions pas non plus que dans les grands milieux urbains, nous intégrons de très nombreuses personnes issues de l'immigration.
C'est l'histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide : tout dépend du prisme à travers lequel on regarde. Pour notre part, nous voyons un verre à moitié plein. Nous essayons d'améliorer la compétence de nos salariés et de sécuriser leur parcours, tout en maintenant un équilibre entre la capacité des particuliers à assumer les droits nouveaux accordés aux salariés et la volonté de ces derniers à être déclarés.
Un autre élément doit enfin être pris en considération : la frontière entre les aides et le travail. Le RSA n'a pas vraiment pris dans notre secteur, mais on voit bien qu'il y a des arbitrages de part et d'autre, qui nous amènent à penser qu'une partie du problème nous échappe.