Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 3 juillet 2013 à 17h00
Commission des affaires européennes

Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires :

Voilà une semaine, à l'occasion d'une séance de questions d'actualités consacrées au Conseil européen, j'ai eu l'occasion d'indiquer les sujets que nous souhaitions voir inscrits à l'ordre du jour, avec l'espoir que des avancées concrètes soient réalisées. Il m'appartient donc d'évoquer avec vous les conclusions du Conseil des 27 et 28 juin et de tracer les perspectives de travail qui se présentent dans le cadre d'un calendrier précis sur des dossiers qui doivent être approfondis entre les Vingt-huit.

Ce sommet des chefs d'État et de gouvernement a essentiellement contribué à progresser dans trois domaines : l'emploi des jeunes, l'intensification des actions pour la croissance et l'approfondissement de l'union économique et monétaire (UEM).

Nous demandions que la question de l'emploi des jeunes soit examinée en priorité : près de 14 millions de jeunes Européens sont aujourd'hui au chômage ; nombre d'entre eux sont sans formation. En ralliant nos principaux partenaires, nous avons obtenu que soit mis en place un véritable plan, avec des dispositions spécifiques. Pour la première fois, une ligne budgétaire regroupera toutes les mesures visant à accompagner les jeunes de moins de vingt-cinq ans sortis du cursus scolaire ou au chômage depuis plus de quatre mois. Sous le label « Initiatives pour la jeunesse » et sur recommandation de la Commission et des États membres, des emplois aidés, des formations par alternance, des réintégrations dans un circuit d'apprentissage, des offres de stages qualitatifs leur seront proposés.

Les 6 milliards qui ont été débloqués ne se substituent pas aux efforts qui ont déjà été entrepris dans certains pays, dont la France, mais ils s'y ajoutent. Compte tenu du poids de notre pays dans l'Union, nous pouvons estimer que nous recevrons 600 millions. Avec plusieurs de ses partenaires, la France a demandé que cette somme ne soit pas répartie sur la période couverte par le CFP, de 2014 à 2020, mais qu'elle soit concentrée sur les années 2014-2015.

Ont donc été actés à l'occasion de ce sommet le montant de 6 milliards, le front loading pour 2014-2015 et, sur demande du Parlement européen, la possibilité de poursuivre cet effort grâce à une flexibilité sur les crédits d'engagements à partir de 2016 de 2,6 milliards d'euros. Ces sommes seront consacrées, par exemple, à des actions de formation professionnelle ou d'apprentissage, décidées par les États. Tel est d'ailleurs l'objet des discussions qui ont lieu cet après-midi même à Berlin avec les vingt-huit ministres du travail de l'Union, mais aussi le Président Hollande, la Chancelière Merkel et la Présidente de la Lituanie, Mme Grybauskaité – qui va présider l'Union pendant six mois – afin d'examiner comment mettre en place ces actions sans tarder, sachant que, dans certains États, des appels d'offres sont parfois nécessaires.

Cette action en faveur de la jeunesse sera concentrée dans les bassins d'emplois où le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est supérieur à 25 %. Des évolutions sont d'ailleurs encore possibles sur ce dernier point, certains pays demandant que ce pourcentage soit abaissé à 20 %. Toutefois, plus la cartographie sera élargie, moins l'effet de levier sera important puisque les sommes dépensées par l'Union européenne sont les mêmes. Si le pourcentage de 25 % est retenu, une douzaine de régions françaises sera éligible, ainsi que l'ensemble des départements d'outre-mer.

De 2007 à 2013, le programme Erasmus a quant à lui bénéficié de 8 milliards. Ce sont désormais 13 milliards qui lui seront consacrés. Non seulement les jeunes bénéficiant de l'aide à la mobilité seront plus nombreux, mais les jeunes en formation professionnelle par alternance dans les entreprises et les jeunes apprentis pourront le suivre.

En outre, dans quelques mois, la Commission européenne devra formuler au Conseil une proposition visant à mettre en place des stages de qualité.

De même qu'Erasmus a donné l'occasion aux États de définir un statut de l'étudiant, son élargissement aux apprentis permettra d'élaborer un statut de l'apprenti à l'échelle européenne. La reconnaissance de ces formations et la mise en place d'une équivalence de diplômes professionnels sont loin d'être secondaires.

La BEI, qui dispose de fonds supplémentaires grâce au pacte de croissance adopté au mois de juin 2012, devra également faire une proposition au Conseil afin de mettre en place des prêts pour les jeunes et pour les jeunes créateurs d'entreprises, lesquels éprouvent parfois des difficultés à obtenir des financements classiques. Les PME qui embauchent des jeunes Européens bénéficieront ainsi d'aides spécifiques.

L'intensification des efforts en faveur de la croissance vise à faire en sorte que le pacte de relance soit pleinement appliqué dans les États sous ses différents aspects : fonds structurels, BEI, project bonds. En juin 2012, 120 milliards avaient été fléchés grâce à ces outils. La réorientation des fonds structurels inutilisés en faveur des collectivités territoriales a été bénéfique, puisque 31 milliards ont été réaffectés. Très peu l'ont été en France, ce qui est à la fois dommage et réjouissant : l'année dernière, le taux de consommation des fonds, notamment, du FEDER, s'élevait à 90 %.

Grâce à cette décision, nous avons augmenté le capital de la BEI à hauteur de 10 milliards, ce qui, par effet démultiplicateur, autorise 60 milliards de prêts à l'échelle européenne. La France, en l'occurrence, disposera chaque année, de 2013 à 2015, de 7 milliards. Nous avons allégé les dispositifs afin que l'utilisation de ces fonds soit plus rapide et nous avons élargi les secteurs éligibles en l'occurrence à l'université – plan Campus – et aux hôpitaux – plan Hôpital 2020.

Comment faire connaître l'existence de ces prêts auprès des élus locaux et des entreprises, la BEI ayant également vocation à aider ces dernières ? Nous avons convié la BEI et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à travailler ensemble. Un accord a été signé le 13 juin. Depuis, la CDC instruit des dossiers de demandes de collectivités locales pour utiliser l'argent que la BEI mettra à sa disposition. Des accords de partenariat ont également été passés avec des banques de proximité, dont la Caisse d'épargne, afin que ces fonds soient mis à disposition des PME. La BEI n'intervient directement que sur des projets de plus de 100 millions, nombre de collectivités locales et d'entreprises ne pouvant donc émarger. Je ne veux plus que l'on dise, sur le terrain, qu'il n'est pas possible d'accéder à ces fonds : désormais, la CDC ET LA BPI en font leur affaire et les banques de proximité comme la BPI doivent les délivrer. Grâce à cet accord, la CDC et la BEI peuvent financer à 100 % – 50 % pour la première, 50 % pour la seconde – les grandes infrastructures de vos territoires. Les taux de la BEI étant de surcroît inférieurs de trois points de base aux prêts classiques, les perspectives de grands travaux sont réelles.

Dans le cadre du CFP, la ligne budgétaire « Mécanismes d'interconnexions pour l'Europe » sera substantiellement augmentée à partir du 1er janvier 2014, puisqu'elle passera de 8 à 19 milliards. Ces sommes seront consacrées aux infrastructures de transport, mais aussi de lutte transfrontalière contre la précarité énergétique.

Des avancées ont également été réalisées sur le plan de l'UEM. Les objectifs sont limpides : il convient à la fois de définir des systèmes qui permettent à l'Union européenne d'anticiper et de réagir dans l'urgence afin que l'Europe ne traverse plus de crises comparables à celles qu'elle a connues, d'éviter les défaillances bancaires qui ont exposé épargnants et contribuables et, enfin, de disposer d'importants moyens de contrôle et de décisions. Grâce à cet approfondissement de la supervision bancaire, une autorité, à l'échelle de l'Union, disposera d'un droit de regard sur la façon dont les banques nationales sont gérées à travers un certain nombre de critères de sécurité définis selon le principe « mieux vaut prévenir que guérir ». Des stress tests seront organisés à l'automne prochain qui mettront les banques nationales en difficultés budgétaires et économiques afin d'observer leurs réactions.

En outre, un système de recapitalisation directe des banques sera mis en place par le biais du mécanisme européen de stabilité, alors que jusqu'ici, en cas de crise bancaire, ce n'étaient pas les banques elles-mêmes qu'aidait l'Europe, mais les États, lesquels aidaient à leur tour les banques nationales mais se retrouvaient en difficulté en raison de l'augmentation de leur endettement.

Tout cela doit se faire dans ce cadre technique et financier identique pour tous qu'est la résolution bancaire, laquelle doit être adoptée avant la fin de l'année. Ce sont avant tout les actionnaires et les créanciers qui doivent payer la mauvaise gestion, les dépôts des épargnants devant être quant à eux… épargnés.

Si nombre de moyens financiers nouveaux doivent être sollicités, il convient préalablement que le CFP soit voté. Le Parlement européen, qui a évidemment son mot à dire sur le budget, manifestera-t-il une adhésion pleine et entière ? Aujourd'hui même a été votée à une très large majorité une résolution disposant que le Parlement mettra à son ordre du jour du mois de septembre prochain le vote du CFP 2014-2020, dans lequel figurent les lignes budgétaires dont nous avons parlé : Erasmus, emploi des jeunes, Mécanismes d'interconnexions pour l'Europe, hausse de 40 % du financement de la recherche et développement. Les discussions en cours entre le Parlement, le Conseil et la Commission portant sur quelques centaines de millions seulement, pour un budget de 960 milliards, nous pouvons nous montrer raisonnablement optimistes.

L'adhésion du Parlement a été définitivement emportée grâce aux avancées réalisées par les chefs d'État et de gouvernement la veille et le jour même du Conseil, afin de rendre le CFP plus flexible. Grâce à une plus grande flexibilité des crédits de paiement et d'engagement sur la période 2014-2020, nous avons en effet la quasi-certitude que le budget voté sera le budget consommé. Globalement, nous investirons environ 50 milliards de plus que pendant la période 2008-2013. Cela est évidemment très important pour soutenir les budgets publics et favoriser l'accompagnement de grandes entreprises. Cette action est complémentaire de celle de la BEI : Renault a ainsi bénéficié la semaine dernière d'un prêt de 400 millions de la BEI ; le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne bénéficiera quant à lui d'un prêt de 600 millions.

J'ajoute que, Compte tenu de l'évolution de son économie, la Lettonie a été autorisée à rejoindre la zone euro le 1er janvier 2014.

Nous avons également donné mandat pour ouvrir des négociations à partir des mois de décembre ou de janvier prochains en vue de l'adhésion de la Serbie et de l'association du Kosovo. Nous avons demandé qu'elles s'ouvrent en même temps et qu'elles se poursuivent au même rythme pour ces deux pays qui, il y a peu, se déchiraient encore. Ils n'ont d'ailleurs accepté de discuter ensemble qu'en présence des autorités européennes et dans la perspective de ces rapprochements avec l'Union européenne. Alors que certains se demandent si l'Union constitue encore une perspective intéressante, je note que le « désir d'Europe » est bien réel. Plus l'Union est forte, plus elle a d'atouts. J'ai assisté dimanche dernier, à Zagreb, aux manifestations préalables à l'entrée de la Croatie dans l'Union et j'ai vu des gens très heureux à l'idée de la rejoindre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion