Je remercie M. le rapporteur général pour ce travail exhaustif, approfondi, honnête qui confirme ce que j'ai toujours dit depuis trois ans.
J'ai été soumis à nombre de questionnements et de suspicions, j'ai fait l'objet de pléthore d'articles de journaux, d'émissions de télévision – ce que je comprends d'ailleurs tant ces questions suscitent des fantasmes. Or, le politique n'est jamais cru, non plus que la plus sérieuse des administrations qu'est l'administration fiscale.
Nous avons récupéré 120 000 ou 130 000 noms dont au bout du compte seuls 3 000 sont susceptibles de « rapporter de l'argent » à notre pays. Nulle évaporation, pourtant, puisque ces dossiers ont été transmis, y compris à certaines administrations étrangères lorsque cela était nécessaire, et qu'Evafisc, fichier déclaré à la CNIL, a été mis en place pour permettre à l'administration fiscale de mieux travailler. C'était donc faire un procès stupide que de prétendre que nous avions retiré des noms. Comment peut-on croire qu'un ministre se munirait de sa gomme et examinerait s'il efface ou non tel ou tel patronyme ? Il faudrait cesser de considérer que nous avons une administration bananière ! Cette liste n'a jamais été modifiée. J'ajoute que la justice en disposant également, le système était très sûr et sain.
Je suis probablement le seul à ne pas avoir rencontré M. Falciani, le ministre que j'étais alors s'étant en effet bien gardé de rencontrer un informateur. Imagine-t-on M. Valls rencontrer des « indics » ? Un ministre n'est pas un « barbouze » ! En l'occurrence, M. Falciani était de surcroît suivi par la justice et M. de Montgolfier.
La « liste HSBC » des 120 000, des 6 000 ou des 3 000 a été l'occasion d'accélérer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales mais, auparavant, il y avait eu la « liste Lichtenstein » qui comprenait certes beaucoup moins de noms mais sur laquelle la DNVSF avait travaillé dans le même contexte politique. Lorsque la liste Falciani a été connue, nous aurions pu décider de ne pas aller plus loin puisque les fichiers avaient été volés, or, nous l'avons exploitée parce que tel était l'intérêt général.
Dans notre pays, les domaines judiciaire et fiscal sont séparés mais, en l'occurrence tous les deux disposaient du même dossier. Pourquoi le volet judiciaire n'a-t-il pas suivi ? Probablement pour des raisons internes à cette administration – problèmes entre un procureur et sa hiérarchie ? – mais aussi parce que le domaine fiscal intéresse peu la justice.
Quoi qu'il en soit, nous avons créé à cette occasion une « police fiscale » car, face à des fraudes importantes, il importait de doter l'administration fiscale de pouvoirs judiciaires. D'autres dispositions ont également été prises, la dernière en date concernant l'utilisation de listes volées mais communiquées régulièrement. Le Gouvernement a fort bien fait, la jurisprudence de la Cour de Cassation ayant empêché jusqu'ici de réaliser un certain nombre de contrôles.
Nous avons également créé Evafisc mais, surtout, nous avons déclenché à partir de cette liste une opération globale de régularisation en direction de nos concitoyens susceptibles de détenir un compte en Suisse, d'où la création de la cellule dite de « dégrisement », service central de régularisation visant à travailler en toute transparence. Il n'est pas possible de manier le seul bâton, mais il faut aussi utiliser la carotte, et c'est tant mieux si celle-ci fonctionne d'une manière encore plus satisfaisante.
Enfin, je souhaite vous mettre en garde car tout ce qui a trait à l'évasion fiscale suscite des fantasmes et est propice à toutes les manipulations. Beaucoup de gens ont intérêt à ce que rien ne sorte. Nos relations diplomatiques avec la Suisse ont été atomisées et toutes les menaces que vous pouvez imaginer ont été proférées. Ces questions sont très dangereuses, et pour ceux qui les manient, et pour l'ensemble de la classe politique.
Ce n'est pas avec des discours que nous parviendrons à lutter contre la fraude fiscale mais en faisant en sorte que chacun prenne les risques inhérents aux responsabilités qui sont les siennes : manipulations, règlements de comptes, malveillance, etc. Pour couronner le tout, la presse s'empare de telles situations et l'on est traîné dans la boue parce que l'on s'est heurté à des gens dont l'argent est le seul moteur et qui feront tout pour se défendre.
De surcroît, les personnes ne sont pas seules en cause : il faut également compter avec le système bancaire, extraordinairement puissant pour défendre ses propres intérêts. Il fait parfois figure de pot de fer face au pot de terre qu'est le ministre du budget.
Ce combat n'est ni de droite ni de gauche. Nous souhaitons tous que les impôts rentrent, et même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur le niveau de l'imposition, nous ne voulons pas que quiconque échappe à l'impôt républicain. Nous avons mené la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, vous continuez à votre tour à la mener. Nous devons travailler ensemble et faire preuve de la même prudence.