Intervention de Michel Ménard

Réunion du 10 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Ménard, rapporteur :

Je vais essayer de répondre à toutes les questions. Je voudrais apporter une précision à ce que vient de dire la présidente de notre mission. Mme Valérie Fourneyron nous a effectivement dit que 86 % des enfants qui partaient en vacances le faisaient en famille, mais il convient de remarquer qu'est considéré comme départ en vacances le fait de quitter son domicile plus de deux nuits dans l'année. Une telle définition relativise ce que l'on entend par vacances en matière statistique. Un enfant qui passe plus de deux nuits chez ses grands-parents est considéré comme étant parti en vacances. Parmi les trois millions d'enfants qui ne partent pas en vacances, un million partent un week-end par an en dehors de leur domicile. Le rapport s'est fixé comme objectif de valoriser le départ en vacances collectives des enfants pendant une durée plus longue, au minimum d'une semaine.

Mme la présidente remarque qu'un certain nombre d'enfants ne veulent pas partir. On peut se demander d'où viennent ces réticences. J'ai déjà évoqué celles des parents. Celles des enfants qui ne sont jamais partis proviennent, sans doute, d'une image déformée, voire d'une absence d'image de ce que peut être un centre de vacances. Les études montrent, par contre, que les enfants qui sont déjà partis souhaitent, dans leur grande majorité, repartir en centres de vacances. C'est une situation classique. Une appréhension dissuade de découvrir ce que l'on ne connaît pas. Un enfant qui n'a jamais goûté un plat dira qu'il ne « l'aime pas ». Il faut le lui faire goûter pour qu'il ait envie d'en redemander. Il me semble que c'est la même chose pour les vacances collectives.

En réponse aux remarques faites par Mme la présidente, je ne conteste pas du tout la qualité et les vertus pédagogiques des séjours proposés par des organisateurs privés. Ces séjours, vendus 1000 à 1500 euros, s'adressent à un public évidemment très ciblé. On peut dès lors se demander s'ils doivent bénéficier des mêmes aides que les organisateurs de séjours sans but lucratif qui proposent des tarifs les plus bas possibles pour accueillir le plus grand nombre d'enfants.

Le rapport traduit-il une nostalgie des colos, comme l'ont indiqué certains intervenants ? Peut-être. Nous avons entendu des historiens qui ont travaillé sur l'histoire des colos, les conditions de leur création et qui nous ont rappelé leur histoire architecturale. Des animateurs nous ont expliqué comment les colos fonctionnaient et comment elles ont évolué. Mais notre souci commun est bien de permettre à tous les enfants de partir en vacances, de rappeler le rôle éducatif des centres de vacances et de voir comment les colos du XXIe siècle peuvent être organisées, en sachant que les colos actuelles n'ont plus rien à voir avec celles que nous avons connues il y a trente ou quarante ans. Je ne sais pas si le terme « colo » est adapté, mais « colonies de vacances » ne l'est certainement pas. Et si centre de vacances paraît plus moderne, les enfants continuent de dire qu'ils partent en colo. Ce terme générique ne correspond plus pour eux, à ce qu'il évoque pour nous et à ce qu'il recouvrait autrefois.

Les animateurs et directeurs des centres de vacances, titulaires de BAFA ou de BAFD, ont reçu d'une formation pédagogique sur la connaissance de l'enfant et les questions de sécurité. Ils constituent un encadrement de qualité, apte à prévenir les accidents craints par les parents. Si des accidents surviennent malheureusement en séjours collectifs, il faut rappeler qu'ils sont beaucoup moins nombreux et moins graves que ceux auxquels est exposé un enfant dans sa famille ou dans son quartier.

S'agissant du volontariat de l'animation, dont la création est une demande récurrente des organisateurs associatifs de séjours collectifs de mineurs, j'ai proposé qu'il soit réservé aux organisateurs de séjours avec hébergement. Les accueils de loisirs à la journée relèvent du droit commun du travail, les animateurs n'ayant pas à être présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un animateur de centre de loisirs qui arrive à 7 heures et demi ou 8 heures le matin et part à 7 ou 8 heures du soir peut rentrer chez lui. Il n'en va pas de même pour les colos. Le contrat d'engagement éducatif, dans sa forme actuelle, prévoit que les animateurs prennent onze heures de repos quotidien. Cela ne veut pas dire qu'ils ne dormaient pas du tout avant cette réforme. En revanche, ils étaient effectivement présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La nouvelle réglementation, si elle était vraiment appliquée, supposerait que l'animateur quitte son lieu de travail pendant son temps de repos, ce qui pose d'évidentes difficultés quand il travaille loin de chez lui et dans un lieu isolé. En pratique, l'animateur reste sur le site. C'est un exemple des nombreux problèmes que pose ce contrat. La proposition du volontariat de l'animation s'inspire du service civique auquel M. Thierry Braillard faisait référence. Nous n'en sommes qu'au stade d'un rapport d'information. Nous n'avons pas détaillé les conditions de la mise en place de ce nouveau statut, qui pourrait, comme le suggère M. Régis Juanico, prendre la forme d'une proposition de loi, mais ce sera l'objet de discussions avec le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Le sujet doit, bien sûr, être travaillé et affiné avant de faire évoluer la législation.

Nous attendons également avec impatience les dernières statistiques de départs en centres de vacances. La baisse de la fréquentation des séjours de vacances, constatée depuis 1995, ne s'observait pas pour les séjours avec un hébergement de quelques nuits, organisés à titre d'activité accessoire par les centres de loisirs. Ces courts séjours étaient même en nette progression ces dernières années. Or cette tendance s'est inversée l'année dernière. Il y a eu 70 000 départs de moins en 20112012 par rapport à l'année précédente, à la suite de la mise en place de la réforme du contrat d'engagement éducatif. Je ne sais pas si c'est la seule raison de cette baisse, mais je constate que, entre 2008 et 2011, les séjours avec hébergement en centres de vacances et de loisirs progressaient chaque année, avec 24 000 à 30 000 départs de plus d'une année sur l'autre. Il se trouve que l'inversion de tendance et la baisse du nombre des départs intervenue en 20112012 correspond à la modification de la réglementation applicable au contrat d'engagement éducatif. Nous devrons attendre les statistiques les plus récentes pour avoir confirmation de cette nouvelle tendance, mais on peut penser que les difficultés croissantes d'organisation ont conduit à l'annulation d'un certain nombre de colonies ou d'accueils de loisirs avec hébergement.

M. Jean-Pierre Le Roch m'interrogeait sur le nombre de centres de vacances qui ont disparus. Selon M. Bernard Toulier, les deux tiers des centres de vacances de Loire-Atlantique et de Vendée ont déjà disparu. Un tiers a été vendu et démoli pour faire place à de nouvelles constructions ; un tiers a été destiné à d'autres usages ; il ne reste donc qu'un tiers du patrimoine concerné qui continue à fonctionner. On constate donc une tendance lourde d'abandon de ces centres. C'est pourquoi le rapport propose de recenser les bâtiments concernés pour connaître, sur l'ensemble du territoire français, l'état de ce patrimoine et envisager les mesures permettant non pas de sauvegarder l'ensemble des centres de vacances, mais de préserver un maillage territorial qui pourrait inclure d'autres modes d'hébergement comme les internats des collèges et des lycées. Ces derniers sont déjà utilisés pour l'hébergement de certaines colos mais je pense que l'on peut favoriser leur utilisation par les organisateurs de séjours à but non lucratif. La location de ces internats étant faite au moindre coût, elle doit être d'abord proposée aux associations sans but lucratif qui organisent des séjours à des tarifs modérés avant de l'être aux organisateurs à but lucratif.

Mme Colette Langlade a évoqué le coût du transport. Lors de leur audition, les représentants de la SNCF se sont engagés à faire de nouvelles propositions. Ils nous ont expliqué que le système de réservation des voyages en groupe qui existait jusqu'en 2006 était plus souple mais les mettait parfois en difficulté lorsque l'organisateur annulait, au dernier moment, un tiers ou la moitié des places réservées l'avance. Cela laissait des places inoccupées dans les trains. La préoccupation de la SNCF de remplir au mieux ses trains peut se comprendre. En revanche, ses tarifs de groupe les plus attractifs sont destinés aux enfants de moins de douze ans alors que la classe d'âge concernée par les colos est très majoritairement constituée d'enfants de plus de douze ans. Nous attendons donc des propositions plus intéressantes de la SNCF.

M. Frédéric Reiss a exprimé son désaccord avec un certain nombre de propositions. Je suis conscient que ces vingt et une propositions ne font pas nécessairement l'unanimité. Je rappelle cependant que la taxe sur l'hôtellerie de luxe n'est pas de mon invention mais qu'elle avait été votée par l'ancienne majorité. La même majorité l'avait ensuite supprimée au moment de l'augmentation du taux de TVA applicable à l'hôtellerie de 5,5 à 7 %. Le prix d'un séjour en centre de vacances correspond à une ou deux nuits passées dans un hôtel de luxe. Quelques euros, 2 ou 3, prélevés sur le prix d'une chambre louée à partir de 400 ou 600 euros la nuit ne me semblent pas changer l'économie de ces établissements mais permettraient à des enfants de partir en vacances. J'ai bien entendu les critiques de l'opposition sur nos propositions de financement, mais nous avons constaté que le premier obstacle au départ en vacances est financier. Le rapport a donc eu pour objet de dégager des pistes pour diminuer le coût des séjours. Il fait plusieurs propositions pour cela, en particulier l'élargissement du dispositif des chèques-vacances et le rééquilibrage des aides des caisses d'allocations familiales en faveur des colos. Mme Marie-Odile Bouillé m'interrogeait à ce propos. Je constate que la quasi-totalité de ces aides, actuellement près d'un milliard d'euros, est fléchée vers les accueils de loisirs. Or ceux-ci ne concernent, en très grande majorité, que les enfants de moins de douze ans. Les plus âgés ne les fréquentent pas. Les adolescents doivent pouvoir bénéficier de ces aides.

Contrairement à M. Frédéric Reiss, il me semble important de renforcer les réseaux fédératifs. C'est un parti pris. Je considère que dans le domaine des départs en vacances, les mouvements d'éducation populaire ont un rôle essentiel à jouer. Appartenir à un réseau, à une fédération, c'est le gage de bénéficier de ressources, d'expérimentations, d'innovations, de recherches engagées par ces mouvements. Il ne me semble pas que l'on ait plus d'idée quand on travaille de manière isolée dans son quartier que lorsque l'on est fédéré dans un mouvement. Être dans un mouvement fédératif est un atout pour les organisations. C'est d'autant plus vrai dans le milieu associatif que les fédérations appartiennent à des courants de pensée très divers et ont une histoire ancienne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion