Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 10 juillet 2013 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet, président :

Le rapport comprend en effet une partie descriptive, nécessaire à la compréhension des propositions que nous formulons. Comme l'a rappelé Éric Woerth, l'optimisation fiscale c'est l'utilisation des moyens légaux pour réduire son impôt. Elle se distingue de la fraude fiscale – qui est la violation de la lettre de la loi –, et de l'évasion fiscale – qui est le contournement volontaire de l'esprit de la loi et, in fine, de la norme elle-même. Toutefois, lorsque l'on analyse les stratégies fiscales de certaines entreprises multinationales qui utilisent les failles des législations nationales et les subtilités des conventions fiscales pour s'affranchir de l'impôt sur les sociétés dans un grand nombre de pays où elles devraient normalement le payer, l'optimisation n'est plus très éloignée de l'évasion fiscale à grande échelle. C'est cette optimisation fiscale « agressive » qui fait l'objet du présent rapport.

Les pratiques d'optimisation reposent toute, en dernière analyse, sur un schéma très simple qui consiste à loger un maximum de charges – déductibles de l'impôt – dans un État à forte fiscalité ; et de transférer un maximum de produits dans un État à fiscalité faible. Il s'agit ainsi de minorer le plus possible l'impôt sur les sociétés dans l'État le plus taxateur, et d'assurer l'imposition des bénéfices la moins élevée possible dans l'État le plus clément fiscalement, ce qui est encore plus intéressant – du point de vue du contribuable – lorsque cet État est un paradis fiscal.

Les principaux mécanismes d'optimisation peuvent être regroupés en quelques grandes familles. La plus connue, et sans doute la plus importante, concerne les prix de transfert, ces échanges intragroupe représentant environ 60 % des échanges mondiaux. Ils sont soumis au principe de pleine concurrence, dégagé par l'OCDE, et qui sert de référence à l'administration fiscale lorsqu'elle opère des contrôles relatifs à la détermination de ces prix de transfert afin de s'assurer qu'ils n'ont pas été intentionnellement faussés. Elle opère alors une comparaison entre le prix déterminé entre les entreprises du groupe, et le prix qui aurait été pratiqué entre deux entreprises non liées, au sein d'un marché pleinement concurrentiel. Ce principe s'avère bien adapté pour des transactions « classiques », faisant intervenir des actifs corporels par exemple ; il atteint ses limites dès lors que les échanges intragroupe concernent des actifs immatériels, telles les marques. L'optimisation s'effectue alors via le versement de redevances entre les sociétés liées, dont le montant est survalorisé ou sous-valorisé en fonction de l'État de destination du flux.

L'optimisation peut également s'effectuer par le recours à d'habiles stratégies de financement. Les intérêts financiers, contrairement aux dividendes versés, sont généralement déductibles de l'impôt sur les sociétés. Une entreprise aura donc rationnellement intérêt à se financer par l'emprunt plutôt que par augmentation de son capital, et ce d'autant plus qu'elle est implantée dans un État à fiscalité forte. Cette stratégie peut encore être affinée via le recours aux produits dits hybrides qui permettent une double non-imposition du même flux. Ainsi, une mère implantée dans un État à fiscalité faible pourra consentir un prêt à une fille implantée dans un État à fiscalité forte. Celle-ci déduira les intérêts de son assiette taxable afin de minorer, voire d'annuler, son impôt. Les intérêts seront ensuite considérés comme des dividendes par la législation de l'État de la mère, et donc rapatriables en franchise ou quasi franchise d'impôt en application du régime mère-fille.

L'optimisation peut également être fondée sur des stratégies d'organisation de l'entreprise. Le régime mère-fille, pour reprendre cet exemple, en constitue une illustration simple et courante : il permet de faire remonter au niveau de la mère les dividendes versés par la fille en franchise ou quasi franchise d'impôt, le droit fiscal français exigeant la réintégration à l'assiette de la mère d'une quote-part égale à 5 % des versements. Ce dispositif est d'autant plus intéressant, du point de vue du contribuable, que la mère est opportunément implantée dans un État à fiscalité faible. Le régime néerlandais dit de « participation-exemption » est encore plus attractif puisqu'il permet une exonération totale d'impôt sur les sociétés pour les dividendes qu'une holding reçoit de ses filiales, la même exonération étant prévue pour les plus-values de cession de titres de participation. Les entreprises peuvent également créer des filiales dans des « États tunnels » dont les conventions fiscales favorables qui les lient à d'autres États permettent le contournement de l'impôt - notamment les retenues à la source. Il est également possible de recourir à des entités dites hybrides, dont le statut au regard de la fiscalité – transparent ou opaque – varie en fonction des législations nationales. L'entreprise Google a recouru à de telles entités, ainsi que je vous l'exposerai dans quelques minutes. Il est enfin possible à un groupe de mener une réorganisation d'entreprises, ou business restructuring, laquelle peut notamment consister à transformer des filiales auparavant distributeurs ou fabricants de plein exercice en simples commissionnaire ou façonniers. Des entreprises industrielles y recourent. Les profits, antérieurement réalisés et imposés dans les États de ces filiales, sont désormais directement imputés à la mère, idéalement établie dans un État à fiscalité faible.

Des dispositifs particulièrement agressifs peuvent aboutir à une double non-imposition d'un même flux. Le phénomène est tristement ironique dans la mesure où les conventions fiscales ont précisément été conclues pour éviter la double imposition. Or aujourd'hui, elles sont utilisées par des entreprises multinationales afin d'aboutir à une double non taxation. Cette pratique est connue sous le nom de treaty shopping. Par exemple, un groupe qui souhaiterait éviter la retenue à la source prévue par la convention fiscale liant les États A et B sur les flux opérés en ces États fera transiter lesdits flux par un État C dit « État tunnel » dont la convention fiscale ne prévoit aucune retenue à la source en direction de A et B. Ainsi, un flux quittant la France pour les Bermudes fera l'objet d'une retenue à la source au taux de 33,13 %. Mais d'autres États, comme les Pays-Bas, ne soumettent de telles transactions à aucun prélèvement. Le flux qui quitte la France pour les Pays-Bas ne sera soumis à aucune retenue à la source car il s'agit d'un flux intra-communautaire. Il pourra ensuite être remonté aux Bermudes en franchise d'impôt en application de la législation néerlandaise.

Le recours aux produits hybrides – notamment les titres considérés comme un titre de dette en A et comme un titre de participation en B – permet également une double non-imposition du même flux, ainsi que je l'ai précédemment expliqué.

Nous avons évidemment analysé la stratégie fiscale de Google, qui a été largement médiatisée. Le schéma mis en place par la société utilise notamment à la fois un État tunnel, certaines particularités de la législation américaine qui permettent de loger les profits dans des paradis fiscaux en attente de rapatriement – système dit check the box –, et une entreprise hybride.

Dans ce schéma la première filiale établie en Irlande, Google Ireland Ltd, établit les factures des clients français et reçoit leurs paiements. La seconde société établie en Irlande, Google Ireland Holdings, est, en dépit de son nom et de sa situation géographique, une société de droit bermudien car son équipe dirigeante et son conseil d'administration se réunissent aux Bermudes.

Pour faire passer les profits de la première société irlandaise à la seconde sans subir de retenue à la source, une autre société est nécessaire. Celle-ci, Google Netherlands BV, est établie aux Pays-Bas et sa seule fonction est de recevoir la redevance de Google Ireland Ltd pour la reverser en quasi-totalité – le chiffre de 99,8 % est souvent évoqué – à Google Ireland Holdings. Le profit ainsi accumulé ne remonte pas aux États-Unis car cette dernière société est considérée comme transparente au regard du droit fiscal américain. De fait, Google parvient à n'acquitter qu'un impôt minime dans chacun de ses pays d'implantation, sans commune mesure avec l'importance de son activité économique. Ce schéma est utilisé, à quelques nuances près, par d'autres entreprises du numérique et aboutit parfois à des situations aberrantes. Lorsque la société Apple, qui dispose de 102 milliards de dollars en attente de rapatriement, a dû verser des dividendes pour rémunérer ses actionnaires, elle a préféré s'endetter en empruntant quelque 17 milliards de dollars sur le marché pour éviter un retour des sommes correspondantes aux États-Unis, où elles auraient été taxées à 35 %. Selon certaines études, également citées par l'administration fiscale américaine lors de notre déplacement à Washington, on estime à 1 700 milliards de dollars le montant des profits de multinationales américaines en attente de rapatriement offshore.

De tels phénomènes prouvent la réalité de l'optimisation fiscale agressive, quand bien même celle-ci reste difficile à quantifier. En France, et même s'il convient de relayer de tels chiffres avec prudence, des analyses estiment ainsi que les cinq grandes entreprises du numériques communément dénommées GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – représenteraient un chiffre d'affaires estimé consolidé de plus de 8 milliards d'euros et qu'elles auraient dû payer, en 2011, près de 830 millions d'euros si leurs activités avaient effectivement été taxées sur notre territoire, en l'absence de toute pratique d'optimisation. En fait, ces sociétés n'auraient acquitté que 37 millions d'euros environ d'impôt cette même année.

Face à cette situation, eu égard à l'inadaptation de l'impôt sur les sociétés à la réalité de l'économie numérique, il serait tentant de recourir à des taxes spécifiques à ce secteur. Telle est la position du Président de la commission des Finances du Sénat, avec des taxes sur la publicité en ligne, ou sur le commerce électronique. Toutefois, en réalité, ces « taxes Google » et autres « taxes Amazon » semblent « rater leur cible » et se transformeraient en « taxe Pages Jaunes » et « taxes La Redoute », entreprises qui acquittent leur impôt sur les sociétés en France.

À notre sens, le vrai problème n'est pas l'existence des entreprises du numérique mais le fait que dans un univers mondialisé il soit possible d'utiliser les failles des législations pour éluder l'impôt. L'entreprise Starbucks, qui dispose d'installations fixes, physiques, parvient à minorer son impôt en utilisant simplement le mécanisme de prix de transfert et des redevances.

La vraie question est la suivante : peut-on reconstituer un impôt sur les sociétés qui ait un sens ? Car l'impôt sur les sociétés est, de tous les prélèvements qui touchent les entreprises, le plus intelligent. En effet, il porte sur les résultats, ce qui signifie que lorsque l'entreprise a des difficultés, qu'elle ne réalise pas de profit, elle n'est pas imposée. On se trouve alors face à un paradoxe qui veut que l'impôt le plus pertinent d'un point de vue économique est le plus facile à éluder et à faire disparaître dans des paradis fiscaux. Le vrai sujet est : comment retrouver une base fiscale ? Telle est la logique que nous avons retenue dans ce rapport. Plutôt que de recourir à des impositions alternatives qui ne sont pas pleinement satisfaisantes, il faut chercher à rétablir le pouvoir d'imposition de chaque État au titre de l'impôt sur les sociétés. Pour ce faire nous avançons un certain nombre de propositions, 22 pour être précis.

Les premières visent à adapter le droit fiscal international. Nous ne méconnaissons pas l'ampleur de la tâche, il s'agira d'un travail de longue haleine puisqu'il existe quelque 3 000 conventions fiscales bilatérales. Leur renégociation doit être soutenue par notre pays car elles ne sont plus adaptées à la réalité économique actuelle – proposition n° 11. Je me permets une petite digression. L'OCDE évoque parfois l'idée d'une convention multilatérale, tout en étant pleinement consciente des obstacles auxquels une telle initiative – solution idéale dans l'absolu – se heurterait. Dans le cadre de la renégociation des conventions bilatérales, il conviendrait de promouvoir le concept d'établissement stable virtuel – proposition n° 12. Il conviendrait également de prévoir dans ces conventions une « clause de sauvegarde fiscale », tendant à s'assurer qu'un flux ou produit déduit ou exonéré dans un État membre soit bien imposé dans l'État de la source – proposition n° 13. Une telle recommandation, qui vise à éviter les cas de double non-imposition, figurera à trois reprises dans notre liste de propositions : au niveau international, européen, et national.

La lutte contre l'optimisation fiscale agressive peut également être menée à l'échelle européenne. Il s'agit d'encourager les initiatives de la Commission européenne tendant à réformer les directives relatives aux revenus passifs afin de s'assurer qu'un flux ou produit déduit ou exonéré dans un État membre soit bien imposé dans l'État de la source – proposition n° 14. À titre d'exemple, à l'heure actuelle, la directive dite « intérêts et redevances » ne conditionne pas l'exonération d'un élément de revenu dans l'État source à l'imposition de ce même élément dans l'État destinataire. Il serait en outre intéressant de lancer une réflexion avec nos principaux partenaires européens sur une harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés, pouvant déboucher sur une coopération renforcée en lien avec la mise en oeuvre d'ACCIS – proposition n° 15. Dans l'attente d'une éventuelle généralisation d'ACCIS à l'ensemble des activités, il faudrait envisager sa mise en oeuvre obligatoire pour les entreprises de l'économie numérique – proposition n° 16. Je rappelle qu'ACCIS a vocation à définir, au niveau européen, une assiette commune consolidée à l'impôt sur les sociétés, assiette qui serait ensuite répartie entre les États membres sur la base de critères économiques : un tiers pour les immobilisations corporelles, un tiers pour le chiffre d'affaires hors opérations intragroupe, et un tiers pour la main d'oeuvre. Le défaut du projet ACCIS est qu'il est optionnel. Les entreprises qui choisiraient d'y recourir le feraient – et c'est normal de leur point de vue – parce qu'elles y trouveraient un intérêt fiscal. Son application obligatoire au secteur du numérique permettrait de résoudre certains problèmes actuels. Pour reprendre l'exemple de Google, et dans l'hypothèse où l'on parviendrait à limiter voire annuler les transferts à destination des paradis fiscaux, ACCIS permettrait de répartir les bénéfices – concentrés en Irlande – entre les différents États membres, à proportion de l'activité réalisée sur leurs territoires respectifs. Dernière proposition au niveau européen, nous recommandons de promouvoir une définition européenne des États et territoires non coopératifs – proposition n° 17.

Les propositions nationales sont les plus nombreuses. L'encadrement des pratiques d'optimisation passe d'abord par une adaptation de la procédure d'abus de droit. Il s'agirait de renforcer la portée de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales en précisant que les actes constitutifs d'un abus de droit n'ont pas « exclusivement » mais « principalement » pour but d'atténuer ou d'éluder les charges fiscales que le contribuable aurait normalement supportées – proposition n° 1. En effet, à l'heure actuelle, il peut être assez aisé pour l'entreprise d'opposer à l'administration ne serait-ce qu'un seul argument de caractère non fiscal, même ténu, à l'appui de l'acte contesté pour lui permettre d'échapper à la procédure d'abus de droit.

S'agissant des charges déductibles il conviendrait de modifier l'article 238 A du code général des impôts afin d'aligner les conditions de déductibilité des charges logées dans des États à fiscalité privilégiée sur celles, plus exigeantes, des charges logées dans des États et territoires non coopératifs – proposition n° 7, d'autant que la liste regroupant ces derniers s'amenuise d'année en année.

Concernant les prix de transfert, nous avons retenu plusieurs propositions formulées par l'Inspection générale des finances. Nous avons toutefois écarté celle consistant à traduire dans la loi le principe de pleine concurrence puisque la jurisprudence administrative suffit à l'exercice efficace du contrôle fiscal en la matière. En revanche, il faudrait modifier l'article 57 du code général des impôts afin de supprimer la condition de dépendance ou de contrôle lorsque les transactions s'effectuent avec des entreprises établies dans des États et territoires non coopératifs – proposition n° 2. Il conviendrait par ailleurs de prévoir la mise à disposition de la comptabilité analytique et consolidée des entreprises soumises à l'obligation de documentation des prix de transfert en application de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales – proposition n° 3. La mission préconise également la suppression du caractère automatique de la suspension de l'établissement de l'impôt pendant la durée de la procédure amiable prévue dans les contrôles de prix de transfert – proposition n° 4, suspension qui n'est en vigueur dans aucun des pays faisant l'objet d'une analyse par l'Inspection générale des finances. Nous recommandons aussi de délier la pénalité pour manquement à l'obligation documentaire de l'existence d'une rectification – proposition n° 5. En effet, en l'état du droit, l'administration fiscale n'applique aucune pénalité de la sorte lorsqu'elle n'opère pas de rectification in fine alors même que le manquement à l'obligation documentaire peut expliquer l'absence de rectification, faute d'informations suffisantes à la disposition de l'administration.

Enfin, nous proposons, dans certaines situations « à risque », notamment le business restructuring, de faire peser sur le contribuable la charge de prouver le caractère normal des prix de transfert – proposition n° 6. Une telle mesure serait particulièrement utile à l'administration fiscale.

S'agissant des produits et entités hybrides, nous proposons deux mesures. Il faut envisager l'instauration de mesures visant à empêcher la déduction ou l'exonération en France d'un flux ou produit déjà déduit ou exonéré dans un autre État – produits dits « hybrides » – proposition n° 8. Il convient également de réfléchir à l'instauration de mesures visant à empêcher une entreprise de tirer un bénéfice fiscal résultant d'une différence de qualification juridique de son statut dans deux États différents – entités dites « hybrides » – proposition n° 9.

Une autre série de mesures vise à renforcer l'information de l'administration fiscale et la sécurité juridique du contribuable. Nous proposons, au terme d'une démarche concertée, de rendre obligatoire la communication préalable à l'administration fiscale des schémas d'optimisation procurant un avantage fiscal substantiel, et de promouvoir parallèlement un recours plus fréquent à la procédure de rescrit – proposition n° 10. De tels dispositifs existent aux États-Unis et au Royaume-Uni. Nous préconisons également de favoriser la transmission à l'administration fiscale française des rulings bénéficiant, dans d'autres États, à des entités françaises – têtes de groupe ou filiales – proposition n° 18. Enfin, il s'agirait de généraliser au sein de l'Union européenne la « transparence pays par pays », puis de promouvoir auprès des États non membres de l'Union européenne l'adoption d'une règle similaire – proposition n° 19.

Nos trois dernières propositions entendent promouvoir le civisme fiscal des entreprises privées et publiques, tout d'abord en élargissant le champ de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises aux conséquences fiscales de leurs activités et de leurs stratégies – proposition n° 20. Par ailleurs, il convient que l'État prenne en compte le civisme fiscal dans la gestion de ses participations – proposition n° 21. À cet égard, l'audition de l'Agence des participations de l'État – l'APE – avait été éclairante, l'APE ne se souciant pas fondamentalement des pratiques d'optimisation des entreprises dans lesquelles l'État détient des participations. Une telle affirmation est assez surprenante puisqu'on peut considérer à bon droit que l'État ne peut pas totalement se désintéresser du civisme fiscal des entreprises dont il est actionnaire. Enfin, il pourrait être utile de suggérer à la Cour des comptes de prévoir l'inclusion d'un développement spécifique sur le civisme fiscal dans ses rapports de contrôle sur la gestion des entreprises publiques – proposition n° 22.

Pour conclure, le rétablissement d'une imposition « normale » des profits des entreprises multinationales est un sujet essentiel. Autrement, la charge fiscale se reporte sur les facteurs de production les moins mobiles – le travail – ou les contribuables moins bien outillés pour tirer profit des subtilités fiscales – les très petites et les petites et moyennes entreprises, qui n'ont pas les facultés d'optimisation des grandes entreprises. Poussée à l'extrême, l'optimisation fiscale contrevient au principe d'égalité devant l'impôt consacré par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui commande que la charge fiscale soit répartie en fonction des facultés contributives de chacun. C'est pourquoi le sujet nous paraît mériter la plus grande attention, à l'échelle nationale, européenne et internationale.

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