Intervention de Philippe Gomes

Réunion du 3 octobre 2012 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

L'amendement CE 47 vise à interdire la délivrance de nouvelles autorisations par la commission départementale d'aménagement commercial dès lors que, dans une zone de chalandise donnée, la surface de vente détenue par un même groupe serait supérieure à 50 %.

L'amendement proposé s'inscrit dans un cadre juridique contraint : de fait, la loi Sapin de 1993 a modifié la loi Royer de 1973 afin que, dans les départements d'outre-mer, aucun groupe ne puisse disposer de plus de 25 % de parts de marché dans un secteur donné. Cette modification a ensuite été corrigée à deux reprises, en 1996 puis en 2003, avant d'être abrogée en 2008 par la loi de modernisation de l'économie (LME). Ce dispositif posait en effet des difficultés d'analyse juridique, non seulement du fait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel mais également du droit communautaire ainsi que du principe en vertu duquel ce n'est pas la position dominante elle-même qui est contestable mais bien son abus.

Or, quelles qu'aient été les dispositions adoptées, les manifestations qui se sont déroulées ou les gouvernements qui se sont succédé au cours des vingt dernières années, les groupes dominants sur les îles concernées ont incontestablement continué à prospérer et à renforcer leur domination.

En conséquence, ainsi que l'a souligné l'Autorité de la concurrence dans le rapport qu'elle a remis en 2009 à la suite des événements ayant eu lieu en Guadeloupe, les prix pratiqués en outre-mer pour la majeure partie des produits alimentaires et des denrées de base sont supérieurs de 50 % à ceux pratiqués en métropole. Or, la majeure partie des territoires ultramarins sont insulaires : la clientèle y est donc captive et par conséquent obligée de courber l'échine face à ces groupes installés et dominants, qui ne facilitent évidemment pas l'installation de nouveaux acteurs. La capacité à mettre en place, à développer et à maintenir une forme de concurrence se réduit donc telle une peau de chagrin.

C'est pourquoi, si le projet de loi va dans le bon sens, je crains qu'il ne subisse le même sort que les textes précédents, en dépit du volontarisme de chacun. On constatera alors d'ici un à trois ans, lors d'une prochaine manifestation ou de la publication d'un nouveau rapport de l'Autorité de la concurrence, que les prix demeurent 50 % plus élevés qu'en métropole et que les nouveaux dispositifs adoptés n'ont pu être mis en oeuvre du fait de la puissance juridique et financière de ces groupes et du lobbying qu'ils exercent.

Voilà pourquoi j'ai déposé cet amendement, qui a vocation à être amélioré dans la mesure où la réflexion sur le sujet doit être collective. Il me semble néanmoins juridiquement défendable face à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et au droit communautaire.

Quant à l'amendement CE 48, s'il a moins d'impact que l'amendement CE 47, on peut néanmoins l'envisager comme un complément du précédent puisqu'il vise également à évaluer la force d'une entreprise dans une zone de chalandise donnée sans pour autant lui interdire de bénéficier d'autres autorisations. Il dispose en effet que lorsque la commission départementale d'aménagement commercial est saisie par une entreprise souhaitant ouvrir une nouvelle surface de vente et disposant déjà de 30 % des surfaces autorisées dans la zone, l'Autorité de la concurrence, véritable gendarme de la concurrence sur le territoire de la République, donne un avis indépendant et rendu public sur cette nouvelle autorisation.

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