Intervention de Michel Boucly

Réunion du 10 juillet 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michel Boucly, directeur général adjoint de Sofiprotéol :

Je commencerai par vous parler des origines de Sofiprotéol. Un deal avait été passé depuis les années soixante entre les États-Unis et l'Europe : l'Europe protégeait ses céréales et importait du soja américain. En conséquence de quoi, nos huiles et nos protéines étaient importées. En 1983, nos agriculteurs, par le biais de cotisations, ont constitué un fonds d'investissement, Sofiprotéol, pour trouver des débouchés aux productions de colza, de tournesol et de pois, plantes qui fabriquent des protéines, pour éviter la monoculture du blé. Il s'agissait d'une démarche profondément originale initiée par le monde agricole, visant à développer en Europe la production de ces plantes au travers, notamment, d'innovations.

Les caractéristiques de cette société en font un exemple unique dans le monde agroindustriel.

En premier lieu, il y a un double métier chez Sofiprotéol : nous sommes à la fois des investisseurs et des industriels. Nous prenons des participations, nous accordons des prêts, nous avons un rôle de banque de développement pour toutes les entreprises de la filière, que nous soutenons à partir du moment où elles poursuivent le projet d'être autonomes en matière de protéines et d'huiles sur notre continent. À côté de ce métier d'investisseur financier, nous sommes des industriels et nous intervenons, dans les secteurs de l'huile et de l'aliment du bétail, pour valoriser les protéines végétales.

Dans la brochure qui vous a été distribuée, vous retrouvez le schéma complet de la filière. À l'origine, il y a la graine de colza : 60 % de protéines, de tourteaux protéiques, qui vont nourrir le bétail, et 40 % d'huile. La mission de Sofiprotéol est de valoriser ces productions en partant du territoire : il y a donc le métier de la collecte de ces graines ; puis le métier de la trituration, qui consiste à écraser les graines pour en faire de l'huile : huile alimentaire et huile carburant – l'idée étant de remplacer, grâce au biodiesel, une partie de matière fossile par de la chimie renouvelable. Il s'agit ensuite de trouver, pour l'alimentation du bétail en Europe, des solutions autonomes qui nous affranchissent de la dépendance totale au soja importé des États-Unis, puis du Brésil. Sofiprotéol investit donc dans des entreprises qui valorisent les huiles et les protéines, et dans des entreprises qui accompagnent les agriculteurs pour leur donner des facteurs de production innovants, leur permettant d'inscrire ce projet de production autonome dans une agriculture durable.

En second lieu, nous sommes une structure profondément originale, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, notre idée est d'investir et d'être présents tout au long de la filière, de façon à constituer une équipe qui soit compétitive à tous les niveaux. Nous ne sommes pas comme un groupe capitaliste classique qui s'investirait au niveau mondial sur un seul métier. Nous sommes un groupe lié aux territoires. Nous avons été conçus par les agriculteurs français pour développer de la richesse au niveau local. Nous avons la chance d'avoir en France des conditions climatiques optimales sur la planète, surtout en cette période de changements climatiques. Quelles que soient les incertitudes traditionnelles, la sécurité de nos récoltes est très supérieure à ce qui se passe dans le reste du monde.

Deuxièmement, nous sommes liés à des matières premières – graines de colza, de tournesol, de pois – que l'on peut produire en France et qui peuvent faire l'objet d'une transformation industrielle. Cela explique que le nombre des salariés de Sofiprotéol en France, qui était en 2003 de 400 personnes, est aujourd'hui, après vingt ans d'existence de la société, de plus de 5 000 personnes. Sur cinq ans, nos investissements industriels ont atteint un milliard d'euros ; et nous réalisons 75 % de notre chiffre d'affaires en France.

Nous sommes donc un groupe profondément lié aux territoires, dont la mission est de valoriser les productions françaises et de rendre à notre pays une autonomie protéique ainsi qu'une autonomie en huile et en carburant – grâce au biodiesel.

Vous trouverez dans la brochure qui vous a été distribuée, des éléments sur Sofiprotéol. Je mentionnerai toutefois ce chiffre qui illustre le travail réalisé : notre chiffre d'affaires est passé de 300 millions, en 2003 à 7,3 milliards en 2012. Cette croissance « à la chinoise » est donc possible sur le territoire français, à partir de ces productions oléagineuses. Il faut dire que le marché de la protéine est illimité. Songez que l'on importait 75 % de nos protéines de soja des États-Unis. Et alors même que nos réglementations sanitaires sont différentes de ces pays, nous importions, au début des années 2000, la totalité de l'élevage du bétail, principalement de l'Amérique du Sud.

Nous avons regagné 55 % d'autonomie protéique. En d'autres termes, aujourd'hui, 55 % des protéines qui alimentent nos animaux sont produites en France. Cela a été rendu possible parce le fait que nous avons trouvé un débouché pour l'huile coproduite avec les tourteaux. Il y avait un besoin illimité de protéines dans notre pays, mais le problème était que l'huile alimentaire ne se développait pas. L'utilisation de l'huile en biodiesel a permis de débloquer cette filière et ces cultures, et de répondre à la constante demande en protéines.

Notre politique générale est de trouver, pour l'ensemble des composantes des plantes colzatournesol, des débouchés, avec une logique très spécifique. En effet, Sofiprotéol a vocation à réinvestir la totalité de ses profits, soit dans les entreprises qu'elle accompagne ; soit à travers des investissements industriels.

Le lien avec les territoires, cette vision « filière », et le fait de réinvestir tous ses profits sur le territoire font de Sofiprotéol un objet original et unique. Nous avons conceptualisé nos objectifs de développement par filière – huiles, carburant, international, filières animales – et en termes de développement durable, en fixant pour chacun de nos métiers des exigences financières liées à la contribution sociétale du métier. Ce fut un exercice stratégique unique puisque, pour chacune de nos activités, nous avons regardé les incidences qu'elles pourraient avoir sur l'emploi, l'innovation, la lutte contre le réchauffement climatique, l'apport de nourriture dans notre pays, et nous avons fixé à nos managers des seuils de rentabilité d'autant plus élevées que leur contribution sociétale serait moins vertueuse – ce qui en fait le dernier élément d'unicité de notre dispositif.

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