Intervention de Yves Fromion

Réunion du 10 juillet 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, rapporteur :

La LPM, dont j'avais été l'un des rapporteurs, était présentée à l'époque comme une « loi de production ». Si la crise des finances publiques de l'automne 2008 a lourdement pesé sur son exécution financière, la LPM a incontestablement contribué à une réelle modernisation de nos forces armées, une diversification fonctionnelle et une amélioration des performances, constatée en opérations extérieures, notamment en Afghanistan.

Un grand nombre de programmes d'équipements majeurs ont en effet commencé leurs premières livraisons tandis que d'autres arrivaient à leur terme, conformément à la programmation.

Les crédits de la dissuasion, tout d'abord, se sont maintenus à un niveau élevé. Les sommes prévues ont permis de poursuivre la modernisation des composantes et d'assurer ainsi son avenir.

Concernant la fonction « protection », la plupart des objectifs capacitaires ont été atteints : la modernisation du réseau de détection aérienne français est engagée avec la commande de plusieurs radars au titre de l'étape 4 du programme SCCOA. En matière de cybersécurité, la DGA a tenu ses objectifs de renforcement de l'expertise de l'État. Elle s'est également assurée, en coopération avec l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI), de la disponibilité de produits de sécurité de haut niveau.

Concernant la fonction « intervention », de grands programmes d'équipement ont été livrés à l'armée de terre selon le calendrier initial et ont permis de moderniser sa composante coercition : système FELIN, VBCI, Tigre et Caesar.

La marine nationale a également reçu des équipements de grande qualité : FREMM, BPC et NH90, tandis que l'armée de l'air a reçu de nombreux Rafale.

La crise budgétaire a diminué les ressources, ce qui a nécessairement contrarié la programmation.

La fonction « connaissance et anticipation », pourtant érigée en priorité par le Livre blanc a souffert de retards importants. Ils concernent tout d'abord les capacités satellitaires et notamment le programme MUSIS, successeur du programme Hélios. Devant comporter une composante optique et un autre radar, il avait été initialement conçu dans le cadre d'une coopération européenne ambitieuse. Peu à peu, nos partenaires se sont retirés et, confrontée au risque de ne pas pouvoir remplacer la capacité d'observation assurée par Hélios, la France a pris l'initiative de lancer elle-même la composante satellitaire optique (CSO). Nous continuons à espérer que nos partenaires rejoindront le programme, les Allemands portant en théorie la partie radar, au même titre que les Italiens, avec le système Cosmos-Skymed. La CSO ayant été lancée afin de constituer des briques élémentaires pour MUSIS, une impulsion politique est aujourd'hui nécessaire pour parachever le programme.

Dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique, nos capacités reposent sur quelques micro-satellites lancés dans le cadre d'un programme d'étude amont. Le lancement du programme CERES, qui doit les remplacer, a quant à lui été décalé au moins jusqu'en 2015. Cette situation commence à devenir particulièrement problématique.

Je ne sais pas s'il faut particulièrement insister sur l'affaire des drones MALE, qui est particulièrement calamiteuse. Ce programme n'existe pas pour des raisons politiques et industrielles. Les industriels n'ont en effet pas été capables de s'entendre pour produire un équipement européen et il n'y a pas eu de volonté politique suffisante pour les y contraindre.

Le programme nEUROn a quant à lui été tenu : il s'agissait de développer le démonstrateur d'un futur drone de combat. Il a permis d'assurer un plan de charge aux bureaux d'étude de Dassault aviation et d'organiser une forme de coopération industrielle européenne.

La fonction « intervention » n'a pas atteint les objectifs de la LPM du fait de faiblesses touchant à la projection et aux capacités de combat médian. L'aéromobilité souffre d'insuffisances bien connues : le retard de l'A400M, dont les causes sont essentiellement industrielles, a fait peser une charge excessive sur les flottes âgées de C160 Transall et de C130 Hercules, malgré l'achat d'avions de transport légers Casa CN235, et occasionné un surcoût de maintien en condition opérationnelle (MCO). Cette situation contraint sérieusement l'entraînement des parachutistes.

Si la modernisation de notre aviation de combat a été poursuivie grâce à l'entrée en service d'escadrons de Rafale, elle a également connu des retards préjudiciables, essentiellement imputables au report de la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D, décidée pour des raisons budgétaires afin d'absorber la production de Rafale initialement prévue pour l'exportation.

S'agissant du segment terrestre, les moyens de combat médians semblent les plus fragilisés. Ceux d'entre nous qui ont pu se déplacer sur les théâtres d'opération ont constaté l'état de nos VAB ou AMX10 RC.

L'un des gros problèmes de la LPM qui s'achève tient à l'insuffisante maîtrise des coûts de MCO. Les matériels neufs et anciens ont des coûts de MCO particulièrement élevés. L'économie se réalise à mi-vie. Or la LPM 2009-2014 a équipé les armées de matériels neufs et la période actuelle coïncide avec la fin de vie de toute une autre série de matériels. Il y a donc un élément de conjoncture difficile à gérer.

La préparation de la précédente LPM s'agissant de la maîtrise du coût du MCO n'a pas été suffisamment précise, et il faudra en tirer les enseignements pour la prochaine. Par ailleurs, nous insistons sur la nécessité de conserver des capacités industrielles étatiques. La répartition des tâches avec le secteur privé ne doit pas être idéologique mais se faire au cas par cas.

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