Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 10 juillet 2013 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président :

Je confirme qu'aujourd'hui nous sommes face à une poursuite très lente du vieillissement – la situation s'est nettement améliorée par rapport à celle qui prévalait entre 1980 et 2010 –, alors que le volume des travaux a quasiment atteint la saturation. Il est toujours possible d'améliorer l'organisation de nos chantiers, mais il n'est pas raisonnable d'escompter une augmentation significative des travaux. Les débats sont souvent vifs avec les conseils régionaux.

Le vieillissement n'est pas inéluctable pour autant. Il convient d'orienter nos travaux vers les lignes qui le méritent le plus. Depuis 2007 et 2008, nos moyens ont ainsi été concentrés sur les petites lignes, car, si nous n'avions rien fait, nous aurions dû les fermer. Une fois que ces lignes auront été traitées – soit par les investissements qu'elles méritent, soit dans certains cas par un transfert à la route –, il deviendra possible de réorienter nos moyens vers les grandes lignes, non sans provoquer des difficultés d'arbitrage encore plus importantes entre les travaux et la circulation. Si l'enveloppe de 2,5 milliards perdure encore quinze ans, nous réussirons à remettre notre réseau à niveau.

L'article 4 des statuts de RFF n'est rien d'autre qu'une règle normale de retour sur investissement : une entreprise investit à la hauteur du retour attendu de ses investissements. Cet article protège RFF qui, autrement, subirait des pressions très fortes. De plus, je le confirme, il est appliqué efficacement. Le taux d'intérêt actuariel de 8 % comprend 3 % de prime de risque.

Toutefois, avec 32 milliards d'euros de dettes et une perspective de 40 milliards, voire davantage, dans trois ou quatre ans, le calcul actuariel doit peut-être, à un moment ou un autre, céder la place à l'analyse du bilan, mais les décisions appartiendront aux pouvoirs publics. Le souci de l'entreprise RFF est d'investir à bon escient : le conseil d'administration y veille et les discussions avec les ministères se déroulent dans de bonnes conditions.

S'agissant des 1,5 milliard d'euros de productivité, dont vous doutez, je rappellerai qu'un gain de 10 % de productivité sur l'infrastructure en cinq ans – cela fait 2 % par an – est à la portée de toute entreprise. Je prends un exemple : la séparation entre RFF et SNCF Infra a pour conséquence de dédoubler la maîtrise d'ouvrage. Par ailleurs, lorsque nous réalisons des travaux qui sont, sur le plan comptable, des investissements, mais, sur le plan économique, des frais de fonctionnement puisqu'ils se renouvellent tous les ans, l'absence de visibilité de nos ressources sur plus de deux ans se répercute à la hausse sur les marges réclamées par les entreprises, alors que, dans le cadre d'un système intégré, nous pourrons programmer nos investissements sur cinq à dix ans, ce qui permettra d'obtenir de meilleurs prix. Nous entrerons alors dans une logique de coopération avec la filière industrielle, en maintenance comme en ingénierie ou en travaux. Ces remarques concernent le GIU.

S'agissant du groupe public, je prendrai un autre exemple. En matière de bruit ferroviaire, RFF raisonne en termes de murs anti-bruit et de traitement de la voie, et la SNCF en termes de bruit des roues et de traitement des moteurs. Si nous travaillions ensemble, nous pourrions trouver des solutions à la fois meilleures et moins coûteuses. L'éclatement du système, qui répondait à des objectifs de meilleures performances, a donc eu des effets contraires. Voilà pourquoi les gains de productivité que j'ai évoqués sont réalisables. Sur le milliard et demi, nous demandons 500 millions à l'État via le non-prélèvement de ses dividendes et de l'impôt sur les sociétés : l'effort réel de productivité s'élèvera donc à un milliard, qui correspond à 5 % de productivité globale à échéance de cinq ans – le système ferroviaire coûte 20 milliards par an. Je rappelle aussi que sur ses 38 milliards de chiffre d'affaires, la SNCF pourra dégager 500 millions d'euros pour améliorer le réseau. C'est pourquoi je ne partage pas votre scepticisme : un système intégré nous permettra de travailler plus efficacement.

La réforme annoncée par le ministre le 29 mai dernier est compatible avec le droit européen en vigueur. Celui-ci prévoit en effet l'indépendance des fonctions essentielles, qui seraient logées dans le gestionnaire d'infrastructure, lequel serait rattaché à sa maison mère sans l'être à l'entreprise ferroviaire. Pour garantir que l'entreprise ferroviaire n'aura pas d'autorité sur le gestionnaire d'infrastructure via la maison mère, le Gouvernement a prévu la création d'un conseil de surveillance composé des parties prenantes et celle d'un directoire composé des deux présidents des filiales, sans voix prépondérante. La maison mère ne pourra donc pas imposer ses volontés au gestionnaire d'infrastructure. En revanche, la réforme n'est pas compatible avec la proposition de quatrième paquet de la Commission européenne, qui tend soit à la séparation totale, soit à l'édification de véritables « murailles de Chine » – les présidents des filiales ne pourraient alors plus faire partie du directoire de la maison mère. Il n'est pas raisonnable, toutefois, d'anticiper un droit communautaire qui n'est pas encore défini : la discussion sur la partie institutionnelle du quatrième paquet n'a pas encore débuté. La France pourra faire valoir son point de vue le moment venu.

Monsieur Philippe Duron, oui, nous avons l'ingénierie nécessaire. RFF – et je rends hommage à mon prédécesseur – a assuré le développement d'une ingénierie ferroviaire française en dehors même de SNCF-RFF. La France dispose de quatre grandes ingénieries : Systra – filiale SNCF-RATP – ; SETEC, qui est possédé par ses membres ; Egis, qui est une filiale de la Caisse des dépôts et consignations ; et Ingérop. J'ai bien l'intention de poursuivre dans cette voie pour une raison bien simple : la diversité des savoirs et des équipes permet de renforcer la France à l'international.

L'intégration risque-t-elle de nous faire perdre cet apport important ? Le système tel qu'il a été conçu en 1997 ayant, comme on dit, épuisé sa force propulsive, il est temps de passer à une autre étape. RFF, qui détient la totalité des compétences du gestionnaire d'infrastructure, n'a malheureusement pas les moyens de ses compétences, lesquels sont au sein de SNCF Infra et de la DCF. C'est la logique même de l'évolution de l'acquisition des savoirs et des compétences qui nous conduit à disposer des moyens de nos compétences. Cette nouvelle étape permettra à RFF de valoriser son apport.

Enfin, entre 2008 et 2012, les subventions de l'État ont baissé de 500 millions en euros courants et de 750 millions en euros constants. Parallèlement, les péages ont augmenté de 1 milliard, soit 750 millions en euros constants. Je ne peux que regretter l'assèchement de la réserve de hausse des péages, qui augmenteront désormais comme l'inflation. Si les péages augmentaient d'un point au-delà de celle-ci, le financement du réseau serait stabilisé, mais ce n'est qu'une hypothèse.

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