Dans ma présentation de l'application de la loi de financement pour 2013, je laisserai de côté les mesures qui trouveront un prolongement dans le projet de loi de financement pour 2014. À la différence des mesures présentes dans la partie recettes dont la très grande majorité ne nécessitait pas de texte d'application, celles portées par mon ministère ont exigé des décrets ou des arrêtés : 35 articles demandaient 40 décrets d'application. Sur ces 40 décrets, 14 ont été publiés ; trois ont une date d'application différée et deux ont été suspendus. À ce jour, il reste donc 21 textes à prendre, dont 12 font actuellement l'objet d'une consultation au Conseil d'État et 9 font l'objet d'échanges avant leur publication.
Comme M. Christian Paul l'a dit, cette loi n'est pas seulement une succession d'articles. Elle a permis d'engager de nombreuses actions dont je veux faire ici un premier bilan.
Sur le plan financier, le déficit a été stabilisé et les dépenses ont été maîtrisées. Cette stabilisation du déficit, au lieu de la diminution attendue, en raison de recettes inférieures aux prévisions, a suscité un débat au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Je n'y reviens pas.
Nous avons atteint et même amélioré nos objectifs d'économies sans avoir pour autant sollicité des contributions nouvelles ou complémentaires de nos concitoyens. Notre volonté était, dès cette loi, de renforcer la protection en matière de santé et d'accompagnement social des Français.
Protéger les Français, c'est d'abord rendre pleinement effectif l'accès aux droits. Deux mesures illustrent cet objectif.
La première, c'est la gratuité de la contraception remboursable pour les mineures. La loi permet ainsi d'améliorer l'accès et le recours aux contraceptifs remboursables des mineures de plus de 15 ans, en levant la barrière financière que représentait le reste à charge. Depuis le 31 mars 2013, ces contraceptifs sont remboursés à 100 %, contre 65 % auparavant. Plus de 1,1 million de jeunes femmes sont potentiellement concernées par cette mesure.
Seconde mesure emblématique : la prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse (IVG). Le taux de remboursement par l'assurance maladie était de 80 % pour l'IVG chirurgicale à l'hôpital public. Pour les IVG médicamenteuses, ce taux était de 70 %. La loi a permis de supprimer la participation de l'assurée pour les actes liés à l'IVG, qu'elle soit médicamenteuse ou chirurgicale. Le décret est entré en vigueur le 31 mars 2013. Là encore, cette loi marque un progrès important.
Protéger les Français, c'est également permettre à chacun de se soigner. La deuxième série de mesures de la loi de financement vise ainsi à favoriser l'accès de tous à des soins de qualité.
En premier lieu, la loi votée par le Parlement a posé les premiers jalons d'une réhabilitation du service public hospitalier, indispensable à notre système de santé.
Il a ainsi supprimé la convergence tarifaire. Le gouvernement précédent avait initié un processus de convergence des tarifs des secteurs public et privé, orienté vers les tarifs les plus bas. Mais les principes sur lesquels il reposait n'étaient que partiellement équitables. D'abord, le rapprochement des tarifs était arbitraire. Ensuite, la convergence ne permettait pas de reconnaître l'existence d'obligations différentes qui pèsent sur les établissements de santé selon leur statut. Enfin, l'application concrète de la convergence tarifaire a inutilement provoqué des crispations au sein du monde hospitalier.
La suppression de la convergence tarifaire constitue donc la première étape d'une réhabilitation du service public hospitalier qui trouvera son prolongement dans la loi de santé publique dont l'objet est bien plus large qu'une loi de financement.
La loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST), en privilégiant une approche matérielle du service public hospitalier, a considérablement réduit celui-ci. À l'inverse, dans la loi de financement, nous avons reconnu la spécificité du service public hospitalier en le dotant d'un mécanisme de financement particulier Je me suis engagée à aller plus loin dans le cadre de la future loi de santé publique qui portera également sur la mise en place d'un service public territorial de santé permettant d'inscrire, dans chaque territoire, la coopération nécessaire entre les différents acteurs du système de santé et la notion de service public.
En second lieu, la loi de financement pour 2013 constitue une première étape dans la réorientation de notre système de soins à travers trois dispositions.
La première concerne les déserts médicaux. L'article 46 a permis de créer les praticiens territoriaux de médecine générale. L'objectif de cette mesure, inscrite dans le « pacte territoire santé », est de faciliter l'installation de jeunes médecins dans les territoires en voie de démédicalisation. Elle leur apporte une garantie de revenu pendant deux ans maximum.
Cette mesure, directement issue d'une concertation avec les jeunes professionnels, traduit la volonté des pouvoirs publics d'accompagner les jeunes qui prennent le risque de s'installer dans un territoire qu'ils ne connaissent pas et dans lequel ils ont besoin de temps pour constituer une patientèle.
Les principes suivants ont été retenus pour la mise en oeuvre de cette mesure : d'abord, le praticien territorial disposera d'une garantie de rémunération, par l'intermédiaire d'un contrat d'une année, renouvelable une fois ; ensuite, le niveau de rémunération garanti a été fixé à 3 640 euros nets, en concertation avec les organisations de jeunes médecins. Cela correspond à la rémunération d'un praticien hospitalier à temps plein de premier échelon. Un plancher a aussi été déterminé : un minimum de 38 actes par semaine doit être réalisé pour bénéficier de ce complément ;
Les 200 postes de praticien territorial seront pré-répartis par région en fonction d'un indicateur de densité médicale. Cet indicateur prend en compte non seulement le temps réel disponible des médecins, mais aussi les besoins de la population. Néanmoins, la répartition restera souple : si, sur certains territoires, des agences régionales de santé avancent plus vite que d'autres en matière de recrutement ou si des besoins aigus se font sentir, nous ne bloquerons évidemment pas ces avancées.
Le décret qui permettra la concrétisation de cette mesure est actuellement devant le Conseil d'État. Il sera complété dans les prochaines semaines par les mesures concernant la médecine salariée dont le décret est en cours de rédaction. Ce décret, qui sera pris durant le second semestre, permettra de préciser les conditions dans lesquelles un médecin salarié pourra participer à la lutte contre les déserts médicaux. Il précisera notamment les modalités d'indemnisation de sa structure de rattachement.
La deuxième disposition en faveur de l'accès aux soins, prévue par l'article 45, concerne la généralisation d'une rémunération pour les équipes de soins de proximité. C'est en transformant l'exercice médical et en créant les conditions de travail en équipe que nous inciterons les jeunes à s'installer. C'est le socle du « pacte territoire santé » que j'ai présenté après le vote de la loi de financement. Le décret prolongeant les expérimentations en cours sera pris dans les prochaines semaines.
La troisième disposition, inscrite dans l'article 48, concerne l'expérimentation de parcours de soins pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie.
Un appel à projet a été lancé auprès des agences régionales de santé. Huit terrains d'expérimentation ont été retenus : en Île-de-France, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Lorraine, en Aquitaine, en région Centre, dans le Limousin, dans les Pays de la Loire et en Midi-Pyrénées.
Leur mise en oeuvre débutera, comme prévu, au second semestre. Ces expérimentations viseront par exemple à éviter les passages inutiles aux urgences pour les personnes âgées, en travaillant très en amont au sein des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD).
D'autres territoires se sont mobilisés en faveur de ces expérimentations, je m'en réjouis car ces dernières préfigurent l'organisation du système de soins que nous souhaitons mettre en place. C'est pourquoi je lancerai une seconde vague d'expérimentations dès le début de l'année 2014.
La discussion du projet de loi de financement a fait apparaître d'autres sujets mettant en question l'accès aux soins. La priorité donnée par le Gouvernement à ce sujet s'est traduite par une politique volontariste en matière de dépassements d'honoraires. Un accord a été signé le 25 octobre dernier. L'avenant 8 est paru au Journal officiel le 7 décembre 2012. Sa mise en oeuvre a d'ores et déjà permis à 5 millions de personnes supplémentaires – bénéficiaires de la CMUc ou éligibles à l'aide pour une complémentaire santé – d'être soignées au tarif opposable, y compris lorsqu'elles consultent des médecins en secteur 2.
Le dispositif relatif aux pratiques tarifaires excessives a été déployé. Nous menons actuellement une importante campagne d'information et d'avertissement dont les premiers résultats sont encourageants. Certains médecins révisent d'eux-mêmes à la baisse les tarifs qu'ils pratiquent, conformément à l'objectif recherché. Il s'agit en effet non pas de sanctionner par principe, mais de faire en sorte que les tarifs appliqués soient plus accessibles, la sanction intervenant dans un deuxième temps.
Enfin, le nombre de contrats d'accès aux soins signés, par lesquels les médecins s'engagent dans une voie vertueuse en matière d'honoraires, est conforme à nos attentes : au 4 juillet, nous avions passé le cap des 6 000 signatures. Pour que le contrat d'accès aux soins soit mis en oeuvre, un tiers des médecins éligibles doit y souscrire – cela représente 8 000 signatures. Cet objectif devrait être atteint au début de l'automne.
Monsieur Bapt, vous m'avez interrogée sur la CMUc – l'accès aux soins signifie aussi l'accès à une complémentaire santé de qualité, nous aurons l'occasion d'en débattre dans le futur. Le décret relatif aux modalités de remboursement des organismes gestionnaires devrait être examiné par le Conseil d'État dans les jours qui viennent. La déclaration trimestrielle des complémentaires santé gérant les prestations au titre de la CMUc sera remplacée par une déclaration annuelle. Les acomptes resteront versés par trimestre avec une régularisation annuelle. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACCOSS) et le Fonds CMUc ont confirmé être en mesure de réaliser les contrôles nécessaires sans que cela augmente considérablement leur charge de travail. Nous avons toute confiance dans la mise en place de ces mesures dès la parution du décret.
Monsieur Paul, un article a été voté permettant de consacrer à la démocratie sanitaire 5 millions d'euros qui ont été répartis de manière strictement égalitaire entre les agences régionales de santé par un arrêté en date du 3 mars dernier. Les dotations représenteront 192 000 euros supplémentaires par région. J'ai adressé une circulaire aux directeurs généraux des agences régionales pour leur rappeler qu'il s'agit de financements supplémentaires qui doivent faciliter l'exercice de la démocratie sanitaire – et non porter sur des projets de santé publique existants – en particulier en contribuant à la mise en place d'un recueil des attentes et des besoins de tous les acteurs de soins et à des actions de formation des représentants des usagers. Le choix a été fait d'une gestion déconcentrée de ces financements. Les structures nationales pourront y prétendre par le biais de leurs structures locales, car il en existe beaucoup.
La loi de financement porte aussi sur le secteur médico-social.
Dans un contexte financier contraint, la loi réalise des avancées très significatives. Elle prévoit ainsi que 18,2 milliards d'euros seront consacrés aux établissements et aux services médico-sociaux pour personnes âgées et en situation de handicap, soit 650 millions d'euros de mesures nouvelles. Je veux mettre l'accent sur le plan d'aide à l'investissement qui a été maintenu à hauteur de 120 millions d'euros pour contribuer à la modernisation des EHPAD.
Notre action a essentiellement porté sur l'accompagnement des personnes âgées et la création de places dans le secteur du handicap.
L'accompagnement des personnes âgées a bénéficié de 360 millions d'euros supplémentaires. Les crédits destinés aux personnes âgées ont augmenté de 4,6 %, ce qui représente un effort considérable. Ils atteindront ainsi 8,4 milliards d'euros cette année.
Sur les 360 millions d'euros de mesures nouvelles, 147 sont consacrés à la poursuite de la médicalisation des établissements d'hébergement, ce qui permettra une augmentation du taux d'encadrement ; 900 établissements pourront ainsi renouveler leur convention – cela représente la création de quelque 7 000 emplois.
Des moyens supplémentaires permettront de mener à leur terme les plans « Alzheimer » et « Solidarité grand âge ». Au total, 3 200 places nouvelles d'hébergement pour les personnes âgées seront créées.
Cette loi marque aussi un effort financier accru en faveur des personnes en situation de handicap.
Près de 9 milliards d'euros seront alloués aux établissements et aux services médico-sociaux pour personnes handicapées, soit 286 millions d'euros de plus qu'en 2012.
Plus de 3 000 places pourront ainsi être créées cette année afin de répondre aux besoins dans des domaines essentiels tels que le handicap psychique, le poly-handicap, le vieillissement des personnes handicapées et l'autisme, pour lequel un troisième plan a été annoncé le 2 mai dernier.
Vous m'avez interpellée, madame Pinville, sur les graves difficultés que traverse aujourd'hui le secteur de l'aide à domicile. J'ai conscience du fait que, outre son rôle social, ce secteur représente aussi un enjeu en termes d'emploi. Le Gouvernement a donc décidé de créer un fonds de 50 millions d'euros pour aider ces services à se restructurer. Il s'agit non seulement de pallier les situations d'urgence, mais aussi d'anticiper. Le versement de l'aide est en effet conditionné à des engagements de modernisation et d'optimisation.
Vous m'avez interrogée également sur la mise en oeuvre de la loi de financement pour 2009 en ce qui concerne le tarif global dans les EHPAD. Le décret n'est pas encore publié. J'ai chargé l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'une mission pour évaluer les besoins des établissements. Le projet de loi sur le vieillissement devrait traiter cette question en l'articulant avec la priorité fixée par le Président de la République d'une réduction du reste à charge pour les résidents en établissement.
Protéger les Français, c'est aussi donner la priorité à la famille. Dès l'année dernière, madame Lévy, 1 milliard d'euros supplémentaire a été affecté à la branche famille, preuve que le Gouvernement s'en préoccupe. En 2013, le solde de la branche devrait être détérioré de 700 millions d'euros, sous l'effet de la dégradation de la conjoncture économique. Je ne reviens pas sur les mesures annoncées par le Premier ministre, le 3 juin dernier, pour redresser la branche famille : elles seront inscrites dans le projet de loi de financement pour 2014.
Notre politique familiale ne repose pas uniquement sur des prestations. Elle doit également prendre en compte les évolutions récentes de la famille. La loi de financement pour 2013 a ainsi transformé le congé de paternité en congé de paternité et d'accueil de l'enfant. Désormais, le congé est ouvert non seulement au père de l'enfant, mais également au conjoint de la mère, à la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité (PACS) ou vivant maritalement avec elle. Un arrêté a été publié le 3 mai dernier pour actualiser la liste des pièces justificatives à fournir afin de bénéficier de l'indemnisation du congé.
Vous m'avez également interpellée, madame la rapporteure, sur le « décret Morano ». Comme la ministre déléguée à la famille l'a annoncé, ce décret sera abrogé après la signature de la convention d'objectif et de gestion de la branche famille et un nouveau décret sera pris.
Protéger les Français, c'est aussi les assurer contre les risques liés au travail. Le Parlement a adopté une disposition qui permet aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ayant besoin de l'aide d'une tierce personne, de recevoir cette aide. Les deux décrets sont publiés. Le rapport prévu par la loi devrait être prêt pour l'examen du prochain projet de loi de financement : les travaux ont débuté et un membre de l'IGAS a été nommé.
S'agissant de la branche vieillesse, des recettes supplémentaires à hauteur de 7 milliards d'euros ont été votées afin de limiter le déficit de la CNAV et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), traduisant notre esprit de responsabilité avant la réforme à venir.
Un amendement avait été adopté afin de rendre possible la mutualisation des certificats d'existence pour les Français de l'étranger. Ces documents sont périodiquement demandés par les caisses de retraite aux pensionnés qui ne résident pas en France. Le décret s'y rapportant devrait être publié dans le courant du mois de juillet.
S'agissant des retraités agricoles, monsieur Issindou, 1 360 personnes par génération devraient pouvoir bénéficier de la mesure prise. Son coût s'élève à 600 000 euros en 2013 et sera ensuite de 1,2 million d'euros en année pleine.
Dans un contexte économique et financier difficile, largement hérité de la majorité précédente, le Gouvernement suit donc le chemin du redressement avec la volonté de prendre des mesures d'équité et de justice.