La mission d'information, créée le 20 février 2013, a en effet souhaité présenter un rapport d'étape, assorti de conclusions et de propositions, avant la conférence environnementale de septembre prochain. La mission a travaillé à un rythme soutenu, puisqu'une cinquantaine d'auditions ont été réalisées en quelques semaines (ministère chargé de l'écologie, ADEME, représentants des éco-organismes, syndicats d'entreprises du secteur du traitement et des déchets, associations d'élus, censeurs d'État, Autorité de la concurrence, acteurs de l'économie sociale et solidaire, metteurs sur le marché, etc.) et qu'elles ont été complétées par une visite sur le terrain, dans le département de la Mayenne où je suis élu, pour y rencontrer notamment des collectivités territoriales qui ont fait le choix de la redevance incitative.
Le contexte de cette mission est présent à l'esprit de chacun : c'est celui du développement continu des filières REP au cours des années récentes, dans le cadre notamment de la loi « Grenelle II ». Les filières les plus récemment créées sont celles des meubles, des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) et des déchets diffus spécifiques des ménages (DDS). Les montants financiers en jeu ont progressé concomitamment : les éco-contributions perçues par les éco-organismes s'élevaient à 926 millions d'euros en 2011, elles devraient avoisiner 1,4 milliard d'euros en 2015 ; quant aux reversements d'Eco-emballages aux collectivités locales, ils se montent aujourd'hui à 653 millions d'euros.
Pourtant, un rapport du ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie publié au printemps 2012 a prôné une « pause » dans l'extension des filières REP, suggérant de n'envisager une évolution ou extension du champ des REP qu'après la mise en évidence de leur opportunité. Presque simultanément, un avis de l'Autorité de la concurrence a pointé le danger des situations monopolistiques et un certain défaut de transparence des éco-organismes (EO). Par ailleurs, les relations sont parfois tendues entre les collectivités locales et les éco-organismes ou entre ceux-ci et les professionnels du traitement des déchets.
Le principe de la prise en charge de tout ou partie de la gestion des déchets par les acteurs économiques, fabricants, distributeurs, importateurs, qui mettent sur le marché des produits générant des déchets, figure dans la loi depuis 1975 et est désormais codifié à l'article L. 541-10 du code de l'environnement, aux termes duquel « il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à l'élimination des déchets qui en proviennent. »
Aujourd'hui, une vingtaine de filières REP existent, dont les origines sont variées. Certaines sont issues d'une réglementation européenne imposant la création d'une REP, que le législateur a directement transposée : c'est le cas de l'automobile, des déchets électriques et électroniques (DEEE) ou des piles et accumulateurs. Dans d'autres cas, la réglementation européenne était moins directement prescriptive, mais les pouvoirs publics ont fait le choix de la filière REP comme instrument de transposition : par exemple, pour les emballages ménagers, les fluides frigorigènes fluorés, les médicaments ou les lubrifiants. Il existe aussi des REP de création française, voulues par l'État, comme les pneumatiques, les papiers graphiques, le textile, les DASRI, l'ameublement, les DDS ou encore les bouteilles de gaz (à venir). L'inventaire ne serait pas complet si n'étaient pas mentionnées les REP volontaires, comme celles des produits de l'agrofourniture, des panneaux photovoltaïques (qui sera intégrée dans la filière DEEE), des emballages de fertilisants et amendements, des mobil-homes ou des cartouches d'impression bureautique.
Globalement, le sentiment prévaut d'une gouvernance complexe, avec une multitude d'acteurs aux objectifs, responsabilités, statuts et moyens extrêmement variables et d'un défaut général de lisibilité.
Au terme de nos travaux, entretiens et réflexions, la première proposition que nous formulons est celle de favoriser l'émergence d'une véritable filière industrielle du recyclage, c'est-à-dire de faire du recyclage une des priorités stratégiques de notre politique industrielle. Dans un contexte international marqué par une tension de plus en plus forte sur le marché des matières premières, la production à partir de déchets ménagers et professionnels de « matières premières secondaires » constituera un enjeu économique majeur dans les années à venir. Une telle production sera le moyen de limiter les importations de matières premières, dont l'accès sera de fait de plus en plus difficile, et elle contribuera positivement au solde notre balance commerciale. Elle desserrera l'étau de la dépendance au cours desdites matières. Elle sera créatrice de valeur ajoutée et d'emplois, pour la plupart non délocalisables car liés à un gisement hexagonal – ce que d'aucuns appellent désormais les « mines urbaines ». La mobilisation de ce gisement secondaire permettra enfin de diminuer l'impact sur l'environnement de la production, le recyclage ayant de ce point de vue un avantage comparatif par rapport à la production à partir de ressources naturelles, d'incinération ou de stockage.
Une deuxième proposition forte consiste à créer une fonction de délégué interministériel au recyclage et aux matières premières secondaires. Cette création permettrait d'atteindre plusieurs objectifs : personnifier la lutte pour le développement d'un potentiel industriel nouveau, pour lequel notre pays dispose d'atouts et d'une antériorité certains ; donner une impulsion forte à une politique publique à la fois nouvelle, transversale et multisectorielle ; disposer au sein de l'appareil d'État d'un relais à la fois souple et efficace, capable de suivre tous les aspects du recyclage (réglementaire, industriel, local, international), d'en maîtriser les enjeux et d'en accélérer l'essor. Afin d'améliorer le portage politique de la question du recyclage et de l'emploi de matières premières secondaires, on pourrait imaginer que ce délégué soit directement rattaché au Premier ministre, ce qui aurait également l'avantage de mieux asseoir le caractère transversal et interministériel de sa mission. Il pourrait également constituer un interlocuteur de haut niveau à la fois pour les collectivités locales, pour les industriels du recyclage et, le cas échéant, pour les éco-organismes.