Notre mission d'information a effectué un travail à la fois intéressant et intense, avec plus de cinquante auditions en quatre mois, ainsi qu'un déplacement sur le terrain dans le département de la Mayenne. Nos multiples échanges avec les acteurs du secteur nous ont révélé sa complexité tout autant que ses contradictions : le fonctionnement des différentes filières REP reste, au premier abord, difficile à décrypter. Le mettre en perspective relève de la gageure, d'autant plus que de ces échanges ont parfois émergé la volonté de défendre un pré-carré.
Le contexte de nos travaux s'avère, lui, relativement simple : notre modèle de société de consommation se trouve confronté à l'accroissement de ses besoins en énergie ainsi qu'à une raréfaction des ressources, problématique que le débat sur la transition énergétique a mise en lumière. Dès lors, l'utilisation des déchets comme moyen de mettre en place une économie circulaire prend tout son sens, même si cette perspective se heurte à certains corporatismes, et si elle implique une prise de conscience de la part de nos concitoyens. Dans cette optique, nos propositions ont été gouvernées par quelques idées simples : il nous faut réduire la production de déchets, limiter drastiquement le recours à l'enfouissement, ne recourir à l'incinération que si elle permet la récupération de l'énergie ainsi libérée, par exemple en l'utilisant dans des réseaux de chaleur, et faire porter tous nos efforts sur le développement du recyclage.
Le tri sélectif, tout comme la mise en place des filières REP depuis une vingtaine d'années, ont permis de progresser dans cette démarche vertueuse, conforme au principe du pollueur-payeur, par exemple en augmentant le taux de réemploi et en faisant progresser l'éco-conception des produits mis sur le marché. Dans ce dispositif, les collectivités locales, communes ou établissements de coopération intercommunale, occupent une place centrale. Dans le choix de financement de leur service de collecte des ordures ménagères, il nous a semblé que la redevance d'enlèvement des ordures – la REOM, ou redevance incitative – présente de multiples avantages : responsabilisation de l'usager, lien direct entre geste de tri et facturation du service, optimisation des collectes et des circuits sélectifs, et baisse, de l'ordre de 30 % en trois ans dans le cadre du syndicat de communes que nous avons rencontré, du volume collecté au titre des ordures dites résiduelles. Or la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) reste - à 70 ou 80 % - le financement le plus répandu : elle constitue une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties, recouvrée par le trésor public.
Si les modes de collecte, ainsi que leur financement, doivent évoluer comme je l'ai indiqué, il en va également, en aval, des modes de traitement des déchets. L'interdiction du stockage – c'est-à-dire de l'enfouissement définitif – que plusieurs États membres de l'Union européenne comme les Pays-Bas ou l'Allemagne ont déjà expérimenté avec succès, assèche rapidement le stock de déchets et force les acteurs à modifier, dans un sens plus vertueux, leur comportement. Nous devrons y venir, en augmentant de façon drastique la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) correspondante. Nous proposons aussi que, par ricochet, la TGAP portant sur l'incinération connaisse un relèvement similaire.
S'agissant du fonctionnement des filières, certaines rectifications de frontières s'imposent. Le secteur du papier souffre d'un paradoxe : alors que notre pays en utilise relativement peu, le taux de recyclage y est sensiblement inférieur à d'autres pays voisins comme l'Allemagne, qui, plus consommateurs, bénéficient également d'un coût de traitement plus faible. Une partie de la solution réside dans la non inclusion dans le périmètre de la filière de plusieurs « metteurs en marché » importants : je veux parler de la presse, des magazines et des documents imprimés que l'Etat met en circulation. Or le manque à gagner s'avère considérable : près de 40 % du total des éco-contributions n'abondent pas l'éco-organisme de la filière. Un élargissement du périmètre de la filière nous paraît donc souhaitable, notamment afin de dégager des fonds pour la modernisation, par exemple, de notre industrie papetière.