Intervention de Antoine Frérot

Réunion du 9 juillet 2013 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia Environnement :

C'est la cogénération au gaz – et non la cogénération à partir de la biomasse – qui a failli disparaître en France, monsieur Sermier.

La cogénération est une technique qui permet, à partir d'une même source d'énergie – le gaz ou la biomasse –, de produire à la fois de la chaleur et de l'électricité. Contrairement aux chaudières à gaz classiques, les installations de cogénération au gaz se distinguent par leur efficacité énergétique : 75 % de l'énergie primaire est transformée en énergie finale ; les pertes sont donc faibles.

Encore faut-il que l'électricité ainsi produite soit valorisée et vendue. EDF est tenue de l'acheter à un tarif fixé par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), le surcoût qui en résulte pour elle étant financé par la contribution au service public de l'énergie (CSPE). Or, tout au long des douze premières années d'exploitation de la cogénération au gaz en France, la DGEC a constamment cherché à faire baisser les tarifs d'achat de l'électricité ainsi produite. Dans le même temps, ceux de l'électricité d'origine solaire et éolienne étaient considérablement augmentés. Dans ces conditions, les installations de cogénération au gaz sont devenues non rentables.

Nous avons alors commencé à démanteler les plus importantes d'entre elles, essentiellement utilisées sur les sites industriels, et à les remplacer par de plus simples, qui produisent de la chaleur, mais pas d'électricité. Les grands groupes, comme Veolia et sa filiale Dalkia, ont pu réimplanter leurs installations en Europe centrale. D'autres entreprises, en revanche, ont été confrontées à de graves difficultés. Surtout, cette politique a été une erreur du point de vue de la performance énergétique.

Heureusement, la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 2 juillet 2013, a posé le principe d'une meilleure rémunération des installations dont la puissance est supérieure à douze mégawatts. Nous attendons toutefois que les conditions d'achat de cette électricité soient précisées par décret. À notre sens, les parlementaires ont suffisamment insisté pour qu'elles soient fixées de manière à maintenir les installations de cogénération au gaz en France, mais il reste que la partie n'est pas encore définitivement gagnée.

Quant aux installations d'une puissance inférieure à douze mégawatts, qui alimentent généralement les réseaux de chaleur urbains – seules deux ou trois installations exploitées par Dalkia pour le chauffage urbain ont une puissance supérieure à douze mégawatts –, la loi votée le 2 juillet n'en traite pas. Cependant, les services du Premier ministre et le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie se sont saisis du dossier et semblent conscients des risques. Une réunion s'est tenue le 19 juin dernier et les arbitrages devraient être rendus dans les jours qui viennent. À ce stade, je ne suis pas en mesure de vous dire si les tarifs d'achat de l'électricité permettront de maintenir ces petites installations.

Sur ce dossier certes technique et complexe, il convient que les élus locaux soient entendus par le Gouvernement et, plus encore, par l'administration, notamment la DGEC. L'enjeu est également le prix du chauffage pour les particuliers : il augmentera de 10 à 20 % si les petites installations de cogénération au gaz disparaissent, faute de tarifs leur garantissant une rentabilité minimale.

La biomasse constitue, selon nous, la source d'énergie renouvelable la plus prometteuse pour notre pays : elle est effectivement renouvelable ; le bilan carbone de son exploitation est positif ; nous n'avons pas à l'importer, la France étant l'un des pays les plus boisés d'Europe. Cependant, la forêt française est morcelée et insuffisamment exploitée, à l'exception des surfaces – environ un tiers – gérées par l'Office nationale des forêts (ONF). Dans de nombreuses parcelles, le bois tombé lors des tempêtes de la fin des années 1990 pourrit sur place : il n'a toujours pas été ramassé, faute de filières organisées à cet effet.

Notre pays dispose de nombreuses autres ressources en biomasse – paille, divers déchets organiques –, qui peuvent être utilisées comme combustibles ou transformées en produits commercialisables. Veolia vient ainsi d'ouvrir, pour Limagrain, une installation de cogénération à partir des rafles de maïs, qui étaient auparavant mises en décharge. Nous avons également construit, à Graincourt-lès-Havrincourt, près d'Arras, une usine qui produit des engrais à partir de racines d'endives et des rebuts de crème glacée d'une industrie voisine.

Il est nécessaire d'organiser des filières de collecte, à l'échelle territoriale : la biomasse se trouve généralement à proximité des lieux où elle est susceptible d'être consommée, et son transport sur de grandes distances rendrait de toute façon son exploitation peu rentable. Le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est le mieux placé pour conduire ce travail. En outre, il conviendrait de faciliter l'accès aux petites parcelles de forêt privées. Dans l'ensemble, cle ramassage de la biomasse représente un gisement d'emplois locaux.

Néanmoins, pour être compétitive avec la filière nucléaire, la production d'électricité et de chaleur à partir de la biomasse, devra, comme la cogénération au gaz, bénéficier d'aides : obligation d'achat à un tarif fixé par la puissance publique ou subventions du Fonds chaleur. Il convient en effet de financer le surcoût lié à ce mode de production, qui sera néanmoins bien inférieur à celui de l'électricité d'origine éolienne ou solaire.

J'en viens à la situation économique de Veolia, notamment dans le secteur de l'eau. Lors des renouvellements de contrats de gestion de l'eau, les collectivités publiques demandent des baisses de prix allant de 10 à 20 %, parfois au-delà. Or les taux de marge des opérateurs de l'eau avant impôt s'établissent en moyenne à 10 %. C'est d'ailleurs en France que Veolia réalise ses taux de marge les plus faibles : en 2012, ils représentaient la moitié de ceux réalisés en Europe centrale et les deux tiers de ceux réalisés en Chine. C'est également en France que les investissements sont les plus faibles, une grande partie des équipements ayant été largement amortis.

Quoi qu'il en soit, les baisses de prix supérieures à 10 % lors des renouvellements de contrats impliquent que nous abaissions considérablement nos coûts pour maintenir la rentabilité de notre activité. Comme pour les autres activités de Veolia, les coûts des services d'eau se répartissent de la manière suivante : un tiers d'achats ; un tiers de masse salariale ; un tiers représenté par l'amortissement des investissements, les impôts et la marge. Pour baisser les coûts, nous ne pouvons agir que sur les deux premiers tiers : il y aura donc bien un impact important sur l'emploi. Veolia Eau a défini un plan de reengineering et annoncé que 10 % de ses emplois seraient affectés dans les deux ans qui viennent, à condition que la situation ne s'aggrave pas encore.

J'en viens à la question de M. Olivier Falorni : serons-nous capables de maintenir la qualité des services d'eau malgré la baisse de la rémunération des contrats, compte tenu de la rareté de l'argent public ? En conformité avec la réglementation européenne, les services d'eau sont payés non pas par les contribuables, mais par les usagers. Même si les collectivités publiques complètent parfois le financement de certains investissements nouveaux, ce sont donc les budgets des ménages qui sont sollicités.

Tout l'enjeu pour Veolia est bien de maintenir la qualité des services tout en réduisant ses coûts. À l'avenir, les baisses de prix des services d'eau risquent d'avoir des répercussions non seulement sur l'emploi, mais aussi sur les investissements. Certains s'en inquiètent déjà, à l'instar de l'association Service public 2000, fondée par l'Association des maires de France et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, ou encore d'une association de défense des consommateurs citée ce matin dans la presse.

Le service public de l'eau français présente le meilleur rapport qualité-prix en Europe. Vous trouverez quelques comparaisons entre pays européens dans la presse de ce matin : les ménages français paient deux fois moins que les ménages allemands et plus de deux fois moins que les ménages d'Europe du Nord pour des services de qualité équivalente. Seuls les ménages italiens – en Italie, les eaux usées ne sont pas traitées – et espagnols paient des factures moins élevées. Mais nous sommes arrivés à une limite : si les prix baissent encore, la qualité du service public de l'eau sera menacée.

Dans le cadre des appels d'offres à plusieurs tours pour la gestion déléguée des services d'eau, il est de plus en plus fréquent, lorsque Veolia arrive en tête, que les chefs des exécutifs locaux négocient à la baisse le prix de son offre en renonçant à certaines composantes : service clientèle aux heures d'ouverture étendues ; fourniture de bonbonnes d'eau de secours destinées à alimenter la population en cas de dysfonctionnement du service, etc. C'est ce que j'appelle « la tentation du low-cost » : pour préserver à tout prix le pouvoir d'achat de leurs administrés – préoccupation que nous pouvons comprendre –, certains élus sont séduits par des services minimaux. Pourtant, les dépenses d'eau ne représentent en moyenne que 0,8 % du budget des ménages français, contre 4 à 5 % pour les services téléphoniques et 7 à 8 % pour le chauffage.

Madame Sophie Rohfritsch, Veolia est en effet présente dans les trois pôles de compétitivité qui traitent de gestion de l'eau. Cependant, est-il raisonnable d'en avoir trois – il y en avait même huit à l'origine – à l'échelle de la France ? D'autant qu'il en existe deux qui travaillent sur la mer. Notre pays doit choisir : nous ne pouvons pas tout faire partout !

Les pôles de compétitivité ont pour vocation première de rassembler des acteurs aux compétences distinctes – petites et grandes entreprises, monde académique, collectivités territoriales – et de favoriser l'émergence de véritables écosystèmes. Ils sont très liés au territoire sur lequel ils sont implantés. Cependant, les pôles de compétitivité français ne rendent pas tous les services attendus, ni n'atteignent les résultats escomptés. Cela tient principalement à ce qu'on a confondu la fin et les moyens. L'innovation est la finalité des pôles de compétitivité français alors qu'elle n'est qu'un moyen pour leurs équivalents allemands ou britanniques, l'objectif de ceux-ci étant de conquérir des marchés préalablement ciblés – l'ensemble des acteurs économiques et académiques se mobilise alors au service de ce « but de guerre », les collectivités locales jouant un rôle important d'incubateur, et ces pôles de compétitivité allemands et britanniques réussissent mieux que les nôtres.

Le pôle de compétitivité à vocation mondiale « EAU » de Montpellier est néanmoins un contre-exemple : il commence à atteindre ses objectifs. Veolia y est très impliquée, au point de le piloter – le rôle de contrôle revenant à la puissance publique et aux élus locaux. De nombreuses PME de la région Languedoc-Roussillon ont tiré profit de ce travail : plusieurs sont devenues des fournisseurs de Veolia en Chine.

Vous m'avez également interrogé, monsieur Olivier Falorni, sur la vente de notre activité en matière de transports. Transdev est aujourd'hui détenue par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et par Veolia. Nous sommes convenus que la CDC en prendra le contrôle une fois que Veolia aura racheté la participation de 66 % que détient cette entreprise dans la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM). Cependant, conformément à la loi, le comité d'entreprise de Veolia doit se prononcer sur la cession de Transdev. Or il refuse de le faire tant que les incertitudes sur l'avenir de la SNCM ne seront pas levées. Nous espérons qu'elles le seront dans les mois qui viennent, notamment en ce qui concerne la délégation de service public portant sur le transport entre la Corse et le continent. Nous procéderons aux opérations prévues dès que le comité d'entreprise aura rendu son avis.

Les risques à court ou moyen terme pour Veolia sont de deux ordres : son important endettement, qu'il a fallu traiter rapidement, comme je l'ai expliqué précédemment ; la très forte pression sur les prix, notamment en France, que j'ai également évoquée. D'autre part, Veolia devra se séparer de certaines activités ou filiales qui n'ont pas leur place au sein du groupe, à commencer par la SNCM. Aucun repreneur n'étant actuellement intéressé, Veolia devra rétablir la situation économique de cette société avant de trouver un actionnaire susceptible d'assurer son avenir.

S'agissant des attaques contre le modèle de la délégation de service public à Bruxelles, elles tiennent sans doute au fait que les secteurs de l'eau et, peut-être, de l'assainissement ont été retirés du champ de la proposition de directive sur les concessions, après l'avoir été de la directive sur les marchés publics. Nous regrettons cette décision : l'activité de gestion de l'eau se trouve suspendue dans un certain vide juridique. Ce retrait est sans doute moins lié, monsieur Lambert, à l'initiative citoyenne européenne « L'eau : un droit humain » qu'aux craintes respectives de l'Allemagne et de la France : la première préférait écarter le secteur de l'eau du champ de la directive, la seconde souhaitait exclure celui de l'énergie, et il y a peut-être eu de leur part des concessions mutuelles. Toujours est-il que la proposition de directive a été vidée de sa substance.

La position de l'Allemagne tient à ce que la gestion de l'eau, mais aussi de l'énergie, des transports et, parfois, des déchets, y est souvent assurée par des entreprises publiques locales, les Stadtwerke. Historiquement, celles-ci ont cherché à mutualiser les moyens nécessaires au développement de ces différentes activités : ainsi, à la fin du xixe siècle et pendant la première moitié du xxe, les bénéfices du secteur de l'énergie ont permis de financer les infrastructures du secteur de l'eau ; pendant la seconde moitié du xxe siècle, les bénéfices de ces deux secteurs ont financé les déficits du secteur des transports. En Allemagne, ces activités sont donc peu déléguées aux entreprises privées, et les Allemands ne souhaitent guère d'évolution en la matière. Néanmoins, certaines grandes villes – notamment Berlin, en 1999, et Brunswick – ont délégué leur activité de gestion de l'eau. Au total, 10 à 15 % du marché de l'eau allemand est aujourd'hui délégué à des entreprises privées. On assiste aux mêmes débats qu'en France : convient-il de continuer dans cette direction ou, au contraire, de revenir au modèle antérieur ? Les positions sont très diverses : à Berlin, la coalition actuelle souhaite remunicipaliser la gestion de l'eau ; à Brunswick, on souhaite poursuivre l'expérience.

Veolia est en effet intéressée par le marché du démantèlement des plateformes pétrolières. Dans les vingt ans qui viennent, une grande partie des plateformes actuelles – elles sont 450 en mer du Nord et près de 4 000 dans le golfe du Mexique – devront être démantelées. Le processus a d'ailleurs commencé, notamment en mer du Nord. C'est un métier complexe : il faut détacher les plateformes des puits en toute sécurité, puis les remorquer jusqu'à la côte sans polluer, avant de les démanteler et de recycler les nombreux éléments qui peuvent l'être. Veolia a déjà démantelé quelques plateformes au cours des trois dernières années et souhaite développer cette activité.

Veolia est également intéressée par le marché du démantèlement des centrales nucléaires. Cependant, il convient au préalable de développer les techniques nécessaires. La France compte cinquante-huit réacteurs en activité et neuf à l'arrêt, pour certains depuis plus de vingt ans, en particulier ceux de la filière graphite-gaz. Actuellement, on ne sait pas vraiment démanteler les centrales, on est seulement capable de les stocker en totalité dans des puits très profonds. Il conviendrait pourtant de traiter différemment le coeur de la centrale et le bureau du directeur ! (Sourires) Pour cela, il est nécessaire de cartographier les niveaux de radiation et de proposer des filières de traitement adaptées à chacun de ces niveaux. Nous devons également trouver les moyens d'intervenir sur un site sans mettre en danger la sécurité des techniciens. Afin de mettre au point ces différents savoir-faire, Veolia a conclu un partenariat avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

À terme, Veolia souhaite être en mesure de proposer une ingénierie complète de l'intervention sur les sites nucléaires et de leur démantèlement. En revanche, nous pensons nous concentrer seulement sur certaines filières de traitement des déchets. Nous interviendrons donc en complément d'autres opérateurs. À ce stade, Veolia dispose déjà de certaines compétences. Elle est ainsi le sous-traitant de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour le traitement de déchets très faiblement radioactifs. L'an dernier, nous avons également été sollicités par les Japonais pour traiter les eaux irradiées stockées dans le sous-sol de la centrale de Fukushima. Enfin, nous avons décidé de mettre en application les techniques que nous développons avec le CEA sur deux des sites que celui-ci doit démanteler : Marcoule et Cadarache. Le CEA consacre d'ailleurs beaucoup de moyens à ces opérations.

Les perturbateurs endocriniens sont, comme tous les polluants nouvellement identifiés, difficiles à traiter. Ils sont probablement présents dans les eaux usées depuis longtemps, mais on ne s'en souciait guère tant qu'on n'était pas en mesure de les détecter. Leur concentration a sans doute augmenté à mesure que la consommation de médicaments s'est elle-même accrue. Ils inquiètent aujourd'hui les Français.

Dans le cycle de production de l'eau potable, les perturbateurs endocriniens présents dans les eaux de rivière, voire dans les nappes phréatiques, pourraient être bloqués assez facilement par les procédés d'ultrafiltration. Ce sont en effet de grosses molécules. L'ajout de moyens d'ultrafiltration dans les usines de production d'eau potable déjà dotées d'équipements de filtration ne renchérirait que peu le coût du traitement.

S'agissant du traitement des eaux usées, le problème est plus complexe. Si l'on souhaite éviter le rejet dans les rivières de perturbateurs endocriniens qui risquent de nuire à la faune et à la flore, il convient de doter les stations d'épuration d'équipements dont elles ne disposent pas actuellement, ce qui renchérirait cette fois sensiblement le coût du traitement. Je préconise d'employer l'ozone, oxydant fort qui permet de casser ces molécules. L'usage des ozoneurs dans les stations d'épuration a été exclu sans doute un peu rapidement en raison du risque de formation de bromates.

Quant à l'idée de piéger les perturbateurs endocriniens à la source, elle paraît peu réaliste : il s'agit d'une pollution diffuse, qui émane de la plupart des toilettes domestiques. La seule solution est de les bloquer là où ils sont concentrés : dans les stations d'épuration.

Il est exact que nous recyclons beaucoup moins que les pays d'Europe du nord, mais nous payons aussi le traitement des déchets beaucoup moins cher, bien que son coût augmente régulièrement.

Le Royaume-Uni, qui était en retard – il y a vingt ans, on y déversait encore tous les déchets dans les mines de charbon ou dans la mer –, a pris, il y a deux ans, en pleine crise économique, la décision courageuse de supprimer la mise en décharge d'ici à 2020. Pour ce faire, le Gouvernement a considérablement relevé le niveau de l'équivalent de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Parallèlement, il a incité les territoires à se doter de grands complexes de tri, de recyclage, d'incinération et de méthanisation des déchets ménagers et industriels. Le taux de recyclage augmentera considérablement au Royaume-Uni, mais le prix du traitement des déchets également.

Il convient sans doute d'adopter une démarche plus progressive en France : il s'agirait d'augmenter le prix demandé aux usagers pour le traitement des déchets à mesure que nous maîtriserons les techniques permettant de réintroduire les produits du recyclage dans le circuit économique. En effet, certaines technologies nous font encore défaut pour organiser une véritable économie circulaire : cela concerne, outre l'automatisation du tri, le recyclage de certains matériaux nobles. Aujourd'hui, beaucoup de produits du recyclage n'ont pas encore la qualité ou la forme requises pour être directement utilisables par les industriels. Ce sont trop souvent des produits à faible valeur ajoutée revendus en vrac à l'autre bout du monde.

À ce stade, l'économie circulaire est déjà une réalité pour certaines matières : les huiles de moteur usagées collectées dans les garages sont recyclées à 75 % en huile réutilisable de la même manière. Nous ne sommes pas loin d'obtenir des résultats analogues pour les huiles végétales des restaurants. En revanche, ce n'est pas encore le cas pour les déchets électriques et électroniques.

Qui dit économie circulaire ne dit pas nécessairement recyclage à l'échelle d'un territoire. Si l'économie circulaire raccourcit par nature les circuits économiques, l'échelle pertinente pour le recyclage dépend de la quantité de déchets et des technologies utilisées. Ainsi, il n'y a place en France que pour une seule grande usine de recyclage des huiles de moteur. Il en ira sans doute de même pour le recyclage du lithium des batteries électriques. En revanche, pour l'exploitation de la biomasse, je l'ai dit, c'est bien l'échelle des territoires qui est pertinente.

Une révolution fiscale est-elle nécessaire pour organiser l'économie circulaire et, plus généralement, pour promouvoir le développement durable ? Selon moi, toute fiscalité écologique – sur les déchets, sur le carbone – doit reposer sur le principe pollueur-payeur : les comportements vertueux doivent être financés par ceux qui sont préjudiciables à l'environnement. Les agences de l'eau fonctionnent très bien selon ce principe. Il est compréhensible et acceptable par tous, à condition qu'il soit strictement appliqué : les sommes prélevées sur les pollueurs doivent effectivement être consacrées à l'amélioration des performances environnementales ou à la dépollution. Toute autre utilisation remettrait en cause la crédibilité de la démarche. À cet égard, je mets en garde la représentation nationale contre les tentatives récurrentes de ponctionner les fonds des agences de l'eau.

Quant à la tarification incitative que nous avons importée en France il y a quelques années après l'avoir expérimentée en Australie, elle vise davantage à réduire le volume des déchets qu'à favoriser leur recyclage. C'est une technique désormais bien maîtrisée par la plupart des grands opérateurs présents sur le marché français. Si une collectivité nous demande de la mettre en place, nous sommes en mesure de le faire. Nous avons également organisé, dans certains quartiers, une collecte pneumatique, qui permet de supprimer certaines nuisances, notamment les tournées de camions-poubelles.

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