Intervention de Christophe Fournier

Réunion du 9 juillet 2013 à 11h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget de la direction générale de l'armement du ministère de la défense :

En guise de préambule, je voudrais souligner le fonctionnement satisfaisant et collégial du copilotage du programme 146, qui me permet de m'exprimer aujourd'hui d'une seule voix avec le général Le Ray.

Nous sommes ici pour vous rendre compte de la gestion de ce programme au cours de l'année 2012, laquelle se présente à bien des égards comme une année de transition. Une démarche de prudence a ainsi été adoptée pour les lancements d'opérations nouvelles et les engagements principaux afin de ne pas préempter les choix du Livre blanc et de la loi de programmation militaire en cours d'élaboration. L'exécution budgétaire 2012 correspond par ailleurs la première année d'utilisation nominale de l'outil comptable Chorus.

J'aborderai successivement l'exécution budgétaire, la conduite des opérations d'armement, et les indicateurs de performances associés, avant de revenir, à la fin de mon exposé, sur la situation du titre 2 du programme 146.

L'exécution budgétaire est en écart relativement sensible par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2012. Cette situation s'explique, pour les engagements, par la phase d'attente que je viens de décrire et, pour les paiements, par diverses mesures d'annulation ou de gage de crédits de paiements prises par des lois de finances rectificatives (LFR) ou des décrets d'avance.

En 2012, les engagements sur le programme 146 ont atteint 6,2 milliards d'euros alors que la prévision initiale s'élevait à 11,4 milliards d'euros. Ce niveau est exceptionnellement bas par rapport aux années précédentes. Sans remonter à l'année 2009 pour laquelle les engagements représentaient plus de 19 milliards d'euros, on peut rappeler qu'en 2010 et 2011 ces montants dépassaient respectivement 9 et 8 milliards. Nous devons y voir la traduction concrète de la mise en oeuvre à l'été 2012 de la phase d'attente que j'ai déjà évoquée. À cet égard, seuls les programmes relevant de la dissuasion ont été totalement exemptés. De nombreux engagements ont en revanche été décalés, comme ceux concernant les missiles anti-navires légers (ANL), le traitement de l'obsolescence des missiles Aster, la réalisation du futur missile antichar MMP, la rénovation des avions Atlantique 2, ou la commande d'hélicoptères NH90 pour l'armée de terre, repoussée en 2013. Globalement, le niveau des engagements a été réduit de 5,2 milliards d'euros. Cette régulation a eu pour effet de diminuer le besoin de paiements sur l'année 2012 de 400 millions, ce qui a contribué à limiter la dérive du report de charges que j'évoquerai ultérieurement.

Les paiements sur le programme 146 se sont élevés à 9,6 milliards d'euros, ce qui correspond à l'atteinte de la norme de paiement, à quelques milliers d'euros près, et à la consommation de la quasi-totalité des ressources obtenues, la norme de paiement n'ayant bloqué que 29 millions d'euros.

Sur ces consommations, 8,6 milliards d'euros provenaient de ressources budgétaires, soit 9,1 milliards issus de la loi de finances initiale, amputés de 0,5 milliard d'annulation par les collectifs successifs de février 2012 – 200 millions d'euros au titre du sommet social – et d'août 2012 – 22 millions destinés au financement des priorités gouvernementales –, puis par le décret d'avance à hauteur de 176 millions d'euros, et enfin par la loi de finances rectificative de décembre 2012 qui a soustrait 100 millions d'euros au programme 146 pour financer le titre 2.

En plus de ces ressources budgétaires, 938 millions d'euros ont été consommés sur le compte d'affectation spécial (CAS) Fréquences, ce qui correspond à la norme de dépense autorisée pour 2012. L'utilisation de ce compte d'affectation spécial me semble caractéristique de l'usage de ressources extrabudgétaires au profit de la défense. Pour le CAS Fréquences, on a d'abord constaté une mise en place tardive des ressources – avec environ deux ans de retard par rapport aux prévisions –, puis une difficulté pour une consommation qui nécessite souvent des procédures adaptées donnant lieu à des négociations avec les services du ministère du Budget et à une mise en oeuvre très complexes. C'est ainsi que 89 millions seulement ont pu être consommés en 2011, et que l'année 2012 a été la première année d'abondement effectivement significatif du programme 146 par ce compte d'affectation spéciale. Ces difficultés pèsent dans notre niveau actuel de report de charges ; elles pèseront encore plus si les procédures que nous avons pu utiliser en 2012 ne sont pas reconduites pour 2013 – ou si elles ne s'appliquent pas à d'autres ressources extrabudgétaires à venir.

Le report de charges s'établit à 1,8 milliard d'euros à la fin de 2012. Il s'est dégradé de 300 millions d'euros par rapport à 2011. En 2012, nous avons constaté une rupture des paiements dès le mois de novembre. Une attention particulière a été portée au cas des PME car la capacité de les payer dans un délai minimal constitue une préoccupation forte de la DGA. En 2010 et 2011, en raison des difficultés rencontrées dans l'emploi du nouvel outil comptable Chorus, il avait été nécessaire de mettre en place un dispositif de vigilance en liaison avec la mission PME du ministère, complété par quelques mesures dérogatoires permettant de payer ces entreprises même quand tous les éléments nécessaires n'étaient pas disponibles. En 2012, le dispositif de vigilance a été maintenu, mais les progrès dans l'appropriation de l'outil ont permis de réaliser les paiements d'une manière fluide sans qu'il soit nécessaire de recourir à des mesures dérogatoires.

Le niveau des intérêts moratoires constatés confirme les progrès dans la maîtrise de Chorus. Les 6,9 millions d'euros d'intérêts moratoires en 2012, soit 0,07 % de la dépense, sont historiquement faibles. L'objectif du projet annuel de performance, soit 20 millions d'euros, correspondait à 0,19 % de la dépense. Après deux années perturbées par la mise en place de Chorus – 23,5 et 16,3 millions d'euros d'intérêts moratoires respectivement en 2010 et 2011–, le résultat 2012 traduit une meilleure appropriation de l'outil, la résorption de ses dysfonctionnements de jeunesse, ainsi que des efforts accomplis pour améliorer l'efficacité du processus de liquidation. Il faut toutefois être conscient que la diminution régulière du délai global de paiement pèse sur le montant des intérêts moratoires, qui pourraient augmenter à nouveau dans les années à venir si cette évolution se poursuit.

J'en viens à la conduite des opérations et aux indicateurs de performances de la LOLF. L'examen des indicateurs de performance des opérations d'armement principales sur ces dernières années démontre un effort constant sur la tenue de nos objectifs, tant en matière de coûts et délais, notamment pour la livraison des matériels aux forces, que de performances techniques.

En 2012, la plupart des objectifs des indicateurs de performance sont atteints. Les devis sont maîtrisés : alors que leur plafond d'évolution annuelle moyenne à terminaison était fixé à +1,5 %, le résultat s'est établi à -0,30 %. Les délais le sont aussi : pour un plafond d'évolution annuelle moyenne des délais de réalisation fixé à deux mois, le résultat fin 2012 est de 1,3 mois. Les livraisons valorisées ont été réalisées à près de 95 % pour un objectif de 85 %. Les performances techniques sont également parfaitement maîtrisées et atteignent 99,9 %.

Cependant, l'indicateur de progression dans la réalisation des opérations d'armement principales est nettement au-dessous de l'objectif. Si les jalons du système de forces « Dissuasion » ont été franchis à 100 %, les autres systèmes de forces accusent un retard sensible. Globalement, le niveau de réalisation atteint 65,2 % pour un objectif de 82 %. Toutefois, la plus grande partie de l'écart – plus de quinze points – est due aux décisions d'attente sur les lancements de programmes ou les commandes.

Les commandes passées en 2012 témoignent des principales priorités préservées malgré la phase d'attente. La crédibilité de la dissuasion est évidemment maintenue avec l'IPER-Adaptation au M51 du SNLE Le Triomphant, le lancement de la phase d'orientation de la rénovation à mi-vie du missile ASMP-A, et le marché « Arrêt technique majeur » du porte-avions Charles de Gaulle.

Le système de forces « Connaissance et anticipation » bénéficie également d'une priorité. En 2012, nous avons lancé la réalisation du système d'information des armées, la commande des radars destinés au système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), et la commande des lancements des deux satellites MUSIS.

La protection des troupes en opération constitue aussi un objectif prioritaire comme en témoigne la notification du marché de brouilleurs BARAGE.

Enfin, le maintien de la compétence de l'industrie et de sa compétitivité à l'export est resté prioritaire avec les travaux de levée de risques du standard Rafale F3R, l'achat de capacité de soutien du service industriel de l'aéronautique (SIAé) pour le programme A400M, et le lancement des travaux du programme « CONTACT étape 1 » – programme de radio destiné à maintenir l'avance technologique de l'industrie française.

Par ailleurs un certain nombre d'acquisitions en procédure accélérée pour des urgences opérationnelles ont été réalisées comme celles d'antennes filaires haute fréquence pour les sous-marins ou de dispositifs destinés à la protection des forces en opération –brouilleurs portables contre les engins explosifs improvisés, équipement d'identification chimique, adaptation d'une mitrailleuse sur hélicoptère Caracal. Ces acquisitions ont toutefois représenté des montants très faibles – 3,5 millions d'euros en 2012 – par rapport à l'ensemble du programme 146, qui sont même en régression importante par rapport aux années précédentes – environ 25 millions d'euros de commandes en urgence opérationnelle.

En 2012, de très nombreuses livraisons ont été effectuées dont je ne citerai que quelques exemples : le premier Rafale avec antenne active, la première frégate multi-missions (FREMM) Aquitaine, le premier C160 Gabriel rénové, le quarantième et dernier Tigre version HAP, le segment sol du satellite Pléiades, le système sol-air moyenne portée terrestre SAMPT, onze Rafale, un bâtiment de protection et de commandement (BPC), cent véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), mais aussi 196 missiles AASM et 30 000 masques individuels de protection.

Jusqu'en 2011, la maîtrise du titre 2 du programme 146 a été satisfaisante avec des exécutions équilibrées voire légèrement excédentaires malgré une ressource en diminution régulière. Pour la première fois en 2012, une dérive de 0,5 % par rapport à la LFI est observée. Les dépenses de titre 2 réelles – c'est-à-dire hors fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État – du programme 146 – DGA et budget opérationnel de programme (BOP) d'armées – sont constantes à hauteur de 858,5 millions d'euros, alors que les ressources, soit 848 millions, sont en baisse sur le même périmètre.

Cette dérive s'explique principalement par un déficit sur le BOP DGA – pourtant à l'équilibre depuis 2009 – dû à une difficulté à réaliser le schéma d'emploi prévu en LFI, c'est-à-dire par une sous-exécution de la déflation de personnels prévue. Les dépenses de titre 2 n'ont pas baissé autant que la ressource LFI, en recul de 23 millions d'euros par rapport à 2011. D'autres éléments conjoncturels ont contribué à ce déficit comme, par exemple, un recouvrement insuffisant des remboursements liés aux mises à disposition de personnels en raison de difficultés rencontrées avec certaines des fonctionnalités particulières de Chorus. La sous-exécution des déflations d'effectifs en 2012 est symptomatique des difficultés à réaliser les dernières déflations prévues par la RGPP en l'absence de postes sous-jacents identifiés alors que les départs volontaires ralentissent.

Le retard enregistré en 2012 dans la déflation des effectifs de la DGA ne doit cependant pas masquer les résultats obtenus. En effet, depuis 2008, la DGA a effectué des regroupements de centres, passant de quinze centres sur vingt-et-un sites à neuf centres sur quinze sites, ce qui a impliqué des fermetures de sites et des transferts d'activités. La DGA a également externalisé massivement son soutien auprès d'autres opérateurs ministériels, même si le fonctionnement de ce dispositif récent reste à rôder sous nombre d'aspects.

À la fin de l'année 2012, la DGA comptait 10 418 équivalents temps plein, soit une réduction de près de 20 % par rapport à 2008. L'effectif de 10 000 personnes devrait être atteint fin 2013.

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