Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 16 juillet 2013 à 22h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

C'est la vraie cause de la désunion française. Si l'État doit, plus que jamais, retrouver son rôle de garant de l'égalité et de la justice sociale, la sortie de crise impose aussi de libérer les capacités d'initiative régionales et locales. Il s'agit d'aboutir à une relocalisation de l'économie, intégrant la dimension écologique et refusant la mise en concurrence libérale des territoires dans laquelle s'inscrivait la métropolisation.

Cependant, être contre une certaine forme de métropolisation ne veut pas dire être contre les métropoles. En effet, nous ne nous reconnaissons pas dans cette politique qui confond d'un côté la métropolisation, c'est-à-dire la concentration géographique des populations, des fonctions de commandement, des richesses et des emplois les plus qualifiés, et d'un autre côté le développement des fonctions métropolitaines. Pour nous, les fonctions métropolitaines doivent être pensées et organisées au niveau de la région, afin qu'elles irriguent l'ensemble du territoire. Le fait métropolitain doit permettre d'organiser des fonctions essentielles pour l'attractivité économique tandis que le fait régional doit assurer une juste répartition des richesses et des services publics sur le territoire.

Ce que nous défendons, c'est que ces fonctions doivent servir l'ensemble du territoire : toutes les collectivités locales doivent y participer et en bénéficier. Nous ne voyons pas de place pour ce qui pourrait s'apparenter à du darwinisme territorial, à l'échelle mondiale ou nationale, comme le voulait l'ancienne majorité. C'est pourquoi nous accueillons favorablement la réactivation des pays sous la forme des pôles ruraux d'aménagement et de coopération. Ils constitueront un socle structurant pour l'aménagement du territoire par les régions. Mais pour nous, il n'est pas question d'opposer d'un côté les régions et de l'autre les villes et métropoles. Il s'agit au contraire d'affirmer que les régions ont besoin de leurs grandes villes, comme les grandes villes ont besoin de leur région. C'est tout simplement ce que nous appelons l'aménagement du territoire.

Nous serons toutefois vigilants à ce que ce statut de métropole n'autorise pas les agglomérations concernées à piloter leurs propres politiques sans être tenues de prendre en compte les schémas régionaux, notamment en matière d'aides aux entreprises, d'aménagement du territoire et de soutien à la recherche et à l'enseignement supérieur. Nous aurions donc été très sensibles à la reconnaissance de l'opposabilité juridique des schémas régionaux sur l'ensemble du territoire régional, y compris les grandes agglomérations. Nous veillerons sinon à ce que les politiques publiques mises en oeuvre par les métropoles prennent en compte a minima les schémas régionaux lors de leur élaboration.

C'est dans la même logique que nous demanderons, par voie d'amendement, la suppression de toute possibilité de délégation des régions vers les métropoles, la suppression de la participation des métropoles au copilotage État-région des pôles de compétitivité et, surtout, la suppression de la prise en compte par les régions de la stratégie de développement économique et d'innovation arrêtée par les métropoles car il s'agirait là d'un retournement : une région se trouverait alors sous la dépendance directe des métropoles.

Par ailleurs, la création d'un statut de collectivité particulière – aujourd'hui pour Lyon, sans doute demain pour Paris et Marseille – nous interpelle. Pourquoi les régions dotées, pour celles qui le demandent, d'un statut particulier ne sont-elles pas considérées comme majeures et prêtes à relever ces mêmes défis ? En effet, ce qui a été rendu possible pour Lyon doit l'être pour la Bretagne, le Pays Basque ou l'Alsace, là où des expressions citoyennes et politiques fortes se sont exprimées. Nous regrettons que rien ne soit proposé par le Gouvernement pour faire reconnaître le principe de différenciation, permettant ainsi de créer des collectivités locales à statut particulier aux compétences spécifiques pérennes et sécurisées sur le plan juridique.

Je tiens, d'ailleurs, à exprimer très clairement notre opposition a l'amendement du Gouvernement visant à supprimer la liste des compétences pouvant faire l'objet d'une délégation de la part de l'État aux collectivités territoriales en ayant fait la demande. Il s'agit des domaines liés à l'organisation et au soutien aux politiques culturelles, au développement de l'audiovisuel, à la gestion de la politique de l'eau, à l'orientation professionnelle et la santé scolaire : autant de sujets auxquels la gestion par les régions apportera une réelle plus-value. Dans le domaine de l'audiovisuel, la chaîne publique régionalisée Via Stella en Corse est une réussite. Si cet amendement de suppression du Gouvernement était voté, cela rendrait les possibilités de délégations inopérantes. Pourquoi nier, aujourd'hui, cette possibilité aux régions, alors que la demande existe et que les expériences menées actuellement sont très positives ? Les mêmes conseils de prudence ont naguère été entendus s'agissant des demandes d'expérimentation et de différenciation. L'expérience a montré qu'avec le transfert de compétences à la région, cela marchait et même très bien ! Je veux, bien évidemment, parler de la gestion des trains express régionaux, des lycées ou encore de la formation professionnelle qui donne toute satisfaction. Les résultats sont les mêmes concernant la gestion des fonds européens : la région Alsace les gère en direct depuis des années et l'expérimentation est concluante. C'est pourquoi nous nous félicitons que soit prévu dans ce projet de loi un début de régionalisation de la gestion des fonds européen. Toutes ces expériences ont, au final, donné de bons résultats. C'est sur ces constats objectifs que s'appuie notre conviction que décentraliser revient aujourd'hui à régionaliser.

C'est mus par ces convictions, que nous souhaitons renforcer le rôle de chef de file de la région bien que les chefs de filat consistent en un palliatif à une réelle délégation de compétences. Il est vrai que le rétablissement des clauses de compétences générales pour les départements, que nous souhaitons, à terme, voir disparaître, ainsi que pour les régions, n'a pas permis d'entrevoir une réelle clarification des compétences. C'est ainsi qu'après avoir fait, en commission, de la région le chef de file en matière d'enseignement supérieur et de recherche, nous demanderons à ce qu'elle le devienne pour les langues et cultures régionales, le tourisme ainsi que pour le climat et les énergies renouvelables.

S'agissant du rôle du département, ne voyez pas dans mes propos un désaveu des hommes qui portent et font vivre cette collectivité territoriale. Néanmoins, nombreux sont les élus locaux, en particulier dans ma région, qui conviennent que le département né à la fin du XVIIIe siècle n'est aujourd'hui pas assez proche pour faire du local et pas assez grand pour avoir la hauteur de vue lui permettant de faire de la stratégie et de la prospective. Les compétences du département pourraient être avantageusement redistribuées pour une meilleure efficience de l'action publique entre, d'un côté, les EPCI basés sur les bassins de vie et, d'un autre côté, la région. Nous aurions là une véritable simplification, une rationalisation, une source d'économies en ces temps de difficultés. Pourquoi ne pas commencer en région Bretagne, par exemple ?

Toutefois, pour clarifier l'architecture, un énorme effort de transparence et de démocratie doit être consenti. Je tiens à vous le préciser de la manière la plus solennelle possible : il s'agit pour nous d'un point essentiel. Comment admettre que des institutions telles que les métropoles aussi puissantes et maniant des budgets colossaux ne soient pas soumises aux mêmes principes de contrôle démocratique que les autres collectivités territoriales ? La métropole est organisée selon un modèle présidentiel fort avec une absence de séparation des pouvoirs. Le conseil de métropole, instance à la fois exécutive et délibérative, élit en son sein le président de la métropole qui, assisté de ses nombreux vice-présidents, a toute latitude pour organiser la politique métropolitaine. En l'absence de proportionnelle, le fait majoritaire sera amplifié et les contre-pouvoirs quasi inexistants. Le schéma prédominant est l'entente politique entre chefs de l'exécutif sous le contrôle bienveillant du président de métropole. L'accumulation de couches aux pouvoirs importants, mais sans légitimité démocratique suffisante, est un mauvais signal.

Nous avons étudié pendant plusieurs semaines le mode d'élection des conseils départementaux, lesquels auront moins de marges de manoeuvre et d'influence que les métropoles. Comment ne pas comprendre que les citoyens s'éloignent de la vie politique quand ils n'entendent rien à nos institutions et à la façon dont sont nommés ceux qui les dirigent ? C'est ainsi que l'on sape la démocratie et que l'on crée l'abstention et le vote extrême. Il est indispensable que l'élection au sein des communautés urbaines et des conseils métropolitains se fasse au suffrage universel direct le plus rapidement possible. Nous défendrons de nombreux amendements portant sur la démocratie, le mode de scrutin, le cumul, la gouvernance et la parité femmes-hommes. Au moment où la parité femmes-hommes sera établie dans les conseils généraux, elle restera exclue des métropoles, notamment de la métropole du Grand Paris.

Le nécessaire renforcement de la démocratie et l'absence de régionalisation sont les deux grandes raisons pour lesquelles ce texte ne nous satisfait pas dans l'esprit. Il est trop loin de ce que nous avons toujours défendu. Nous ne vous en faisons pas grief, mesdames les ministres, car ce n'était pas la commande que vous avez reçue. Quant à nous, avec l'esprit d'initiative et parfois d'audace qui nous caractérise, nous ferons le nécessaire pour tenter d'améliorer ce texte que nous ne pourrions voter dans son état actuel.

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