Où sont les citoyens, alors que ces trois jours de discussion auraient pu être précédés dans le pays d'un vaste débat démocratique ? Où sont les citoyens, alors que le Gouvernement aurait pu être animé de la volonté d'informer, de faire réagir les populations et de les impliquer ? Où sont les citoyens lorsque ce projet de loi, au lieu de s'adresser à leur intelligence, orchestre dans l'ombre une véritable reprise en main des instances locales ?
Si les citoyens avaient été associés à ce projet de loi, alors les termes du débat en seraient bouleversés, et nous discuterions sous l'égide de l'intérêt général et du bien commun.
Cette indispensable consultation a-t-elle eu lieu ? Interrogez aujourd'hui n'importe quel habitant sur l'ensemble du territoire national, demandez-lui s'il sait que les députés sont sur le point de prendre des décisions d'une telle importance pour les institutions de notre pays. Saura-t-il qu'ils vont peut-être créer des métropoles impactant la vie de 30 millions d'habitants ? Saura-t-il qu'ils ne pourront plus intervenir dans leur commune, comme c'est leur droit de citoyen, sur les plans locaux d'urbanisme, mais qu'ils devront s'adresser à la communauté de communes, d'agglomération, voire à la métropole ?
Parce que cette réforme s'est orchestrée à bas bruit, seule une infime minorité de nos concitoyens savent ce qui se trame.
Quant aux agents de la fonction publique, qu'elle soit d'État ou territoriale, que savent-ils des bouleversements en préparation, des mises à disposition de services entiers d'une institution à l'autre ? Rien ou presque. Il y a de fortes chances que ces hommes et ces femmes tombent de l'armoire en apprenant les nouveaux objectifs de rationalisation de la dépense publique contenus explicitement dans le projet de loi, qui se traduiront encore par des déménagements contraints, des regroupements technocratiques et des suppressions de postes.
Nul doute qu'un tel mépris pour l'avis des citoyens forcera ceux-ci à se mettre encore plus en retrait de la chose publique. Ce mépris est malheureusement conforme à l'état d'esprit dominant, qui renvoie les décisions importantes à quelques-uns, aux experts, à ceux qui savent. C'est cet état d'esprit qui est au coeur du projet, en particulier en transformant les communes en coquilles vides, en réduisant à presque rien ces espaces qui restent pourtant des foyers de démocratie, des espaces de proximité sans égal, ces espaces qui sont pour des millions de gens les lieux principaux et familiers de la République, des lieux où les habitants de tous âges et de toutes conditions se reconnaissent, parce qu'ils sont un maillon essentiel de l'accès aux services publics et à la vie de citoyen et de salarié.
Bien évidemment, vous essayez de convaincre les élus locaux et de nous convaincre, mais vous faites comme l'empereur Heliogabale, qui servait à certains convives de très beaux plats, en fait des dessins figurant les mets au menu, et chaque convive devait être content.