Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 16 juillet 2013 à 22h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous devons nous rendre à l'évidence, l'acte III de la décentralisation et l'achèvement de la réforme territoriale, que laissait espérer le discours de Dijon du 5 mars 2012, ne se feront ni avec ce projet de loi ni avec les deux suivants. C'est pour nous, décentralisateurs assumés, une vraie déception.

Tant sur la forme que sur le fond, je voudrais vous faire part de ma perplexité.

Je suis perplexe devant un texte peu soucieux de cohérence. Vous avez, en effet, fait le choix de scinder votre projet de réforme territoriale et de l'action publique en trois phases, selon une logique ou une absence de logique qui est à l'opposé de notre conception de l'aménagement du territoire : sont traitées en premier lieu des métropoles et des grandes villes, puis viendront ensuite les régions, et enfin le reste – si j'ose dire – des territoires.

Ainsi, après avoir modifié les dates des élections et les modes de scrutins, lorsque vient enfin le moment de procéder à une véritable réforme décentralisatrice, vous préférez commencer par discuter des compétences des agglomérations, avant même celles des régions, plutôt que de procéder à une véritable remise en ordre et une redéfinition du rôle de nos différents échelons territoriaux.

En somme, vous construisez l'aménagement du territoire sur le seul fait métropolitain, en reléguant la question du maillage territorial – villes moyennes comprises – et des solidarités territoriales au second plan, voire en l'oubliant.

Autre inconvénient de ce découpage en trois phases : nous allons traiter ainsi la partie avant le tout, comme l'eût dit Aristote, sans aucune perspective de l'ensemble du projet, sans aucune vue d'ensemble du sujet.

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à nous en étonner. L'Assemblée des communautés de France n'a-t-elle pas, au lendemain de la présentation de ces textes, fait part de sa crainte d'un « enlisement du nouvel acte de décentralisation » considérant que, si l'examen séparé du volet spécifique aux aires métropolitaines peut être envisagé, les autres dispositions participent d'une architecture d'ensemble qui doit préserver sa cohérence.

Je suis aussi perplexe car le texte manque visiblement de cap et de ligne directrice.

Nous aurions pourtant pu souscrire aux objectifs énoncés par François Hollande en mars 2012, lorsqu'il annonçait dans son discours de Dijon sa volonté d'engager une nouvelle étape de la décentralisation. Il affirmait alors que la décentralisation était « un facteur de clarté, de responsabilité », « une source d'efficacité de la dépense publique », qui écarterait « les superpositions, les enchevêtrements, les confusions. »

Où en sommes-nous donc avec ce texte, alors que notre organisation territoriale perpétue, en l'accentuant même, l'insoutenable enchevêtrement des compétences, alors que la multiplication des structures, associée à la complexité des circuits de décision et de financement, pèse de plus en plus lourdement sur la compétitivité de notre pays ?

Quels remèdes apporter ? Avec ces trois projets de loi, on a perdu le fil de la question et le cap.

La réaction des élus est d'ailleurs révélatrice de ce manque de perspectives. Le texte que nous examinons aujourd'hui est certes un texte complexe dans lequel chacun peut trouver quelques motifs de satisfaction ou de mécontentement, mais il recueille finalement bien peu d'approbations.

Si le projet de loi ne visait qu'à améliorer le sort de quelques métropoles, il pourrait être, à la limite, acceptable. L'organisation de territoires en métropoles conçues comme pôles de développement est en effet un facteur de croissance économique. Et, à l'exception du projet de métropole en Île-de-France, les dispositions qui concernent la structuration de la métropole lyonnaise et la reconnaissance du fait métropolitain pourraient nous satisfaire. Nous en reparlerons au cours de la discussion. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail réalisé dans la métropole lyonnaise par nos collègues sénateurs du groupe UDI-UC, notamment par Michel Mercier qui avait lancé l'idée dès 2012.

Néanmoins, il est regrettable de constater que cette partie du texte consacrée à la métropole lyonnaise, la plus réussie, est elle-même inaboutie. L'agglomération lyonnaise représente 74 % de la population départementale. Une ambition plus forte et plus claire n'aurait-elle pas pu en faire la première agglomération-département de France ? Il y a des villes-länder dans des pays voisins.

Quant à l'Île-de-France, nous n'y avons trouvé que superpositions et confusions, pour reprendre les termes présidentiels. Cette réforme reviendra à créer trois Grand Paris sur trois périmètres différents et conduira en outre à un affaiblissement de la démocratie locale – mon collègue Jean-Christophe Fromantin y reviendra demain.

Mes chers collègues, en réduisant ce projet de loi aux seules métropoles, n'affiche-t-on pas clairement ici un manque d'ambition ? Où est cette fameuse réforme territoriale dont chacun ici a reconnu, un jour ou l'autre, la nécessité ?

Dans le domaine des compétences, votre choix, madame la ministre, c'est le non-choix. Vous avez multiplié les instances et les schémas à travers les conférences territoriales de l'action publique, espérant sans doute trouver un consensus entre des collectivités dont le paysage se complexifie toujours davantage. Cette voie va rendre encore plus difficile, voire impossible dans certains cas, la prise de décision à de nombreux niveaux.

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