Intervention de Charles Gadbois

Réunion du 2 juillet 2013 à 18h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Charles Gadbois, ergonome, ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, CNRS :

À côté de l'enjeu de santé, il y a celui de la qualité de la vie, qui est liée à la nature du travail et aux types d'horaires sur lesquels les ergonomes ont beaucoup à dire. L'impact du travail s'explique, d'abord, par les temporalités, ensuite, par les contraintes propres à la nature des tâches. Sur ce dernier aspect, on sait qu'un des grands problèmes dans le secteur hospitalier est le mal de dos dont souffre une population essentiellement féminine – infirmières et aides soignantes.

Les horaires de travail ne sont pas l'affaire d'un travailleur ou d'une travailleuse, ils sont l'affaire du couple. En effet, les hommes en horaires postés, qui souffrent d'une grande fatigue et de problèmes de sommeil, bénéficient du soutien de leur compagne pour toutes les autres activités. C'est pourquoi à côté de la question des femmes au travail, se pose celle des femmes qui ne sont pas au travail. En Allemagne, une étude a montré que les femmes de policiers actives et sans enfant sont 80 % à travailler à temps plein et 16 % à travailler à temps partiel, tandis que les policières avec enfants ne sont plus que 13 % à travailler à temps plein, 42 % ne travaillant pas du tout. Il est bien d'autres secteurs pour lesquels nous pourrions évoquer le même type de statistiques. En France, plusieurs analyses montrent que les femmes de travailleurs postés, qui ne sont pas elles-mêmes en horaires postés, contribuent de façon importante à la vie familiale – courses, cuisine, entretien de la maison, relations avec les enfants, etc. Au demeurant, une étude récente révèle que 80 % des agents de sécurité de l'événementiel sont incapables de dire si leur enfant aime l'école ou pas, alors que leurs conjointes le savent à 95 %.

La diversité des systèmes d'horaires de travail génère une diversité de contraintes. Les horaires décalés sont soit de nuit, soit le matin très tôt – de cinq heures à midi par exemple – ou très tard le soir, comme pour les femmes de ménage. Le travail posté est en horaires de nuit fixe ou en horaires de nuit alternant avec des horaires de jour, horaires de jour qui peuvent être tantôt le matin tantôt l'après-midi. Les horaires irréguliers concernent les femmes de ménage et tout particulièrement les caissières qui travaillent par exemple le matin jusqu'à onze heures, puis à partir de quinze heures lorsque les clients sont à nouveau plus nombreux. Une particularité des horaires irréguliers est leur répartition différente selon les jours de la semaine. Tous ces types d'horaires ont un impact important sur la vie des salariés.

Comme l'a souligné Mme Prunier-Poulmaire, « le travail a le bras long », c'est-à-dire que la nature du travail a un impact sur la vie hors travail, en particulier pour les femmes. En effet, dans certains secteurs professionnels où l'intensité du travail est très forte, les salariés sont soumis à un stress physique et psychologique important. Une étude sur les téléphonistes, activité qui n'existe plus aujourd'hui, a montré que les femmes une fois rentrées à la maison devaient attendre au moins une heure avant de pouvoir faire face aux tâches familiales – préparation des repas, aide aux devoirs des enfants, etc. De la même manière, les infirmières du secteur hospitalier m'ont expliqué ne pas avoir l'énergie nécessaire à la maison le soir pour s'occuper de leurs enfants : elles doivent attendre le temps de repos du week-end pour y parvenir. Les salariés hommes ou femmes des centres d'appel ont également des capacités amoindries dans leur vie hors travail.

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