Un projet de loi ambitieux et progressiste devrait s'attaquer aux discriminations territoriales et promouvoir une métropole égale pour tous les habitants d'Île-de-France. Votre projet de métropole, mesdames les ministres, ne changera en rien cela ! Je crains au contraire que le projet métropolitain du Gouvernement n'accentue encore les inégalités territoriales, pour trois séries de raisons.
En premier lieu, votre projet de loi remet profondément en cause les acquis de la décentralisation et les dynamiques nées sur les territoires. Après des décennies d'aménagement autoritaire de l'Île-de-France, les maires ont acquis après 1982, grâce aux lois Defferre et au gouvernement d'union de la gauche de l'époque, des compétences fortes pour bâtir les villes avec les habitants. Affranchies de la tutelle de l'État, les énergies se sont libérées dans beaucoup de villes populaires et les élus se sont battus pour engager des dynamiques de territoires. Autour de Plaine commune, à Saint-Denis, La Défense, Nanterre, Ivry ou encore autour de l'aéroport Charles-de-Gaulle, des pôles d'excellence se sont affirmés. Je note tout de même que les villes de sensibilité communiste ont joué un rôle décisif par leur impulsion, leur dynamisme économique et leur développement social et culturel. La conception hyperconcentrée de l'aménagement, à l'origine des catastrophes urbanistiques que l'on connaît, avait vécu. C'est pourtant cette conception politique et administrative d'un autre siècle que vous voulez ressusciter, mesdames les ministres.
En effet, la superstructure technocratique de la métropole du Grand Paris confisquerait les pouvoirs des communes. Le conseil de la métropole, essentiellement contrôlé par les élus de Paris, disposerait de pouvoirs exorbitants en matière d'aménagement et de maîtrise du foncier. En clair, la métropole pourrait décider d'en haut, sur un coin de table, la construction de milliers de logements dans une commune. Dans une telle métropole qui ne serait en rien durable, l'étalement urbain s'accélérerait et les sanctions contre les ghettos de riches refusant de construire des logements sociaux resteraient toujours aussi faibles.
Quant à l'absorption des EPCI, les contrats de développement territorial promus par l'État ne sont pas encore bouclés et l'ubuesque logique métropolitaine supprimerait les structures intercommunales qui les portent ! Faudra-t-il abandonner les projets imaginés dans ce cadre avec les populations et repartir de zéro ? Quel gâchis des efforts considérables qui ont été déployés pour vaincre les égoïsmes locaux et enclencher des projets de territoire !
Ma seconde série de critiques porte sur l'absence de mécanisme de solidarité financière dans le projet de métropole, alors qu'il s'agit du problème principal de l'Île-de-France. Rien ou presque n'est dit de l'engagement financier de l'État et de l'indispensable péréquation. En réalité, la réforme répond à un seul objectif, dicté par la Commission européenne, la baisse des dépenses publiques.