Intervention de Serge Grouard

Séance en hémicycle du 17 juillet 2013 à 15h00
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Grouard :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je commencerai par resituer notre débat dans la perspective historique du temps long cher à Fernand Braudel. La France est une longue patience : des siècles d'histoire dont l'origine est incertaine et bien difficile à dater. Mais cette longue histoire recèle au moins un invariant essentiel, celui de la construction d'un État fort, contre les féodalités, contre les princes, contre les corps intermédiaires, contre les provinces, contre les baronnies ; lente et incertaine construction, au moins depuis la royauté capétienne jusqu'à l'aboutissement d'une monarchie absolue, qui ne l'était d'ailleurs pas tant que cela, mais qui avait, avec Mazarin et Louis XIV, fait triompher l'État contre les particularismes des princes frondeurs.

Plus proche de nous, la Révolution française poursuivit et amplifia même ce mouvement profond en cherchant à gommer les particularismes locaux, à unifier la nation au nom d'un certain universalisme qui allait jusqu'à effacer les anciens noms.

Aboutissement ultime, Napoléon créait les départements sans référence historique.

Au fil du temps, l'État était devenu fort, centralisé, pivot d'une République une et indivisible, centralisateur sans doute à l'excès.

Alors, dans cette république progressivement plus apaisée, où les conflits étaient autres, sociaux notamment, un deuxième mouvement de rééquilibrage s'est engagé. L'État fort pouvait se permettre de reconnaître le fait local, puis de l'encourager, sans, désormais, risquer sa propre survie. Ce furent d'abord les grandes lois sur la commune et le département de la Troisième République naissante, puis, plus tard, l'engagement vers le fait régional, voulu par le général de Gaulle, et, enfin, les lois de décentralisation de 1981 et 1982. Je dis bien « enfin », car, depuis lors, plus de grandes réformes, mais de simples adaptations. Peut-être était-ce suffisant. Peut-être, après tout, le grand mouvement historique que j'ai voulu rappeler avait-il trouvé un équilibre durable et satisfaisant dans la relation qui s'était établie entre l'État et les collectivités, entre les collectivités elles-mêmes et entre cet ensemble institutionnel et le citoyen ; peut-être convenait-il simplement de procéder à quelques ajustements rendus nécessaires par les évolutions de plus court terme ? Cela a été fait, plus ou moins.

Peut-être aussi était-ce insuffisant, et c'est bien là la question à laquelle je souhaite arriver. L'organisation territoriale actuelle est-elle satisfaisante ? Demande-t-elle un simple ajustement ou une réforme structurelle plus profonde, faisant arriver à maturité ce double mouvement historique de centralisationdécentralisation ? C'est cette deuxième possibilité que je retiendrai, pour proposer ensuite, ce sera mon deuxième point, une réorganisation ambitieuse que, malheureusement, je ne trouve pas dans le texte qui nous est soumis.

Notre organisation actuelle n'est pas satisfaisante, malgré le dévouement de nombre d'élus locaux, et ce pour quatre raisons au moins.

La première est qu'elle est devenue trop complexe, avec la superposition des niveaux de collectivités, auxquels sont venues s'ajouter les intercommunalités, l'enchevêtrement des compétences et une suradministration, une surreglémentation paralysantes.

Deuxième raison, cette complexité engendre de plus en plus d'inefficacité. Les manifestations en sont multiples : le temps des projets est de plus en plus long – cinq ans, dix ans, parfois beaucoup plus –, et la cohérence d'ensemble fait défaut. Regardez le seul exemple, dramatique, de l'urbanisme commercial : on a fait n'importe quoi dans des entrées de ville défigurées.

Troisième raison, la répartition des charges et des compétences est souvent perçue comme injuste. Les grandes villes voient se multiplier les charges de centralité, sans compensation équitable. Le monde rural se sent parfois laissé-pour-compte. Les départements croulent sous le poids d'une dépense sociale imposée par l'État.

Enfin, quatrième raison, le coût global du système ne cesse d'augmenter, se traduisant presque mécaniquement par une hausse de la dépense des collectivités et par la hausse corrélative de la fiscalité locale. Je ne connais guère, mes chers collègues, que la ville d'Orléans qui n'ait pas augmenté ses taux d'imposition depuis 1996.

Bref, en situation de crise économique, tout cela ne peut pas durer plus longtemps. Alors, quelle réforme ?

Je la crois fondamentalement nécessaire. Elle doit être ambitieuse, simple et claire. Pour cela, je lui vois trois volets.

Le premier, dont personne, jusqu'à présent, n'a voulu véritablement parler, c'est bien la réduction du millefeuille territorial, avec la fusion – je dis bien : la fusion – des départements et de leur région et, ensuite, le regroupement communal – peut-être, en milieu urbain, madame la ministre, un regroupement avec la métropole, mais pourvu que cette métropole ne soit pas réduite à quelques villes, mais soit accessible à toutes les villes qui peuvent le souhaiter, selon des critères qualitatifs simples, liés aux fonctions et aux charges de centralité que j'ai évoquées. Et je ne comprends pas votre obstination à refuser cette ouverture.

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